Factory, manufacture de sons electro jazz
Le neuvième festival Factory s’est tenu à Paris du 10 au 13 octobre. Avec notamment les très attendus Wax Tailor, Scratch Massive et Laurent Garnier. L'occasion aussi de se pencher sur le dernier projet du pianiste Laurent de Wilde que RFI Musique a rencontré à cette occasion.
9è édition à Paris
Le neuvième festival Factory s’est tenu à Paris du 10 au 13 octobre. Avec notamment les très attendus Wax Tailor, Scratch Massive et Laurent Garnier. L'occasion aussi de se pencher sur le dernier projet du pianiste Laurent de Wilde que RFI Musique a rencontré à cette occasion.
Un festival ne peut s’appeler Factory sans arrières pensées. Le mot évoque immanquablement le laboratoire pluri-disciplinaire créé par Andy Warhol à New York, voire le label anglais qui lança Joy Division et New Order. En guise d’introduction à cette neuvième édition du festival, était projeté le film Downtown 81, consacré au foisonnement de la scène artistique et musicale new-yorkaise des années 80. "Le film montre la naissance du mouvement hip hop, qui côtoie le rock expérimental, comme celui de Tuxedomoon, groupe qui a beaucoup flirté avec le jazz" explique Fabien Lhérisson, le programmateur. "Factory se veut un lieu de rencontres ouvert sur la ville."
Le groupe Tuxedomoon est revenu à Paris, à la Cigale ce 10 octobre. La première fois, c’était grâce à Jean-François Bizot, le créateur de Radio Nova, récemment disparu, auquel le groupe, 30 ans de carrière au compteur, a rendu hommage. Avec leurs mélopées cuivrées jazz-rock, The Cinematic Orchestra a poursuivi la soirée dans une veine plus posée, aux riches arrangements.
Hip hop tous azimuts
Le lendemain, les vedettes s’appelaient Wax Tailor, avec un concert parisien complet depuis longtemps. Ce trip-hop frenchy séduit grâce à ses mélodies entêtantes et son mélange de beats numériques, de flûte traversière et de violoncelle. Le live s’est étoffé, avec des projections coordonnées au son des samples de hip hop ou de Nina Simone. Les rappeurs de The Others, A State of Mind et la chanteuse Voice, avaient fait le déplacement pour un concert qui soulignait le passé rap du leader de Wax Tailor.
Juste avant ce concert attendu, le public avait pu faire une belle découverte avec Aloe Blacc, rappeur californien versatile, autant à l’aise dans le funk, les sonorités jazzy ou le dancehall. Entre les deux concerts, DJ Netik, champion du monde DMC des DJs, jouait lui aussi la carte de la diversité musicale de Jay-Z à Nirvana.
Déflagrations techno
Le public étant sans doute peu aventureux, la troisième soirée du festival Factory n’avait rempli la Cigale qu’à moitié. Effectivement, les expérimentations de Laurent de Wilde et Otisto 23 avaient a priori de quoi décontenancer (voir interview). Sur scène, tout devenait pourtant évident grâce à l’écran géant qui montrait tous les faits et gestes du pianiste, jouant, pinçant les cordes ou tapant la ceinture du piano à queue, dont la carapace avait été enlevée, comme pour mieux montrer ses entrailles. Le concert se terminait par un morceau aux basses et échos de dub, à des lieues du piano ou du jazz !
Autre jazzman conquis par l’électro, Bugge Wesseltoft accompagnait ses compatriotes The Mungolian Jet Set, aux prises avec des boîtes à rythmes, ordinateurs et platines. Vint alors le tour du Lyonnais Agoria, accompagné par le chanteur Peter Murphy. Du tube qui l’a rendu célèbre, la 11e Marche au plus récent les Violons Ivres, Agoria réussit à conquérir sans difficulté le public avec sa puissante techno.
Le dernier jour du festival, les Scratch Massive ont balancé un live crépusculaire et puissant, très efficace. Arrivèrent ensuite Laurent Garnier et ses musiciens de jazz. Pour ce premier concert à Paris et dernier de dix-huit mois de tournée, le DJ-musicien exprimait au micro son émotion. Comme chef d’orchestre, il adressait d’étranges signes à ses acolytes. Il était ensuite pris comme de spasmes lorsqu’il tirait de son ordinateur des décharges de basses. Sur plusieurs morceaux, on a même pu entendre un certain Matthieu Chédid à la guitare. Malgré deux coupures de son, le très bavard DJ parvenait sans peine à conquérir les spectateurs, notamment avec l’hypnotique Acid Eiffel. Les influences de la techno made in Detroit et le jazz formaient un couple harmonieux, à l’image des mises en regard qu'a tenté le festival Factory entre jazz et electro.
Trois questions à Laurent de Wilde
RFI Musique : En quoi consiste votre nouveau projet ?
Laurent de Wilde : Je produis toutes sortes de sons avec mon piano qui sont enregistrés en direct par Otisto [pianiste et ingénieur du son : ndlr]. Il les modifie sur son ordinateur avant de les renvoyer. Il n’y a donc que des sons de piano, aussi maltraités soient-ils : leur ADN reste issu du piano.
L’ordinateur absorbe les sons comme une éponge et joue avec en temps réel, cela nous libère de la fabrication artificielle de sons, qui est l’apanage de la musique assistée par ordinateur. Nous avons auparavant beaucoup expérimenté.
S’agit-il d’un duo ordinateur/piano ?
Tout à fait. Au départ, je pensais à un projet solo, mais c’était difficile de gérer les deux à la fois. Le piano est une source sonore et l’ordinateur un tableau noir sur lequel je jette très vite des informations, et Otisto me surprend autant que je le surprends. Cela devient vraiment un ping-pong.
Issu du jazz, vous vous aventurez régulièrement vers l’électro. C’est un peu le chemin inverse de celui de Laurent Garnier…
Il est dans une logique plus construite que la nôtre. Je l’ai vu à Montreux, et cela m’a vraiment emballé. Laurent a aussi cherché pendant longtemps et a tenté beaucoup de choses. C’est le vrai chef d’orchestre, un rôle qu’il a dû apprendre, il laisse de la place aux autres musiciens, c’est vraiment live.
Laurent de Wilde et Otisto 23 PC Pieces (Nocturne) 2007