Tonton David cultive son jardin

Quinze ans après ses débuts avec Peuples du monde, Tonton David reste l’un des représentants les plus appréciés du reggae français. Babelou, son cinquième album, est le reflet des changements qui se sont produits dans la vie de l’artiste au cours des dernières années.

Nouvelle récolte reggae

Quinze ans après ses débuts avec Peuples du monde, Tonton David reste l’un des représentants les plus appréciés du reggae français. Babelou, son cinquième album, est le reflet des changements qui se sont produits dans la vie de l’artiste au cours des dernières années.

 

 Une fois encore, la chance a frappé à la porte de Tonton David. Elle l’a retrouvé, bien qu’il ait quitté la banlieue parisienne où il avait grandi pour s’installer il y a trois ans dans un village d’à peine 500 habitants, situé en pleine campagne. Au milieu des champs, le chanteur réunionnais aux longs dreadlocks mène cette vie tranquille de père de famille nombreuse à laquelle il aspirait. À l’image de nombreux écrivains qui se fixent une discipline de travail, il assure être "tous les jours" devant son ordinateur pour écrire. Et de faire remarquer que c’est en regardant à travers sa fenêtre que lui est venue l’idée de Big Up les fermiers, un texte dans lequel il remercie les agriculteurs car "en tant de crise, c’est les fermiers qui ont la bonne weed (herbe, ndr)" !

Il y a quelques mois, celui qui continue à se voir humblement comme un "artiste à responsabilité limitée" s’apprêtait à sortir son cinquième album Livret de famille, un titre reflétant autant son nouvel environnement que la façon spontanée dont il a conçu ses morceaux, avec une équipe réduite et composée de nouveaux collaborateurs. Sans maison de disques, il était devenu son propre patron. "Avant, chaque fois qu’on faisait un disque, c’était une nouvelle aventure. Mais là c’est un chapitre 2", disait-il tout en précisant qu’"il faut avoir l’humilité de reconnaître qu’il y a des choses que je ne maîtrise peut-être plus aussi bien qu’il y a quelques années."  

    Absent de l’actualité musicale depuis six ans – à l’exception du titre Y’a des hauts, y’a des bas ajouté à un Best of paru en 2002 –, il pouvait difficilement prétendre dans ces conditions à un retour au premier plan. Et c’est à ce moment-là que sa bonne fée a resurgi : La Gagne, un morceau sur lequel il avait été invité par les rappeurs d’Intouchable pour un duo, se met à être diffusé de façon intensive par quelques radios et grimpe dans les ventes françaises de singles. Du coup, Tonton David retrouve une plus grande visibilité et décide d’en profiter en repoussant à l’automne la sortie de Livret de famille, qu’il rebaptise Babelou, pour y inclure ce nouveau succès ainsi qu’un autre titre en combinaison avec le rappeur Karlito, membre de la Mafia K1fry.

"J’ai ma bonne étoile", confesse le chanteur. Elle s’était déjà manifestée en 2002, alors qu’il était en plein divorce avec sa maison de disques ; Y’a des hauts, y’a des bas avait été choisi pour figurer sur la bande originale du film Le Raid de Djamel Bensalah. Douze ans plus tôt, cette même bonne étoile lui avait permis d’être remarqué lors d’un reportage télévisé sur les soirées du "Paris black". Loin de se sentir artiste, le jeune homme s’occupait surtout de promouvoir ces soirées reggae, de filtrer les entrées. Il n’avait que très rarement pris le micro avant d’être filmé. Avec Peuples Du Monde, l’ex-délinquant toxicomane qui a eu une révélation en découvrant le prophète rasta Marcus Garvey lors d’un de ses séjours derrière les barreaux est tout à coup en pleine lumière."Le problème, c’est que j’ai commencé à faire de la musique au moment où ça marchait. Pour Peuples du monde, j’étais un débutant", rappelle-t-il aujourd’hui.

 

 À 38 ans, quinze ans plus tard, Tonton David a la sensation d’avoir fini cet apprentissage qui lui faisait défaut à ses débuts. Il se sent plus à l’aise dans l’écriture comme sur scène, reprend plaisir à fréquenter les sound systems, ces soirées reggae qu’il avait désertées depuis longtemps. Ces prestations lui valent à nouveau les faveurs d’un public qui l’avait délaissé et elles lui ont donné confiance. Enregistré sur un instrumental de ragga hardcore – ce qu’il ne s’était jamais autorisé à faire –, Being Being lui offre l’occasion d’enfiler le costume de toaster qui lui va si bien, à la fois vif sur la forme et sur le fond. De son passé d’enfant de la rue, il a gardé une énergie qu’il sait canaliser à travers ses textes qui lui ressemblent tant. Il a son style, sa façon de raconter ses doutes, ses indignations, ses coups de colères, avec ces formules simples et amusantes, souvent triviales mais jamais fausses. Pour ceux qui ne sont pas habitués à son vocabulaire particulier, il a pensé à inclure dans Babelou un lexique des termes récurrents dans son langage : Wine est une "danse collé collé", Gal signifie "jeune fille". Mais pour Big Family Man, au lieu d’écrire simplement "père de famille nombreuse", il se contente d’indiquer que "la traduction sera simple pour ceux qui auront fait anglais renforcé"... Etre sérieux sans trop se prendre au sérieux, telle pourrait être la devise de Tonton David.

Tonton David Babelou (Bansa/Night & Day) 2005