Tiken Jah live
Le dernier lauréat RFI Découverte Afrique poursuit sa route. Après la fête organisée en novembre dernier à Cotonou par notre radio, il a entrepris depuis le mois de janvier une longue tournée française qui passe demain par le Zénith de Paris (où il fait la première partie de Buju Banton) avant d’enchaîner par les festivals d’été. Entretien et retour vidéo avec un extrait du concert de Cotonou.
De Cotonou au Zénith
Le dernier lauréat RFI Découverte Afrique poursuit sa route. Après la fête organisée en novembre dernier à Cotonou par notre radio, il a entrepris depuis le mois de janvier une longue tournée française qui passe demain par le Zénith de Paris (où il fait la première partie de Buju Banton) avant d’enchaîner par les festivals d’été. Entretien et retour vidéo avec un extrait du concert de Cotonou.
Vous êtes le dernier lauréat du prix Découverte RFI Afrique. Que cela représente-t-il pour vous?
C'était vraiment une joie, un honneur de remporter ce prix. Ce prix est très important pour moi puisque aujourd'hui je ne suis qu'au début de ma carrière internationale et je pense que grâce à RFI et ses radios partenaires, je pourrai avoir une promotion qui m'apportera beaucoup.
C'est important pour vous de partir à la rencontre du public européen pour faire connaître votre reggae "sauce ivoirienne" ?
Oui, c'est très important car grâce à ce message, nous permettons aux gens de savoir réellement ce qui se passe en Côte d'Ivoire, contrairement à ce que la presse nationale écrit.
Ce qui fait notre force, c'est que les jeunes nous écoutent beaucoup car ils se disent que le vrai message se trouve de notre côté. Il est donc très important qu'aujourd'hui on soit connu à l'extérieur parce que la presse internationale a beau informer de ce qui se passe au pays, nous qui vivons là-bas, dans les quartiers, nous avons certaines informations que les journalistes étrangers n'ont pas.
Vous êtes en quelque sorte un griot qui contez l'avènement des démocraties en Afrique?
Bien sûr. Je suis un griot moderne, le griot de la nouvelle démocratie en Afrique. Je dénonce la manière dont on présente la démocratie en Afrique. Pour moi, celle-ci commence par la liberté d'expression et j'ai envie de m'exprimer parce que je suis un homme libre. A travers moi, certains jeunes pensent que, "si Tiken a pu le dire, nous pouvons aussi le dire", et c'est pourquoi les gens peuvent remarquer que je suis direct dans mes textes.
Avez-vous l'impression que les jeunes Européens comprennent mieux l'Afrique grâce aux messages que vous faites passer dans votre musique?
J'ai effectivement cette impression, car les spectateurs écoutent mes messages et dans la rue, à Paris ou ailleurs, on m'interpelle pour me féliciter des combats que je mène. Les gens viennent à mes concerts pour s'informer de ce qui se passe en Côte d'Ivoire.
Le public fait-il la différence en votre reggae à l'africaine et le reggae originel de Jamaïque des Bob Marley ou Peter Tosh?
Je dirai que je ne suis pas le seul. Il y a aussi le grand frère Alpha Blondy. Grâce à nous on parle de reggae africain. La différence entre eux et nous, c'est que nous chantons dans notre langue maternelle,le dioula et le français, mais c'est le même message.
Sauf que les Jamaïcains ont vécu certaines réalités que nous n'avons pas connues comme l'esclavage. Nous qui sommes restés en Afrique avons un autre message, celui de la démocratie. Mais nous avons un message commun, celui de paix, d'unité et le combat pour l'indépendance mentale.
Comme Alpha Blondy, vous avez été travailler en Jamaïque avec Clive Hunt…
J'ai été mixer mon dernier album là-bas. Je l'avais en fait enregistré à Abidjan. Il a apprécié ma musique, mais comme il bosse déjà avec mon grand frère Alpha, c'est délicat pour lui de travailler avec les deux. Ca a été une bonne expérience pour moi de rencontrer mes frères jamaïcains, des gens comme U Roy ou Clive. Ils étaient heureux d'apprendre qu'il y avait une relève en Afrique après Alpha et Lucky Dube.
Votre dernier album diffusé en Europe, Cours d'histoire, est sorti l'été dernier. Peu après sortait à Abidjan Le caméléon qui est un succès dans toute l'Afrique. Pourquoi un tel téléscopage?
Je chante en fonction de l'actualité. Je suis un artiste indépendant, mon propre producteur pour l'Afrique. Donc rien ne m'empêche de sortir un album quand je veux, en fonction de l'actualité politique. Mon souhait serait en fait de sortir mes albums simultanément en Afrique et dans le monde, mais Sony, ma maison de disques à l'international, s'y oppose encore pour le moment. Ils disent que le marché n'est pas mûr.
A l'inverse de Youssou N'Dour, vous seriez prêt à sortir le même disque pour l'Afrique et pour le marché international?
Bien sûr. Je pense que Youssou N'Dour fait un autre style, une musique traditionnelle africaine modernisée. Moi je fais du reggae qui est déjà une musique internationale.
C'est en fait au niveau du mixage que je peux apporter des changements. Comme c'est une auto-production et qu'au niveau de l'Afrique on n'a pas trop de moyens, Sony pourrait m'en donner pour le "remix" et lui donner ainsi un "son" international. Mais les morceaux doivent rester les mêmes car je ne vois pas pourquoi offrir à l'Afrique des chansons de moins bonne qualité. Sinon je considérerai cela comme une injustice.
Il est important pour vous de tourner en Afrique? Y exposer la situation politique des pays traversés?
Pour moi c'est primordial. C'est ce que j'ai dit à mon tourneur en France. Quand on a besoin de moi dans un pays africain, je voudrais qu'on me laisse partir, parce que j'ai envie de communiquer très souvent avec le public africain. Pour moi, il est important d'aller au Burkina Faso où il n'y a pas d'artistes engagés et dire ce que les jeunes gens attendent. D'aller au Mali, en Guinée et dire au Président de libérer l'opposant Alpha Condé. C'est le sens de ma mission…