CD DE LA SEMAINE : LES NÉGRESSES VERTES

Attention ! Ça passe ou ça casse... Les Négresses Vertes, le groupe qui a la plus grosse et la meilleure cote de popularité en France et à l’étranger, change radicalement de cap avec ce nouvel album. "Trabendo" fait la part belle à l’électronique là où, jusqu’ici, l’acoustique était quasiment une marque de fabrique. Le résultat, quoique surprenant, n’est pas désagréable. Loin de là. Mais il risque de déstabiliser pas mal d’aficionados des Négresses… Explications avec el séñor Mathias…

Howie B branche les Négresses

Attention ! Ça passe ou ça casse... Les Négresses Vertes, le groupe qui a la plus grosse et la meilleure cote de popularité en France et à l’étranger, change radicalement de cap avec ce nouvel album. "Trabendo" fait la part belle à l’électronique là où, jusqu’ici, l’acoustique était quasiment une marque de fabrique. Le résultat, quoique surprenant, n’est pas désagréable. Loin de là. Mais il risque de déstabiliser pas mal d’aficionados des Négresses… Explications avec el séñor Mathias…

D’où vient cette curieuse expression qui vous sert de titre : Trabendo ?
Trabendo, c’est un mot d’argot d’origine algérienne qui désigne ceux qui vont d’un point de la Méditerranée à une autre. D’Alger à Marseille pour faire du trafic et de la contrebande, de fringues de clops ou autres. Et ce nom nous a bien plus car il reflète un peu l’état d’esprit de cet enregistrement où tout est fait à partir de notre histoire méditerranéenne. On a trafiqué notre son. On a trafiqué notre façon d’enregistrer…

Pourquoi êtes-vous allé chercher Howie B (Massive Attaque, Björk, U2) pour la production ?
Disons que nous étions arrivés à un point où lui et nous avions besoin de nous plonger dans des univers radicalement différents de ceux que nous fréquentions habituellement. Lui cherchait quelque chose de plus organique et nous nous voulions explorer un genre musical plus proche de la dance music, “d’électroniser ” notre histoire. Oui, on s’est toujours considéré comme un groupe dance… Ca fait partie de notre histoire d’utiliser des éléments électroniques même si on faisait de la trompette de la guitare et de l’accordéon classique et ca nous a toujours plu que notre musique soit intégrée à la culture des clubs et d’intégrer la culture des clubs dans notre musique.

Comment Howie B a t-il abordé votre particularisme musical, le côté acoustique de la chose. Des instruments (accordéon, trombone, guitare flamenco) qu’il n’a pas du trop fréquenter dans les studios jusqu’ici.
Ce ne fut pas vraiment un problème. D’autant moins qu’il se servait de nous un peu comme des fabricants de son. Il piquait une mesure de gratte par ici, trois lignes d’accordéon par-là et puis il samplait le tout pour en faire sa propre sauce. C’était très étrange comme travaille mais en même temps très spontané car on jouait sans arrière pensée, spontanément en cercle en se regardant comme ça droit dans les yeux. Et c’est pour cela qu’on est assez ému quand on réécoute l’album maintenant. On se revoit dans certains passages à fond sur chacun notre instrument et en même temps tellement ensemble. Bizarrement, de tous les instruments enregistrés, c’est le mien qui a le moins été trafiqué par Howie B. La sonorité de l’accordéon est déjà tellement particulière qu’il n’y avait pas besoin de la retravailler, de la remixer. En fait, c’est à partir de notre originalité, de nos particularismes sonores et acoustiques qu’il a fabriqué une espèce de trame musicale qui donne l’album. Il a ponctionné au fur et à mesure des sons qui giclaient dans le studio et il en a fait la pâte de cet album.

Est-ce que cette façon de travailler ne vous a pas un peu déstabilisés ?
Non, car il y a quand même quelques chansons qui ont été prises entièrement live. En fait, on a la chair de poule quand on réécoute l’album maintenant parce que l’ambiance était extrêmement forte au moment de l’enregistrement. Parce qu’on allait dans des directions musicales qu’on ne connaissait pas encore à l’époque... On était là, en cercle en train de jouer et de se regarder au fond des yeux attentifs à tous ce qui se passait entre nous avec Howie B au milieu qui orchestrait l’ensemble façon Léonard Bernstein... (rires). C’est un peu une relecture des négresses Vertes 10 ans après. C’était un peu le challenge réussir à faire cohabiter les Négresses Vertes comme en 87 le concept de base c’était de réussir à faire cohabiter des gens aussi différents que Paulo, Helno, Mathias, Isa et tous les autres…

Au milieu des années 80, les Négresses ont contribué à sortir l’accordéon de son ghetto musette. Depuis vous avez fait des émules. Quels sont les jeunes groupes que vous écoutez en ce moment ?
J’aime bien le groupe de Belle du Berry, Paris Combo (qu’on fréquentait du temps des Endimanchés, son premier groupe). Leur musique est tellement bien ficelée et puis Belle du Berry est tellement... belle ! (rires) Nous, avec Los Carayos, le “ gros ” (François Hadji-Lazaro), les Garçons Bouchers... c’est vrai qu’on a été un peu à l’origine du retour de l’accordéon dans la chanson et surtout dans le rock. Et si beaucoup de monde s’y met maintenant grâce à nous ou sans nous, je trouve cela super ! Maintenant, on est très fiers aussi de la réussite d’un groupe comme les Zebda, qu’on considère un peu comme nos petits frères toulousains… La réussite d’un groupe qui sait réussir tout en restant sympathique et authentique, ça fait plaisir à voir et ça redonne la foi dans ce que tu fais…

Vous vous considérez comme un virtuose de l’accordéon ?
(rires) Non ! ! ! Disons que j’essaie d’utiliser le biniou comme un guitariste rock utiliserait sa gratte. Techniquement, je suis un cancre. Mais je joue à ma façon et c’est ça qui m’intéresse. J’aimerais jouer de la guitare comme Keith Richards des Stones joue de la guitare. Salement mais avec une grosse patate. Un son gras, un peu tordu. Ce que j’aime dans l’accordéon c’est très restreint. C’est Tony Murena, Gus Viseur, Galliano et Azzola. C’est mon quarté plus. Et puis... il y en a plein d’autres qui malheureusement ne font pas vraiment monter les enchères.

Propos recueillis par Frédéric Garat

Les Négresses Vertes/Trabendo (Virgin)