PROGRAMME RADICAL

Paris, le 17 février 2000 - Le premier album de Programme est un disque qui dérange nos certitudes, qui nous pique en des endroits intimes et inattendus. Ce duo, composé d'Arnaud Michniak (ex-Diabologum) et de Damien Bétous, a accouché avec "Mon Cerveau Dans Ma Bouche" d'un objet sonore abrupt mais fascinant, à la prose cinglante et désabusée, entre rap froid comme la banquise, éruptions rock et aquarelles cinématographiques. Rencontre avec ces trafiquants de sons et d'idées.

La poésie d'un ex-Diabologum

Paris, le 17 février 2000 - Le premier album de Programme est un disque qui dérange nos certitudes, qui nous pique en des endroits intimes et inattendus. Ce duo, composé d'Arnaud Michniak (ex-Diabologum) et de Damien Bétous, a accouché avec "Mon Cerveau Dans Ma Bouche" d'un objet sonore abrupt mais fascinant, à la prose cinglante et désabusée, entre rap froid comme la banquise, éruptions rock et aquarelles cinématographiques. Rencontre avec ces trafiquants de sons et d'idées.

Le disque "Mon cerveau dans ma bouche" débute par une déclaration d'intention fracassante : " C'est le disque de quelqu'un qui sait et qui n'en retire aucune fierté, parce que la vérité distribue la honte. Honte d'être minable, égoïste et sans projets si ce n'est celui de continuer à cultiver la seule chose qui ait porté ses fruits : l'idéalisme ". Le ton est donné, ce n'est pas ici qu'on assistera au spectacle des renoncements ordinaires de la chanson française. Pourtant, les textes d'Arnaud se sont probablement nourris du radicalisme qui portait Ferré ou Manset. Mais il y a également du rap français ici, dans cette diction atone, ce phrasé haché, cette voix blanche qui s'exclame au début de "le Meilleur moyen pour y rester" : " Pour qu'ça plaise, faut du rythme, j'te dis ". Et un passé rock qui resurgît par intermittences, en brefs éclats de fureur, sur des titres tels que "Demain" ou "Boomerang".

L'électronique est aussi la grande affaire de cet album. " Tout le disque a été réalisé à l'aide d'un ordinateur mais nous avons essayé de travailler dans une autre optique que celle des producteurs rap ou house. On aboutit trop souvent dans ce cas à des albums où les morceaux se ressemblent tous. C'est un peu le piège de la musique assistée par ordinateur. Nous avons essayé de diversifier nos sources, d'avoir un panel de sons le plus large possible. Cela allait d'une vieille cassette douteuse à une guitare en prise directe ou une fréquence radio capturée au hasard, un tas de trucs hétéroclites que nous avons fini par rentrer dans la machine. Franchement, sur un ordinateur, le plus utile c'est encore la fonction poubelle ". Tout un programme.

C'est Damien Bétous, responsable des arrangements, qui endosse le rôle de logiciel au sein du duo. Ce jeune homme au parcours atypique a d'abord étudié pendant quatre ans la musique concrète et électroacoustique au conservatoire et à la faculté de Toulouse. Renonçant à une carrière de compositeur (" Je n'arrivais pas à m'intégrer à ce milieu. Je me sentais en décalage "), il rencontre Arnaud, alors en rupture de ban chez Diabologum qui assumera la dimension politique et poétique du Programme.

Sur la séparation de Diabologum, groupe de rock indépendant culte qui était tout de même parvenu à écouler quelques 15.000 copies de son dernier album, Arnaud n'a pas trop envie de s'étendre. " Je suis parti parce que je ne m'entendais plus avec une personne en particulier. Mais je reste en bons termes avec les autres. D'ailleurs, le batteur devrait sortir prochainement un projet solo nommé Motocross Madness ". Il préfère évoquer son association avec Damien et leurs méthodes de composition qui tiennent du programme...d'amaigrissement : " Nous avons d'abord voulu ouvrir le dossier Programme. Ce disque avait une fonction d'exutoire, il fallait qu'on crache certains trucs. Maintenant, on va essayer d'explorer d'autres dimensions. Pour l'instant, on a essayé pas mal de choses qui ont bien fonctionné. Pour échapper aux contraintes imposées par notre environnement, qu'il soit social ou musical, nous nous sommes fixé des règles assez fortes. Par exemple, on a décidé de garder le titre "Je sais où je vais" en le tirant aux dés. Sur le morceau "Des singes déboulent de partout et tabassent tout ce qui passe", on a délibérément choisi de n'utiliser que trois sons. On voulait vraiment aboutir à quelque chose d'original, de relativement inédit ".

Mission accomplie, car s'il y a un peu de tout sur le disque de Programme, on n'avait jamais perçu cette totalité dans un agencement semblable. Du coup, le passage à l'étape des concerts risque de s'avérer épineux. " Nous sommes en train de penser à une formule live qui soit en adéquation avec le contenu du disque. On ne veut pas tomber dans le minimalisme très à la mode actuellement ni se contenter de jouer les morceaux comme un groupe de rock normal. Cela n'aurait aucun sens. Je pense qu'il n'y aura pas de concerts avant les deux ou trois prochains albums ".

Nicolas Mollé.

Programme "Mon cerveau dans ma bouche" (Lithium)