FESTIVAL D'ETE DE QUEBEC 2001
Québec, le 16 Juillet 2001. La 34ème édition du plus hétéroclite des festivals, vient tout juste de s'achever dans un mélange de soulagement et de contentement. Si la dizaine a été une fois de plus inoubliable par sa programmation, elle le fut aussi par la quantité d'eau que les festivaliers ont reçue sur la tête. Eau, bouette (boue) et musique, c'est le combo de cette année.
La danse des parapluies
Québec, le 16 Juillet 2001. La 34ème édition du plus hétéroclite des festivals, vient tout juste de s'achever dans un mélange de soulagement et de contentement. Si la dizaine a été une fois de plus inoubliable par sa programmation, elle le fut aussi par la quantité d'eau que les festivaliers ont reçue sur la tête. Eau, bouette (boue) et musique, c'est le combo de cette année.
Multiculturalisme
Depuis sa fondation en 1967, le Festival d'Été de Québec s'est imposé comme un phare du multiculturalisme. Une pléiade d'artistes se sont retrouvés à l'intérieur des pierres de Québec, plus que jamais en alchimie avec l'évènement. La force de ce festival, c'est sa diversité. A chaque coin de rue, une nouvelle culture nous attend et nous surprend même, parfois. Ce fut le cas avec la présence, loin de leur forêt, des Pygmées Aka du Centrafrique dont les chants ont un instant imposé le silence dans la cité. Définitivement, l'un des moments les plus surréalistes de ce festival.
Sans être aussi exotique que nos Pygmées, le hip hop des groupes La Structure, Taktikal Crew, Les Architekts, Yvon Krevé ou des Français de Faf Larage et Fonky Family, n'ont guère eu de mal à faire danser les Plaines d'Abraham. Le groupe marseillais IAM qui s'est imposé comme la génération montante des rappeurs de rue en France, a interprété plusieurs pièces de ses deux albums (Si Dieu Veut et Art De Rue) et a prouvé qu'avec eux, le rap français du sud avait des choses à dire. Quant à Faf Larage dont l'album C'est ma Cause a fait le tour de la francophonie, celui-ci s'est imposé avec son rap aux accents afro-américains, teinté de jazz et de funk. Enregistré à New York, l'album reste, par ailleurs, fidèle à sa langue et à son milieu. Les milliers de festivaliers présents le 13 juillet dernier, ont démontré que ses textes trouvaient aussi échos de l'autre côté de l'Atlantique.
Découverte
Entre les gouttes de pluie, un tonnerre de blues s'est fait entendre avec le bluesman de réputation mondiale John Hammond. Son album Wicked Grin était au centre de son spectacle et pour cause, puisque l'américain rendait hommage à son compatriote Tom Waits, aussi producteur du dit album. La programmation blues du festival a certes été très américaine avec la présence de Corey Harris toujours en train d'innover ou du phénomène George Thorogood. Mais il ne faudrait pas oublier Anders Osborne, suédois d'origine et résident de la Nouvelle-Orléans ou les Cowboys Junkies. Le groupe venu d'Ontario (province voisine au Québec) est arrivé en douceur dans le brouhaha des shows festifs avec son contry-blues doux et sensuel, très représentatif de la musique canadienne. Un moment de répit avant le prochain coin de rue.
La découverte de ce festival aura sans doute été le Québécois Adam Chaki dont l'enfance a été bercée entre le Québec, la France et la Grèce. Nouveau venu dans notre paysage musical, Adam a surpris tout le monde en février dernier avec son premier album No One Knows Where the Hell We Are où il navigue entre l'Afrique, l'Europe et l'Amérique. Sa musique est aussi ambiguë que son accent. Une mère professeure d'anglais, un père peintre, son univers est, dès le départ, celui des nomades puisqu'il quitte le pays à l'âge de 3 ans pour parcourir le monde. Congo, Etats-Unis, Sénégal, Paris, celui que l'on compare à Bob Marley, Paul Simon dont il a parfois les intonations, virevolte ici et là, au gré de ses fantaisies. Surprenant.
