Patrick Saint Eloi
De passage en métropole pour présenter Plézi, son dernier album, Patrick Saint-Eloi poursuit, avec élégance et modestie, son chemin sur la planète zouk. Une démarche artistique sincère qui confirme que le chanteur guadeloupéen demeure l’un des dignes représentants de la scène musicale des Antilles françaises.
L’artiste guadeloupéen assume son nouveau rôle de "Papa zouk"
De passage en métropole pour présenter Plézi, son dernier album, Patrick Saint-Eloi poursuit, avec élégance et modestie, son chemin sur la planète zouk. Une démarche artistique sincère qui confirme que le chanteur guadeloupéen demeure l’un des dignes représentants de la scène musicale des Antilles françaises.
Avec ses dread locks plaquées en arrière, la star de Pointe-à-Pitre affiche un nouveau look. Une manière, sans le vouloir, de nous dire que l’époque du crooner de Kassav’ est révolue. Même si la voix charmeuse est toujours aussi convaincante, Patrick Saint-Eloi semble désormais être devenu un "Papa zouk" tranquille. Un statut des plus honorables pour ce Guadeloupéen au service de la musique antillaise - en solo ou avec le big band créole -, depuis les années 80. Récompensé par de nombreux prix, acclamé par le public à chaque concert, il paraît aujourd’hui serein malgré sa notoriété. Car l’homme a pris le dessus sur l’artiste. Rencontre.
RFI Musique : Vous revenez dans les bacs avec Plézi, une longue et douce ode à la sensualité. Comment avez-vous écrit cet album ?
Patrick Saint Eloi : Au départ, je devais enregistrer un best of avec quelques chansons inédites. Et puis, au fur et à mesure, j’ai écris pleins de nouveaux textes. Du coup, je suis entré en studio pour faire un véritable nouvel album. Concernant, les thèmes, j’en avais marre de cette image caricaturale que l’on donne de moi avec uniquement ce côté lover. Même si c’est pas une critique, je voulais aborder d’autres sujets que l’amour. Depuis que je suis rentré vivre aux Antilles, je suis davantage en contact avec les gens au quotidien. Sans avoir un discours rébarbatif, je me suis rendu compte qu’il y a plein de sujets de société qui nous préoccupent tous, comme les problèmes d’environnement. Par exemple, sur le titre Ni assé, je parle des cataclysmes et autres tremblements de terre que nous avons connus. Nous devons réfléchir ensemble pour trouver des solutions. Car nous sommes tous sur la même petite terre et il est important de savoir si chaque habitant de la planète vit correctement dans un certain bonheur. Même si j’habite en Guadeloupe, je suis avant tout un citoyen du monde.
Ce dernier album est marqué aussi par la présence de deux compatriotes, le pianiste Ronald Tulle et le DJ Didier Daly. Comment se sont effectuées ces rencontres ?
En ce qui concerne Ronald Tulle, il était en concert eu Guadeloupe pour défendre son album. Ronald a entendu que j’étais en studio, il est passé me voir et m’a demandé de jouer sur le titre Anvi vi. J’ai tout de suite accepté, car ce jeune artiste a un touché de piano fabuleux. C’était pas calculé ! Idem pour, Didier Daly, qui offre un bel alliage ragga-zouk sur la chanson Respè. Ce junior est en plein boum. Nous nous sommes rencontrés lors de l’enregistrement de son propre compact sur lequel j’ai participé. Mais surtout, ce DJ s’est fait remarqué dans le film Neg’ Marrons de Jean-Claude Flamand Barny, aux côtés de Stomy Bugsy et Admiral T. Il incarne à merveille le rôle de Silex. Ce gars dégage beaucoup d’émotions. Ces retrouvailles n’auraient pas pu se faire, si j’avais travaillé en métropole. Bien que la musique rapproche les gens, les grosses productions parisiennes ne tiennent pas compte de la dimension humaine. Aux Antilles, les choses se font simplement, naturellement tout en étant aussi efficaces. Franchement, la réalisation de mon disque, chez moi, n’a été que du bonheur, que du plaisir. C’est pour cela que je l’ai titré ainsi. (rire)
Le zouk tient-il toujours le haut du pavé dans le paysage musical des Antilles françaises ?
Quand vous sortez dans les discothèques, le public danse toujours sur le zouk. C’est impensable d’aller dans une boîte et de ne pas entendre notre musique ! Par contre, sur les antennes de radios, nous sommes victimes de l’intoxication américaine. La musique anglo-saxonne est diffusée à profusion. C’est grave, sur le plan culturel ! On est en train de nous resservir notre zouk en version r'n'b. Aux Etats-Unis, ils ne savent plus quoi inventer. Alors, ils prennent notre rythme en le travaillant à leur sauce avec un gros son. Il faut réagir. Car, je ne veux pas qu’on me vende quelque chose qui m’appartient !
Au regard de votre longue carrière, vous affichez une certaine sérénité aujourd’hui. Vous semblez être dans un autre état d’esprit depuis que vous êtes rentré en Guadeloupe?
Il n’y a pas eu que des bonnes choses dans ma vie d’artiste, mais il faut savoir aller au-delà. Maintenant, j’arrive à gérer ma famille et mon travail. Cet équilibre représente ma réussite personnelle. Je n’ai pas vu grandir mon fils et j’en ai souffert, car j’étais tout le temps absent à l’époque de Kassav’. Désormais, je m’organise et je suis en harmonie avec moi-même. C’est un choix. Un choix d’homme qui n’a pas été facile mais que j’assume totalement. J’ai passé des années à courir pour le business, la notoriété et le blé. J’étais mal à l’aise. Aujourd’hui, j’ai fais une croix sur la gloire, car j’ai envie de mener une existence paisible. C’est pour cette raison que j’ai écris Anvi viv, un morceau qui veut simplement dire que j’ai envie de vivre.
Alors quelle est désormais la vie de tous les jours de Monsieur Saint-Eloi sur son île ?
Je suis un papa poule. Le réveil sonne à 6 heures du matin. Je prend mon petit café tout seul sur la terrasse. J’aime être tranquille au début de la journée. Après, je réveille ma fille afin de la préparer pour aller à l’école, comme tout un chacun. Ensuite, je m’occupe de mes affaires. Par exemple, en ce moment, je passe voir les disquaires puisque mon album vient de sortir. Et puis, je vais chercher ma fille quand les classes sont terminées. Le week-end, nous allons à la plage et à la pêche. J’adore pêcher, c’est ma thérapie, mon calmant. En plus, notre congélateur est toujours plein de bons poissons. Tout le monde est content, surtout mamie !
Patrick Saint-Eloi Plézi (Lusafrica/BMG) 2005
Lov’Tour en France, les 4 et 5 novembre 2005 au Bataclan (Paris)