HOUSTON FESTIVAL

Houston, le 1er mai 2002- Ce qui était annoncé comme un grand rendez-vous de la musique française aux Etats-Unis, s’est finalement révélé être une manifestation où l’esprit festif du public était avant tout concentré vers des stands proposant toutes sortes de nourritures terrestres. La musique francophone ne fait pas le poids au pays de la « junkfood ».

Kermesse à l’américaine.

Houston, le 1er mai 2002- Ce qui était annoncé comme un grand rendez-vous de la musique française aux Etats-Unis, s’est finalement révélé être une manifestation où l’esprit festif du public était avant tout concentré vers des stands proposant toutes sortes de nourritures terrestres. La musique francophone ne fait pas le poids au pays de la « junkfood ».

Pourtant tout semble être séduisant sur le papier. La 31ème édition du Festival International de Houston propose un focus sur la France intitulé d’une façon très tendance « The French Touch ». Sont annoncés initialement en tête d’affiche Cheb Mami, Sergent Garcia et Paris Combo. Seuls ces derniers sont présents alors qu’ils entament leur cinquième tournée américaine. Cheb Mami a lui annulé la sienne, quant à Sergent Garcia ce sont des contre-temps administratifs qui l’ont empêché de venir, n’obtenant pas les visas de travail à temps. Mais les absents n’ont pas eu tort.

Situé en plein cœur de Houston, dans les parcs ombragés entourant la mairie, toutes les rues environnantes fermées à la circulation, ce festival paraît fort intéressant sur le plan présenté à Paris à Bruno Boutleux, le directeur du Fonds pour la création musicale (FCM) sollicité pour être un des nombreux partenaires de la manifestation. Une des scènes, la « World Music Stage » est installée en bas des marches de la Mairie, l’autre le « French-Atlantic Bistro » est situé à l’entrée des stands présentant les artisans français ayant fait le déplacement pour promouvoir leurs produits. Mais la réalité est tout autre lorsque les artistes voient défiler devant eux durant leurs prestations un public plus concentré sur sa cuisse de dinde fumée, sa brochette de poulet, ses nachos ou jambalaya que par la musique qui ne se révèle être qu’un fond sonore.

L’espace dévolu au public de la « World Music Stage » n’est qu’un corridor au soleil où chacun ne fait que passer, les rares spectateurs intéressés se réfugiant sous les arbres de chaque côté de la scène pour fuir la chaleur étouffante du printemps texan. Celui du Bistro est autant intéressé à déguster les vins français sous les parasols à l’abri du soleil qu’à écouter la musique.
En tout et pour tout, ce sont 200 personnes qui assistent à chaque concert de Paris Combo, car les artistes passent d’une scène à l’autre en l’espace de deux heures. « Pas mal » nous dira David Lewis, l’Australien du groupe, « la dernière fois, il y a quatre ans, nous avions joué devant 3 spectateurs sous la pluie ».
Néanmoins, les autres scènes ne sont pas des lieux de passage et le public à tout loisir de s’installer pour écouter la musique qu’elle soit texane, américaine ou latino. La culture française semble bien peu intéresser ces festivaliers.

Que viennent faire les artistes français dans une telle manifestation. Le Bagad Ronsed-Mor, plus connu comme étant celui de Lokaoal-Mendon, maintes fois champion de Bretagne des bagadou et vu le mois passé sur la pelouse du Stade de France lors des Nuits celtiques, se l’est demandé.
Cette vingtaine de véritables musiciens amateurs, qui ont pris deux semaines de congés pour venir honorer l’invitation qui leur a été faite, en ont fait les frais. Hébergés dans un motel proche de l’aéroport, livrés eux-mêmes, il leur a été demandé d’aller sonner chaque jour à la Mairie à 12 heures précises devant dix personnes mangeant leur sandwich, de jouer devant l’establishment de la ville pour une soirée non prévue en l’honneur de… Total-Fina-Elf qui avait souillé leurs côtes ou de faire l’aubade aux clients du très chic restaurant « La Colombe d’or », patientant des heures dehors sans même avoir une verre en remerciements.


Belle du Berry, la chanteuse de Paris Combo avait d’autres soucis en tête. Sur les routes depuis trois mois, Houston n’aura été qu’une courte étape d’une longue tournée, venant la veille de Hanover dans le Massachusetts où il neigeait pour jouer dans la chaleur suffocante de la ville de la NASA.
Lorsqu’elle s’apprête à interpréter Attraction , titre phare de son dernier album, elle lance : « On a des problèmes en ce moment avec les élections en France, ce serait bien qu’elle envoie Le Pen dans les étoiles ». Le public français apprécie la métaphore, quant aux américains présents ils ont droit pour l’occasion à la traduction de Belle.

Rajery arrivé le matin même du Festival de Lafayette est surpris par la différence d’ambiance entre ces deux festivals pourtant si proche géographiquement et si différents dans le respect de l’artiste et la manière de présenter la chanson francophone, qui n’est après tout que de la « world music » aux Etats-Unis.
Potzi, le guitariste de Paris Combo, lui est heureux d’être ici, pouvoir écouter d’autres groupes comme celui du guitariste gitan Birelli Lagrène qui avait fait le déplacement de Strasbourg. « Que l’on joue ici, en Australie ou en Indonésie, on voit toujours le sourire des gens sur leur visage et cela nous ravit » dit-il.

Mais dommage pour la musique et le travail réalisé en amont pour un impact bien dérisoire vu les moyens engagés par les multiples partenaires français.

Pierre René-Worms