Fier de ses 34 années d'expérience et d'une réputation internationale, le Festival d'Été de Québec est aussi un carrefour pour les musiques de toute la francophonie et bien entendu la France n'est pas en reste. Didier Lockwood, qui a rendu hommage à Stéphane Grappelli, Arthur H, Ekova, Cosmik Connection, l'acid-jazz en fusion, ont fêté le 14 juillet en famille. Si tous n'ont pas eu droit à une salle comble, ce n'est pas le cas du trompettiste Erik Truffaz, un boulimique du son dont le jazz ne ressemble à rien. Coup de foudre du Festival de Jazz de Montréal de l'an dernier, Truffaz s'amuse des possibilités que lui offre son échantillonneur et mélange allègrement pop et jazz à la recherche de ce qu'il appelle le «chaînon sonore manquant». Qui a dit que la trompette était quétaine (ringarde) !
Couleur locale
La portion québécoise avec Sylvain Cossette, Bruno Pelletier, DJ Ram, Jean Leloup, Pierre Lalonde, l'hommage à Dédé Fortin qui a rassemblé 45 000 spectateurs sur les Plaines, Claude Dubois, Paul Piché et les autres, aura elle aussi connu ses bons moments dans ce festival qui depuis toujours a été le porte étendard de la culture d'ici.
La grande nouveauté du festival restera le retour du volet classique grâce auquel on a eu droit à des performances époustouflantes. Celle que beaucoup identifie encore à la Carmen de Francesco Rosi, a une nouvelle fois fait «cour comble» (le volet classique se tenait dans la cour du petit séminaire dans le Vieux Québec). Dans son savoureux spectacle «Diva au bord de la crise de nerf», Angélique Ionatos se moque en fait quelque peu du milieu de l'Opéra. La diva grecque, toujours au bord du fou rire, a hanté le Parc de la Francophonie de sa voix grave, presque rauque, avec des textes entre autres de Sapho. L'Orchestre Métropolitain du Grand Montréal a quant à lui présenté un programme complet dédié à Dvoràk.
Un festival réussit malgré quelques "ratés"
Zachary Richard, dont les talents d'écrivain sont ce mois ci à la une de ELLE Québec avec une nouvelle dont l'histoire se déroule dans sa Louisiane natale, a été l'un des derniers artistes à se produire sur scène avec un show épicé cajun, qui a réchauffé un public mouillé. Cependant, ce 34ème rendez-vous aura été marqué par quelques ratés techniques. Le show de Manu Chao a en effet fortement perturbé la représentation de la troupe belge, Les Baladins du Miroir, venue présenter une adaptation très contemporaine de Faust de Goethe.
Un mur du bar La Fourmi Atomique s'est effondré, obligeant les organisateurs a annuler un spectacle et à relocaliser le reste de la programmation prévue dans ce haut lieu de la musique. La pluie a considérablement réduit le nombre de festivaliers, les retombées économiques pour les commerçants et perturbé le volet classique déjà à l'envers par le coût des forfaits (Mélomane à 70 $ pour 4 concerts, Curieux à 58 $ pour 3 concerts ou le forfait Mordu à 86$ pour 5 concerts). Une nouveauté qui n'a pas fait l'unanimité, le festival s'étant toujours targué d'être accessible à tous pour le prix d'un macaron de 8 $. Non seulement le volet classique était payant et exorbitant (à ne pas voir en famille), mais certains shows en salle comme celui de John Pizzarelli étaient aussi payants. C'est sans nul doute le mauvais point d'une 34ème édition qui aura tout de même été comme promis par Jean Beauchesnes, le directeur de la programmation, une dizaine époustouflante et éclatée.
Rendez vous l'année prochaine avec on l'espère le soleil pour témoin...
Pascal Evans