FESTIVAL D'ETE DE QUEBEC
Québec, le 12 juillet 2000- Depuis 33 ans, il est un rendez-vous immuable que tous les Québécois attendent avec impatience pour apprécier un été synonyme de fête et de bon-vivre: le Festival d'Eté de Québec(le FEQ).
L'Afrique entre tradition et modernisme.
Québec, le 12 juillet 2000- Depuis 33 ans, il est un rendez-vous immuable que tous les Québécois attendent avec impatience pour apprécier un été synonyme de fête et de bon-vivre: le Festival d'Eté de Québec(le FEQ).
Cette année, depuis le 6 et jusqu'au 16 juillet, les rues de la "capitale" du Canada (provocation des Québécois envers la capitale fédérale, Ottawa) se remplissent des petites lumières rouges des badges des festivaliers remontant inlassablement les rues de la vieille ville, de scène en scène.
Carrefour des musiques francophones sur le continent américain, le FEQ a présenté hier sur la scène de la place d' Youville, de 14 à 23 heures, un plateau reflétant toute la diversité des musiques du continent africain, oscillant en cette fin de millénaire entre tradition et modernisme.
"On ne fait que se croiser" nous confiait Sally Nyolo avant son concert.
Les touaregs de Tartit, Amadou et Mariam, le couple aveugle du Mali au blues-rock très "sixties", Frédéric Galliano et son "afro-techno", Sally Nyolo ou les Nubians auraient pu avoir tout loisir à échanger, communiquer…
Mais c'est le genre des festivals.
Des milliers de kilomètres en avion pour se retrouver sur une scène au Québec ou ailleurs, à représenter un continent riche par sa diversité, mais sans même savoir quels artistes partagent la même affiche que vous.
Chacun est dans son univers et seul le public voit les fruits du travail des programmateurs.
Au pays du "grand froid", rares sont les africains à tenir le coup.
Lassenou Keïta, malien issu du même village que Salif Keïta, a passé onze ans dans le Grand Nord. De 40 à – 30°, le décalage est rude mais il est toujours là. Il a pris son après-midi pour venir écouter en "live" des artistes qu'il n'a que très rarement l'occasion d'écouter, ne serait-ce qu'en cassette.
La place d'Youville a des airs de terrasse mondiale malgré le temps frisquet pour la saison. Les sacs à dos pleins de chandails, les festivaliers arrivent sur le site pour un grand voyage immobile.
Cela commence comme dans un rêve, avec des chants venus du fond du désert malien, avec les Touaregs du groupe Tartit. Avec leurs mélopées lancinantes, ils font voyager le public vers les grands espaces torrides.
Et ne perdant pas le Nord et leur sens du commerce, les chanteuses deviennent commerçantes après le spectacle et déballent leurs gros sacs remplis d'artisanat local qu'elles monnaient contre des dollars canadiens. Un mois au pays des bûcherons rapportera certainement autant en ventes de bijoux Touaregs qu'en cachets!
Pour Sally Nyolo, cette participation au FEQ revêt une certaine importance puisqu'un percussionniste est venu rejoindre le groupe, lui permettant de mieux occuper la scène et surtout de pouvoir enfin jouer d'un instrument mythique, rarement sorti des forêts d'Afrique Centrale et jamais électrifié: le mvet.
Championne du monde des tournées, avec près de 200 dates dans l'année depuis cinq ans, Sally est dans son élément sur scène, initiant le public québécois aux rythmes envoûtants de son bikutsi. Au pays de la forêt et des trappeurs, Sally apporte les sons de sa forêt camerounaise et de la terre rouge.
Il est dommage, qu'à l'instar d'un Youssou N'Dour avec Peter Gabriel, Sally n'ait pas encore trouvé un parrain dans l'univers anglo-saxon. Son rêve serait de rencontrer Paul Simon, qui avec son album "Graceland", avait été le meilleur ambassadeur de ce rythme.
Le DJ français Frédéric Galliano, lui a du mal à mettre en place son set. Les ingénieurs du son canadiens prennent leur temps pour sonoriser le balafon et les trois koras. C'est un challenge pour ce DJ issu de l'école de la "french touch" que de jouer un après-midi, en extérieur, une musique plutôt faîte pour les pistes de danse. Assis sur leurs chaises en plastique blanc, les spectateurs semblent déboussolés par les recherches musicales de la bande franco-africaine. Le joueur de kora s'énerve sur son instrument comme s'il s'agissait d'une guitare électrique pour suivre le beat de la techno. Cela semble davantage facile pour le balafon dont la sonorité semble adaptée au tempo.
Puis, lorsqu'une des "African Divas" entre en scène, changement de rythme. C'est la voix et la kora qui mènent la danse et la techno qui cherche ses marques.
Les samples de Galliano cherchent à s'immiscer dans les mélopées mandingues. Le public semble toujours surpris mais, seules les chanteuses Touaregs de Tartit apprécient ce mélange des genres. Khadja Nin, elle, cherche toujours à comprendre.
Mais lorsque la seconde Diva apparaît avec ses déhanchements de "ventilateur", l'atmosphère se réchauffe et l'on se croirait dans une boîte de Bamako. Finalement, chacun à trouvé ses marques dans l'univers musical de l'autre et la magie de la fusion s'opère.
Les seules a bien connaître le public nord-américain sont les Nubians qui écument les salles américaines depuis un an. Ce spectacle était le premier à Québec pour les deux sœurs franco-camerounaises évoluant entre soul et hip-hop.
Leur charme langoureux séduit un public féru de sonorités anglo-saxonne mais attentif à l'usage de la langue française.
Mais la fraîcheur de cette nuit québécoise décourage les moins valeureux.
Pour le dernier de ses trois concerts ici, Amadou Bagayoko avait sorti sa tenue de chasseur traditionnel…et son Damart.
Avec son blues-rock mandingue, proche parfois du Cream de la grande époque, il a fait guincher un public québécois en manque de beats reconnus. Le trio basse-guitare-batterie fait toujours merveille de ce côté de l'Atlantique et la voix fluette de Mariam épaule un Amadou ayant enfin retrouvé le feeling auprès d'un public réceptif.
La francophonie a du bon: Québécois et Maliens se comprennent à merveille.
Finalement, le seul a être resté tout au long de la soirée était Frédéric Galliano. Le DJ français avait soif de voir, écouter et apprendre avant de nouvelles rencontres.
Reportage texte et photos: Pierre RENE-WORMS.