Les Enfoirés, l'odyssée
Quelques jours après le dernier concert des Enfoirés le 1er février dernier, qui concluait une série de six prestations niçoises, RFI Musique revient sur l’épopée de cette manifestation caritative au profit des Restos du cœur, sur son énorme succès, médiatique et discographique, non démenti à ce jour.
Du 27 janvier au 1er février dernier, l’antre du Palais Nikaia, à Nice, accueillait la bande des Enfoirés, pour l’édition 2010 de cette grand-messe caritative au profit des Restos du cœur qui, chaque année, réunit le fleuron des chanteurs, sportifs et humoristes français. Malgré la "crise de nerf", thème musclé et gentiment déjanté de cette nouvelle mouture, la bonne humeur était au rendez-vous, pour une semaine comme "en colo" selon les artistes, tous bénévoles.
Sous la houlette de Jean-Jacques Goldman, pilote artistique de l’opération depuis ses débuts, les habitués – Patrick Bruel, Jean-Louis Aubert, Francis Cabrel, Mimie Mathy, Liane Foly, Alizée, Thomas Dutronc, Claire Keim… – ont accueilli au sein de leur grande famille, un petit nouveau, le chanteur Grégoire, auteur du tube Toi+Moi. En tout, une quarantaine d’artistes ont donc enflammé les planches niçoises, et levé le voile sur leur tube millésimé 2010 : Si l’on s’aimait, si, reprise signée Goldman et Bénabar, du titre I was made for loving you du groupe Kiss (1979). Un titre disponible en téléchargement légal depuis le 1er février.
L’épopée caritative
Une année encore, ce rendez-vous a donc confirmé son énorme succès – salle comble, places arrachées dès leur mise en vente –, une popularité non démentie depuis 1986, date de sa première édition.
L’aventure germe dans la tête de l’humoriste au grand cœur Coluche, fondateur des Restos du cœur, qui déboule un beau jour dans la loge de Goldman, avec cette forte suggestion: "Il nous faudrait une chanson pour notre association, un truc qui cartonne. Toi tu sais faire !"
La brièveté du délai – une semaine ! – n’empêche pas la gestation d’un standard de la chanson française. "Aujourd’hui, on n’a plus le droit, d’avoir faim, d’avoir froid…" : interprétée par Coluche, Yves Montand, Nathalie Baye, Michel Drucker, Michel Platini et Goldman, la Chanson des Restos hante les esprits. Un hymne qui propulse l’épopée : dès 1986, suite à l’appel de Véronique Colucci, veuve de l’humoriste disparu brutalement en juin de cette année-là, ces "Enfoirés" initient un premier grand meeting télévisuel.
Durant les hivers 1989 et 1990, des artistes impliqués (Goldman, Sardou, Hallyday, Sanson, Mitchell…) sillonnent sept grandes villes de France pour des tournées bénévoles. A partir de 1992, un concert annuel des Enfoirés illumine la capitale. Mais il faudra attendre 2001 pour que le concept se décentralise, à la rencontre du public provincial : Lyon, Marseille, Lille, Toulouse… jusqu’à Montpellier, prévu en 2011.
De chacune de ces fêtes, Jean-Jacques Goldman reste le grand ordonnateur, le chef d’orchestre – choix des reprises, supervision des répétitions, du casting, de la scénographie… Un travail qui l’occupe à temps plein dès le mois de septembre, selon son propre aveu au journal Le Figaro en mars 2008. Et si ses apparitions scéniques et publiques se font rares, il confie au célèbre quotidien que "sa préoccupation principale reste l’avenir de cette émission".
Le secret des enfoirés
Un culte de la discrétion, donc, qui sied parfaitement à l’objectif de l’association et à ses relais médiatiques, tels TF1. A l’issue de la série de concerts, peu de bruits filtrent sur la manifestation, avec un flou artistique, notamment, sur la liste exhaustive des artistes.
Si les pages de Nice Matin, l’un des rares médias à avoir relayé l’événement, diffusent quelques échos-coulisses people sur les répétitions – un Maxime Le Forestier grognon, un simili-strip-tease d’Obispo, un Jean-Louis Aubert ému de chanter Brassens… –, le silence de la presse et du web suscite le suspens jusqu’à la télédiffusion du concert, qui devrait avoir lieu début mars (mais là encore, mystère : la date précise ne sera révélée que trois semaines avant !)
"A l’exception d’une couverture médiatique locale, la promotion doit se focaliser sur le cœur de l’événement, à savoir l’émission télévisuelle, qui lance le coup d’envoi du CD et du DVD", explique-t-on au service presse de TF1… "Nous ne faisons pas une omerta, mais tenons à offrir aux téléspectateurs le plus beau show possible ! Trop de presse en amont serait un peu leur raconter la fin du film…"
Des pass-presse limités, des photos libres de droits, propriétés privées de TF1, disponibles seulement le jour J, des interviews sporadiques… : dans ce processus, tout est conçu pour préserver le mystère, miser sur le maximum de ventes des CD/DVD…et la plus belle audience !
Car Les Enfoirés suscitent des chiffres à donner le vertige ! L’an passé, en 2009, la retransmission recensait pas moins de 12,3 millions de téléspectateurs sur TF1, meilleur score de l’année, tous programmes et chaînes confondus ! De la même façon, dans une industrie du disque en berne, la compil 2009 Les Enfoirés font leur cinéma (ULM) arrive en tête des meilleurs ventes de disque, devant Seal. Un succès qui semble épargné par le "fléau". Visiblement, les sites de téléchargement illégal épargnent les disques des Enfoirés et reprennent même pour certains, leur mise en garde qui intervient à la fin de chaque concert : "Non au téléchargement illégal parce qu'un CD, c'est 18 repas pour ceux qui ont faim et froid."
Enfin, si quelques cyniques reprochent au système "Enfoirés" d’être un bel outil de promotion pour les artistes, comme une manne providentielle pour TF1 et les majors, rappelons que les recettes du système représentent un quart des fonds des Restos du cœur. Et comme l’affirme leur adage : "Ce n’est pas de ma faute si y’en a qui ont faim, mais ça le deviendrait, si on n’y changeait rien".
Les Enfoirés Si l’on s’aimait, si (En téléchargement depuis le 1er février)
A paraître Les Enfoirés 2010…la crise de nerf (EMI) Mars 2009