ICI LONDRES
Comme "Ici Berlin", le mois dernier dans ces mêmes colonnes, "Ici Londres" dresse dès aujourd'hui, un mois sur deux, l'inventaire des sorties d'albums français en Grande-Bretagne, premier marché européen du disque, troisième mondial.
Les disques du printemps en Angleterre
Comme "Ici Berlin", le mois dernier dans ces mêmes colonnes, "Ici Londres" dresse dès aujourd'hui, un mois sur deux, l'inventaire des sorties d'albums français en Grande-Bretagne, premier marché européen du disque, troisième mondial.
Première constatation : le contingent tricolore du printemps est symboliquement mené par trois grandes vedettes de la chanson (Francis Cabrel, Mylène Farmer et Patricia Kaas). Par ordre d'apparition, Francis Cabrel, dont le précédent opus, "Samedi soir sur la terre", s'est écoulé à 3 millions d'exemplaires en 1994 (dont un tiers à l'exportation), a ouvert le feu avec un nouvel album entièrement acoustique, "Hors saison" (Columbia/Sony Music), déjà double disque de platine en France. Mylène Farmer a suivi. La seule chanteuse française qui ait récemment retenu l'attention des médias anglo-saxons (il y a quatre ans pour son précédent album, "Anamorphosée") revient avec "Innamoramento" (Polydor France/Universal Music), un exercice électronique et froid, plus proche de l'esprit des débuts que ses derniers clips ("XXL" and co). Comme toute star qui se respecte, Patricia Kaas aurait pu attendre quatre ou cinq années pour ressortir une série de chansons nouvelles, à l'image de Francis Cabrel et Mylène Farmer. Son disque en anglais toujours en panne, "la Fille de l'Est" défend depuis le 18 mai son premier LP studio en deux ans. Commercialisé par Columbia (distribution Sony Music), "le Mot de passe" a accaparé l'auteur compositeur en vogue, l'inévitable Pascal Obispo, qui a signé les trois quarts des morceaux, le reste incombant à Jean-Jacques Goldman, qui avait déjà écrit pour Patricia Kaas ("Il me dit que je suis belle").
Dans l'ombre des stars, la relève se fait aussi une (petite) place dans les bacs des disquaires britanniques. A commencer par Dany Brillant qui, après son escapade cubaine, se présente en ce moment sous un "Nouveau jour", titre de son nouvel album, chez Sony Europe. Poursuivant une carrière discrète, Marie-Paule Belle, qui connut son heure de gloire à la fin des années 70, revient après plusieurs années de silence avec un nouvel enregistrement, "Quand tu passes" (BMG Europe). Autre revenant des 70's : le Hollandais francophile Dick Annegarn ("Mireille", chez Polygram Europe). Issus du revival breton, Matmatah voit débarquer chez les cousins britons son album "La ouache" (Tréma), sorti l'an dernier en France, où il s'est vendu à plus de 300.000 exemplaires à ce jour, propulsé par le tube "Lambe an dro". Plus underground, les rockeurs de Little Rabbit ont confié à divers DJs le soin de remixer quelques-uns uns de leurs morceaux. Le résultat a donné naissance à "Remixed by", chez Rosebud/Barclay (distribution Universal Music). Enfin, au rayon "musiques électroniques" (le plus intéressant, commercialement parlant), signalons chez l'indépendant Distance la compilation house "French sessions", remixée par DJ Deep.
Rangée en Angleterre dans la catégorie world music, Amina vient de publier chez Mercury un disque tout en sonorités arabisantes. Plus au sud du continent africain, les Sénégalais de Touré Kunda se retournent sur une carrière de 20 ans, au travers d'une compilation publiée par Sony Europe, "Légende". Avec un peu de retard, "Fils de Zamal", l'album de Lo'Jo, sort enfin au Royaume-Uni, grâce à Night & Day.
Le registre classique et jazz est assez déserté ces temps-ci. C'est tout juste si l'on remarque la publication par Black & Blue d'un album de Stéphane Grappelli, en duo avec Pizzarelli. Et, à coup sûr, l'essai de l'avant-gardiste Pierre Bastien ("Musiques paralloïdres", chez Lowlands) devrait demeurer particulièrement confidentiel.
A l'étranger, la nostalgie est toujours ce qu'elle était. Si les amateurs de chanson française constituent ici une audience confidentielle, il n'en demeure pas moins que ceux-ci s'avèrent fidèles, passionnés et cultivés. Ces deux derniers mois, Polygram Europe a incontestablement été à la pointe de cette demande. La maison de disques vient en effet de rééditer une série d'albums originaux. Pour les retardataires, Polygram Europe met en vente une poignée de succès français des années 90 : Maxime Le Forestier ("Passer ma route"), Zebda ("l'Arène des rumeurs"), Billy Ze Kick et les Gamins en Folie (avec les stupéfiants "Mangez-moi" et "OCB"). Bien sûr, la part belle est faite aux gold plus anciens : Alain Bashung ("Pizza"), Renaud ("le P'tit bal du samedi soir "), William Sheller ("Univers"), Tri Yann ("la Découverte ou l'ignorance"), Jane Birkin ("Lolita go home"), Léo Ferré ("Il n'y a plus rien"), le deuxième LP de Barbara, Serge Gainsbourg et son excellent "Percussions" (inclus "New York USA"), Nino Ferrer ("Métronome"), Jacques Brel, et l'insurgé Gilles Servat, éternel bretonnnant. Si l'inoubliable Edith Piaf ne compte pas parmi les références de la collection Polygram, c'est que ses enregistrements sont jalousement conservés par le concurrent EMI, qui commercialise justement "Legends of the 20th century : original recordings", un CD accompagné d'un livret particulièrement documenté. Les amoureux des chanteuses de cabarets parisiens se réjouiront des initiatives de Music Memoria et de Wagram, qui s'intéressent respectivement à Reda Caire ("Les étoiles de la chanson") et à Pia Colombo interprétant des œuvres de Kurt Weill et Bertold Brecht. L'indépendant français Frémeaux ne recule devant aucune idée cocasse : les meilleurs moments du Fernandel comique troupier (1931-1948) ! La tradition marseillaise s'exprime également au travers de la troupe La Compagnie vocale et ses musiques de la Provence éternelle ("Piada desliura", en import).
Etape suivante : Berlin. Pour Londres, prochain départ mi-juillet. A bon entendeur…
Gilles Rio.