CHINA, UNE FILLE TRÈS SOUL

Initialement prévu pour le printemps 2003, le troisième album de China, Good Lovin vient de sortir. La chanteuse à la voix de velours, voudrait bien réussir à s'imposer mais trouve difficilement à se positionner au sein de la black music made in France. Rencontre.

Troisième album de la jeune chanteuse

Initialement prévu pour le printemps 2003, le troisième album de China, Good Lovin vient de sortir. La chanteuse à la voix de velours, voudrait bien réussir à s'imposer mais trouve difficilement à se positionner au sein de la black music made in France. Rencontre.

Pétillante, rayonnante, souriante. China savoure son retour dans les bacs des disquaires. Après plusieurs retards de planning, son troisième album vient enfin apporter sa pierre au fragile édifice au r'n'b hexagonal. Eclectique donc forcément inégal, son nouvel opus, s’il n’échappe pas toujours aux clichés d’un genre encore adolescent de ce côté de l’Atlantique, met en lumière le talent vocal de cette authentique soul sister, trop souvent cantonnée au rôle de choriste de luxe (aux côtés de Jean-Louis Murat, Cam, Sinclair...), et dont on peut légitimement penser que le meilleur reste à venir.

On vous reproche parfois de faire une musique trop spécialisée pour les radios généralistes, trop grand public pour les radios spécialisées. Est-ce le cas avec Good lovin ?
Pour mon premier album, les radios jeunes me disaient que ma musique était trop adulte, et vice versa. Moi, je ne suis pas très nu-soul, pas très dancefloor, j’essaie de faire mon petit univers à moi. Je subis le fait d’avoir une culture musicale un peu plus large que d’autres chanteurs qui font le même genre de musique, et que sur mes disques, j’ai toujours été un peu éclectique. Mais je sais que ça paiera un jour! Donc, je refuse de faire un album qui sonne pareil du début à la fin, simplement parce que je ne suis pas comme ça!

Vous êtes régulièrement choriste pour d’autres artistes, dont certains - Sinclair pour ne pas le nommer - admettent volontiers que ce sont eux qui devraient faire les choeurs sur vos albums. Une manière de dire que vous n’avez pas encore la reconnaissance méritée... Vous avez l’impression d’une distribution des cartes en décalage avec vos capacités ?
Je sais qu’il y a une incompréhension. Peut-être que si je faisais plus de scène, ce point d’interrogation disparaîtrait? "Qu’est-ce quelle fait cette fille: c’est une minette du r'n'b? Quelqu’un qui aspire à faire de la bonne soul en France?" C’est un peu flou... Je n’ai pas de tourneur, et donc je manque de concerts. Je ne peux pas aller à la rencontre des gens.
Je pense que ça va s’éclaircir d’ici deux ou trois ans. Ça prend du temps une carrière en France, et je compte bien faire carrière! Je ne suis pas une meuf de passage, je compte bien chanter jusqu’à ce que je puisse le faire! Il faut juste que je me trouve un public, et qu’au bout d’un moment, on m’accepte avec mes fautes de goût, mes réussites...

Cette incompréhension est peut-être celle qui touche le r'n'b en général : on ne peut pas dire qu’il y ait de culture "black music" en France...
C’est un gros problème. Personne ne sait ce qu’est le r'n'b. On connaît Otis Redding, Aretha Franklin. Enfin les tubes...Mais entre les 70s et les 80s il y a eu une sorte de décrochage: la musique noire américainene passait plus par la France. Le r'n'b, c’est tout le spectre de la musique pop noire américaine comme En Vogue ou Beyoncé par exemple. La soul et le r'n'b aux States, c’est la variété noire, notre pop à nous! Ici, on ne connaît pas cette définition. A cause de ça, des filles comme moi ou Sandi Cosset passent complètement à côté. Le r'n'b, c’est l’évolution du jazz, du funk, de la soul...

Vous évoquez parfois la possibilité d’un album soul "classique". Cela semble irréalisable dans ce contexte français...
J’aurais beaucoup de mal, en tous cas aucune major ne me laisserait faire ça. Il faudrait que je le fasse sur un label indépendant de jazz, un truc cool...Je rêve de faire des trucs comme ça, mais contractuellement je n’ai pas trop le droit...(rires) Je commence ceci dit, à faire comprendre à ma maison de disques que j’ai envie d’un album live, de faire des trucs de soul, un album de standards de jazz retravaillés uniquement par des gens du hip hop... Bizarrement, je pense que si je faisais ce truc de soul "classique", j’aurais plus de facilités à me faire entendre, justement parce que la France est restée à Aretha Franklin et Al Green, et a raté toute la période 80s, les Cherelle, Evelyn King -même si les gens dansent dessus dans les soirées. Et puis surtout, ils on a raté le new jack! R.Kelly à ses débuts, Janet Jackson avec Teddy Riley...C’est pour ça qu’avec le r'n'b actuel, qui pique des sons à la house, au garage, ils se disent "c’est quoi ce truc?!".

A l’époque de votre premier album en 96, le r'n'b français n’avais pas beaucoup d’écho, Aujourd’hui, Good lovin parait après l’offensive nu-soul: malgré leurs qualités, vos disques manquent d’opportunisme !
Ma mère (ndlr : Dee Dee Bridgewater) m’a toujours dit que le business de la musique, c’était 30% de talent et 70%chance. C’est sûr que je ne suis pas encore à mon quota de 70% de chance (rire). Peut-être que je ne vais pas assez vite, ou bien je regarde trop en avant et n’en fait qu’à ma tête? Mon deuxième album était très soul, doux, soyeux...mais ce n’était pas encore l’heure de la nu-soul! Parfois j’ai l’impression que j’aurais du sortir l’album précédent à la place de celui-ci...j’ai un problème de timing, mais un de ces jours je vais avoir le bon! (rire)

China Good Lovin (Source/EMI group) 2004