TAPAS FRANCAISES

Primaverasound, le festival de musiques actuelles de Barcelone (26-28 mai), programmait cette année, pour la première fois, onze artistes français. La nuit Primaverafrance, samedi, offrait aussi bien de la chanson (Françoiz Breut, Dominique A…), que du rock (Experience) et de l'électro (M83). Accueil cordial du public espagnol et catalan.

Primaverafrance à Barcelone

Primaverasound, le festival de musiques actuelles de Barcelone (26-28 mai), programmait cette année, pour la première fois, onze artistes français. La nuit Primaverafrance, samedi, offrait aussi bien de la chanson (Françoiz Breut, Dominique A…), que du rock (Experience) et de l'électro (M83). Accueil cordial du public espagnol et catalan.

      Les Français occupaient le terrain dès le jeudi avec Vitalic puis Brigitte Fontaine et Nouvelle Vague le vendredi. Le plateau de résistance arrivait le samedi avec la nuit Primaverafrance : Don Nino, Coralie Clément, Bertrand Betsch, Françoiz Breut, Experience, Dominique A, Helena, The Married Monk, Daniel Darc, Oslo Telescopic et M83. Comme le souligne Sebastien Prieto du Bureau Export de la Musique Française, partenaire et coprogrammateur de Primaverafrance avec le distributeur espagnol Green Ufos, il y avait cette année quasiment autant d'artistes français programmés que d'artistes espagnols ! Ceci dit, si Dominique A ou Vitalic avaient déjà un nom en Espagne et si M83 avait été bien accueilli par la presse espagnole, le programme  n'en appelait pas moins à la découverte de "ce qui ce fait chez nos voisins les plus proches" .

La scène du CD Drome est située tout au bout du site du festival, loin des six autres scènes, mais à 20h35, alors que les derniers rayons de soleil colorent la mer et que Françoiz Breut rentre en scène, quelques 2000 personnes noircissent le parterre et les tribunes. Après un concert plein de douceur et d'émotions, une rangée de fans vient lui demander des autographes et se prendre en photo à ses côtés. Quand c'est au tour d'Expérience, le nombre de spectateurs a encore nettement augmenté, aux alentours de 3000 personnes.  

 Dans les tribunes, on parle bien le français par ci par là mais aussi l'espagnol et surtout le catalan. La première chanson, La révolution ne sera pas télévisée, enflamme directement le public : excellent public catalan, ouvert et connaisseur, curieux et spontané ! Celui-ci, très enthousiaste dès que le groupe joue dynamiquement, se fait plus tranquille lors de ses rares écarts : un morceau de rap et un duo qui semble improvisé ne convainquent pas. Mais le chanteur, Michel Cloup, a une voix très en avant, très offensive et beaucoup de présence sur scène. Les deux guitares et basses l'encadrent bien, jouent très fort, durement, en parfaite symbiose. Au final, on obtient un groupe solide et très bien calé et une musique située entre punk, rock et hip hop, dynamique, colérique et révoltée. Et c'est par là que le courant passe : la musique d'Experience est expressive, il n'est nul besoin de comprendre les textes pour comprendre la nature des sentiments exprimés. Comme Françoiz Breut qui explique qu'elle expérimente les langues étrangères avec la musique : la musique de la langue, l'expressionnisme de la musique, tout ça, les artistes français présents le maîtrisent bien.A... comme apothéose

Et Dominique A le prouve lui aussi, avec une performance quasi extraordinaire : d'une phrase chantée, il paralyse la foule, l'hypnotise, avec un groupe à l'unisson. Arrivent la contrebasse et le clavier et, surtout, deux musiciens qui jouent successivement du tuba, du saxo, de la clarinette, mais aussi des percussions. La musique part entre blues, rock et chanson, toute faite de contretemps, tons mineurs et assonances, riche, chargée, saturée, agitée. La voix de Dominique A survole le tout, légère, claire, libérante. Un concert à l'image de ce jeune homme visiblement très recueilli, allongé dans les tribunes et fixant le ciel, subjugué par la musique. D'ailleurs, les commentaires en espagnol ou en catalan qui fusent entre chaque morceau révèlent que, si quelques uns découvrent avec bonheur Dominique A, le chanteur a déjà son public sur place : c'est le moment d'apothéose de Primaverafrance.

Helena, qui lui succède, subit la concurrence brutale et prévisible des Sonic Youth qui jouent au même moment sur une autre scène. Départ en masse du public qui ne revient que vers 1h00 du matin mais le parterre et les tribunes ne sont plus qu'à moitié remplis.

Une nuit Primaverafrance à l’image du Primaverasound 2005 ? En effet, en ce qui concerne l’ensemble du festival, malgré un public abondant en début de soirée, celui-ci semble avoir eut du mal à rester jusque la fin des programmes, à... 5h00 du matin. Est-ce dû au style musical de la programmation, presque exclusivement chanson et rock? Un peu de hip hop et surtout de musique électronique, très présente les années précédentes, auraient peut-être attiré un public plus nocturne. Les ovations adressées à Vitalic, parachuté à 4h00 du (froid) matin sur une scène principale exclusivement rock ont montré qu’il y avait là un public enthousiaste, motivé et quelque peu oublié.

   Quatre questions à Dominique A

 

    Comment as-tu trouvé ton public en Espagne ?
L’engouement espagnol pour la musique française pop rock des années 90 a commencé il y a un peu moins de 10 ans. C’est en 1996 que l’agence Green Ufos basée à Séville m’a repéré et invité à venir jouer pour la première fois à Barcelone. En 2004, j’ai fait une tournée d’une dizaine de dates avec à chaque fois un public de connaisseurs constitués de 300 ou 400 personnes, pour la plupart espagnoles.

Tu es venu jouer seul en 2004 et, au Primaverafrance, tu viens avec un groupe, pourquoi ?
J’ai commencé à jouer en groupe en 2004, dans une volonté de varier les plaisirs et pour une expérience plus musicale. J’aime balancer entre le solo et le groupe : il y a deux jours, j’ai fait un concert en solo dans un temple.

Que tires-tu de tes tournées en Espagne ?
De bons souvenirs ! La satisfaction de voir que les gens ne s’attachent pas aux mots. C’est une récompense car j’essaye d’être musical et ça marche.

En retour, l’Espagne te nourrit-elle musicalement ?
Pas vraiment. Il y a bien-sûr des groupes espagnols que j’aime comme par exemple Le Mans. J’aime aussi la musique des cuivres des processions religieuses espagnoles : c’est une musique sombre, d’une grande violence. J’aime aussi l’ambiance et la guitare du flamenco. Mais ce ne sont qu’une influence parmi d’autres et je puise plutôt mon inspiration dans un paysage d’Andalousie...