Souad Massi

Avec une régularité métronomique, Souad Massi avance tous les deux ans un nouvel album. Après Raoui en 2001 et Deb en 2003, la chanteuse souvent comparée à Joan Baez ou Tracy Chapman revient avec Mesk Elil, un surprenant opus au parfum envoûtant. Rencontre.

Mesk Elil

Avec une régularité métronomique, Souad Massi avance tous les deux ans un nouvel album. Après Raoui en 2001 et Deb en 2003, la chanteuse souvent comparée à Joan Baez ou Tracy Chapman revient avec Mesk Elil, un surprenant opus au parfum envoûtant. Rencontre.

    Elevée dans une famille où la musique a une grande importance (ses frères et oncles sont musiciens), Souad Massi est devenue en quelques années une des personnalités phare de la jeune génération musicale algérienne.

Après avoir été chanteuse au sein d’un groupe de hard (Atakar) en Algérie, Souad Massi s’est installée en France en 1999. C’est là qu’elle s’est fait connaître, profitant de quelques duos (Marc Lavoine, Ismaël Lo ...) pour porter aux oreilles du plus grand nombre son répertoire aux textes engagés, tournés vers le futur et néanmoins chargés d’une certaine mélancolie.

Cette nostalgie embaume encore quelques-unes des plages de ce nouvel album baptisé Mesk Elil ("chèvrefeuille" en arabe). Mais à la différence de ses deux premiers opus, la chanteuse a choisi cette fois-ci de se concentrer un peu plus que par le passé sur les musiques qui accompagnent ses textes, de leur offrir un vrai son de groupe au-delà du cliché frelatée de la folk-singer plantée seule devant son micro, guitare en bandoulière et pieds en dedans.

"Un son plus roots,  plus brut"

 

 "Je ne suis plus tout à fait la même"

concède Souad Massi."J’ai mûri musicalement. Avant je ne faisais pas attention au son de mes albums, considérant que c’était le travail de l’ingénieur du son. Le premier avait été enregistré dans les conditions du live. Quant à Deb, le suivant, j’étais partie dans tous les sens, noyant parfois les morceaux sous une réverb afin de camoufler mon manque d’assurance. C’était une erreur que j’assume complètement aujourd’hui. C’est aussi ça, grandir" clame-t-elle. "C’est le producteur Jean Lamoot qui a été chargé de la production de Mesk Elil. Auparavant, il avait enregistré et mixé les albums d’Alain Bashung, Noir Désir, Brigitte Fontaine ou Salif Keita. C’est d’ailleurs avec Moffou de Salif Keïta que j’ai eu envie de travailler avec lui. C’est quelqu’un de très patient. A ses côtés, j’ai pu m’investir très tôt dans la couleur sonore de cet album" précise la chanteuse à la voix douce. "J’ai beaucoup appris avec lui. Désormais en studio, je fais attention à l’emplacement des micros, aux intentions, aux directions musicales suggérées" ajoute-t-elle qualifiant au passage le son de Mesk Elil "de plus roots, de plus brut". "Nous n’avons pas, ou peu, corrigé les prises de voix, gardant souvent même les premières prises, les prises "témoin", pour peu que l’émotion soit belle, l’intention soit juste. Parfois, on entend le souffle de ma respiration ou le bruit du glissant sur le manche de guitare. S’ils ont lieu d’être, nous les avons gardés. Jean m’a aidé à faire ces choix."

"Des images qui ont grandi dans ma tête"

Certes différent dans sa forme, ce nouvel opus rejoint par ses thèmes les deux précédents. "Je parle encore et toujours des choses qui me manquent, de l’exil, de la nostalgie" explique la jeune femme visiblement émue. "Je ne crois pas que cette nostalgie soit fixée sur une période de ma vie précise comme l’enfance par exemple, il s’agit plutôt d’images qui viennent de là, mais qui ont grandi dans ma tête. Aujourd’hui par exemple, quand je vais à l’étranger, c’est Paris qui me manque" avoue-t-elle comme pour expliquer la complexité de son attachement aux souvenirs de ses premières années, à ses parfums de chèvrefeuille dont les senteurs envoûtantes et sensuelles retrouvées lors d’un concert en Tunisie l’ont rapprochée de l’Algérie de son enfance.

 

   Avec Dar Dgedi, elle se souvient de la maison de son grand-père à Alger. Sur Malou, elle revient sur les souvenirs et les regrets d’une femme âgée. Quant à Hagda Wala Akter, cette chanson enrichie des sonorités d’un violoncelle relate la vie difficile d’une amie retrouvée après des années d’éloignement, amie avec qui elle pratiquait la musique classique.

Denya Wezmen chante sur fond de musique arabo-andalouse, les difficultés de deux anciens amants à renouer le dialogue. Sur des rythmes plus enjoués, Manensa Asli en duo avec Daby Touré parle des racines, de cet ancrage primordial dans une histoire une culture, tandis qu’Ilham rend hommage à son frère aîné rester au bled pour assumer les charges de la famille. Cette chanson remixée en fin d’album et renommée Mahli, va bien au-delà du simple jeu d’effet miroir sur son nom.

Elle indique les directions que pourraient prendre à l’avenir les chansons de Souad Massi. "J’ai envie de faire plein de choses différentes, de partir dans de nombreuses directions, tant très roots qu’électro" précise la chanteuse à l’appétit ouvert par ce nouvel opus auquel ont collaboré le batteur Moktar Samba, le percussionniste Mino Cinelu, le guitariste Djely Moussa Kouyaté ... "Récemment, j’ai craqué sur les musiques cubaine, africaine et classique que je connaissais peu ou pas." ajoute cette fine mélodiste qui avoue ne pas savoir encore de quoi sera fait son prochain opus.

Souad Massi Mesk Elil (AZ/Universal)
En tournée à partir de janvier 2006