Juliette Gréco à New York
Elle ne devait chanter qu’un seul soir, le 23 septembre, mais la demande devenait si importante, que l’Alliance française de New York eut l’honneur d’organiser deux soirées consécutives pour celle que l’on appelle encore aujourd’hui, "la muse de Saint-Germain-des-Prés". Noire la scène, noirs l’éclairage, la robe, le regard, la chevelure et le choix de certains morceaux ("Un soir d’été", "Le Train de nuit", "J’arrive"…). Mais au milieu des ces ténèbres artificielles, Juliette Gréco n'a pourtant rayonné que l’espace d'un seul récital, le suivant ayant été annulé suite à un malaise cardiaque. Retour sur une soirée unique.
Du charme à la tragédie
Elle ne devait chanter qu’un seul soir, le 23 septembre, mais la demande devenait si importante, que l’Alliance française de New York eut l’honneur d’organiser deux soirées consécutives pour celle que l’on appelle encore aujourd’hui, "la muse de Saint-Germain-des-Prés". Noire la scène, noirs l’éclairage, la robe, le regard, la chevelure et le choix de certains morceaux ("Un soir d’été", "Le Train de nuit", "J’arrive"…). Mais au milieu des ces ténèbres artificielles, Juliette Gréco n'a pourtant rayonné que l’espace d'un seul récital, le suivant ayant été annulé suite à un malaise cardiaque. Retour sur une soirée unique.
50 ans de carrière et 40 années d’absence sur le sol américain. A 73 ans Madame Gréco est une artiste, une vraie. De celle qui se classe dans la catégorie où les "acteurs", au sens noble du terme, se font rares : celle des interprètes. Quel bonheur que de pouvoir apprécier les joyaux qui ont enrichi et enrichissent encore notre patrimoine artistique.
S ur scène, Juliette Gréco joue de ses charmes. La "Jolie môme" n’a pas pris une ride, nue sous son pull, elle était, belle, elle est restée. "Les Vieux amants" vieillissent toujours ensemble, et la romance du "Petit poisson et du petit oiseau" demeure à jamais impossible. L’amour, Gréco sait le chanter, le mimer et nous le faire partager. Il est signé Ferré, Brel, ou Gérard Jouannest. Quand tout à coup la sirène du "Train de nuit" retentit, c’est alors tout un passé qui ressurgit, une mère et une sœur qui sont parties… Et puis, il y a ce type, "un soir d’été" qui vient d’étrangler sa femme avant d’aller se noyer…
L a mort, Gréco sait lui parler, l’interpeller et nous faire frissonner. Elle est aussi signée Gérard Jouannest, l’ami de toujours et le mari de ces dernières années. C’est pour retrouver ou découvrir, les diverses tonalités de la palette sombre de l’artiste, qu’une majorité d’Américains se pressait en ce premier jour de l’automne, à l’entrée du Florence Gould Hall de New York. Parmi elle, quelques nostalgiques de cette France de l’après-guerre découverte un jour au cours de vacances, d’un Paris qui reste toujours et plus que jamais la plus belle capitale du monde et de l’amour.
B eaucoup d’Américains qui ne connaissent de la France que ses grands noms : Piaf, Aznavour, Brel… et Gréco aussi ! Beaucoup d’Américains, et beaucoup de Français restés trop longtemps loin de chez eux et contents de pouvoir revivre un peu de leur passé. L’émotion pouvait se lire sur les visages à la fin du spectacle, même s'il n’y a pas eu de rappel. Il semble que la salle était satisfaite, la preuve, elle dévalisera en un rien de temps, le petit stock de CDs vendu $15 pièce qui l’attendait à la sortie. "Nous sommes venus pour écouter Madame La chanson Française", me disait cet Américain. "Quelle soirée disait un autre, ce soir je suis heureux, je suis venu et je l’ai vue."
A ma droite, au deuxième rang il y avait même un jeune homme, l’allure "biker", qui connaissait tout par cœur et qui aura été le premier à se lever pour saluer celle qui nous a offert une soirée de bonheur, de celui que l’on arrive parfois à surprendre… "Sous les ponts de Paris".