International Gainsbourg

Portishead, PJ Harvey sans parler de Beck et Placebo l’idolâtrent, Donna Summer, Judge Dread et bien d’autres encore reprennent ses chansons. Depuis sa mort, Serge Gainsbourg a bel et bien obtenu la reconnaissance internationale dont il rêvait. Grâce aux nombreux remix électro, reprises dub, sans parler des arrangements ‘arabesques’ de Jane Birkin, le provocateur fumeur de Gitanes et buveur de pastis serait sur le point d’entrer au panthéon des musiciens.

Le monde entier adule Gainsbarre

Portishead, PJ Harvey sans parler de Beck et Placebo l’idolâtrent, Donna Summer, Judge Dread et bien d’autres encore reprennent ses chansons. Depuis sa mort, Serge Gainsbourg a bel et bien obtenu la reconnaissance internationale dont il rêvait. Grâce aux nombreux remix électro, reprises dub, sans parler des arrangements ‘arabesques’ de Jane Birkin, le provocateur fumeur de Gitanes et buveur de pastis serait sur le point d’entrer au panthéon des musiciens.

Une interview de Jane Birkin dans Le Monde* révélait récemment le dépit de Serge Gainsbourg envers la froideur des Anglais à l’égard de son travail : "Il était déprimé que personne ne le reconnaisse sur King’s Road (la fameuse rue de Chelsea à Londres). Personne ne demandait jamais son autographe, alors il décida de rentrer en France, préférant être roi dans son pays plutôt que prince consort outre-manche." En effet, en dehors d’une première place légendaire en 1969 dans le top 10 britannique pour son très érotique Je t’aime moi non plus, la vente de ses disques au Royaume-Uni a toujours été quantité négligeable. D’ailleurs seulement 15.000 copies du best of Initials SG destiné à l’exportation s’y sont pré-vendues.

Sylvie Simmons qui est l’auteur d’ Une poignée de Gitanes, première biographie de Gainsbourg en langue anglaise, affirme que la médiocrité des ventes du célèbre auteur français ne l’empêche pas, aujourd’hui qu’il est mort, d’être reconnu comme un artiste culte en Grande-Bretagne. " Jarvis Cocker, le chanteur vedette de Pulp, ainsi que Brett Anderson du groupe Suede, sont tous deux des fans invétérés de Gainsbourg, " explique-t-elle. Et la biographe d’ajouter : " Ce n’est d’ailleurs pas seulement sa musique qui leur plaît, mais également son style, son côté irrévérencieux et spirituel ; c’est également sa tendance à l’arrogance qui les impressionne".

Gainsbourg a aussi su tirer parti du scandale ce qui nourrit toujours son ‘culte’ posthume. Brûler un billet de 500 francs en direct à la télévision et, lors d’une autre émission grand public, demander à Whitney Houston de coucher avec lui, ont alimenté sa légende. Brian Molko, le chanteur de Placebo et l’Américain Beck, lui aussi très en vogue, ont cité la provocation pratiquée par Gainsbourg comme une source d’inspiration.

Le culte gainsbourien s’est également répandu en Europe de l’Est où, par exemple, Alexander Michailidis, directeur de programmation de Radio One à Prague, explique qu’il y a deux catégories de fans : " Il y a ceux qui connaissent Gainsbourg depuis les années 50-60, une époque où la culture française rayonnait en Europe de l’Est. Mais il y a également une nouvelle génération de fans ayant découvert son œuvre grâce aux remix. Ces fans-là ont entre 25 et 30 ans et vivent dans les grandes villes tchèques. Le mini boom Gainsbourg qui a suivi la sortie d’I Love Serge a poussé les gens à redécouvrir ses titres originaux. "

Album de reprises électro, incluant des remixes par Howie B, The Orb, etc., I Love Serge, a rayonné jusqu’en Australie. Kate Welsman, alias Systa bb, qui travaille comme DJ sur PBS, la radio publique de Melbourne, est une fan invétérée du chanteur, bien qu’elle précise qu’il faille encore éduquer le goût des Australiens. " Les chansons de Gainsbourg ne passent jamais sur les radios commerciales, mais parfois sur les ondes publiques, et elle ajoute, l’album I Love Serge a certainement contribué à le faire connaître des clubbers underground australiens. "

Selon l’avis de la DJ, "Gainsbourg est un phénomène unique dans la chanson française. Tous les Français que j’ai rencontrés sont capables de chanter au moins une de ses chansons. Mais bien qu’il soit partie intégrale de la conscience collective française, il ne s’exporte pas si facilement dans les autres cultures."

La raison principale en est évident la barrière linguistique. Comme l’affirmait le journaliste britannique Robert Chalmers : "Gainsbourg a été victime d’une malédiction qui se révéla être plus néfaste à son accession au statut de star du rock que s’il était né aveugle et sourd, ou que s’il était mort ; il s’agît simplement de sa nationalité. "

Comme depuis des années, le monde anglo-saxon refuse de considérer que le français soit compatible avec le rock, et comme les chansons de Gainsbourg multiplient les sous-entendus et les jeux de mots, son oeuvre ne supporte guère la traduction. Cela n’a cependant pas empêché l’auteur compositeur australien, Mick Harvey, connu pour sa collaboration avec Nick Cave & The Bad Seeds, de sortir deux albums très novateurs proposant des reprises des chansons de Gainsbourg. Harvey a sorti Intoxicated Man en 1995 puis Pink Elephants en 1997.

Aidé d’une équipe de traducteurs qui déchiffrèrent pour lui les "mystérieuses références littéraires et autres éléments cryptiques contenus dans ces textes", Harvey a produit une version anglaise originale des classiques gainsbourien tels que Bonnie & Clyde, Je t'aime moi non plus (I Love You…Nor Do I) et Le Poinçonneur des Lilas (The Ticket Puncher). Cette chansonnette noire et dérangeante sur cet employé du métro aux tendances suicidaires est l’un de ses titres préférés sur Pink Elephants. Il explique : " Il s’agit d’une complainte, celle de l’individu moyen au boulot sans intérêt. "

Quant au notoire Je t’aime moi non plus, Harvey espère que sa version fait ressortir l’ironie profonde des paroles de Gainsbourg. "Tout le monde a toujours cru qu’il s’agissait de grognements et de gémissements érotiques sur fond de pop … mais la chanson est pleine de sous-entendus, elle a une signification cachée. C’est une chanson vraiment étrange… Les Français ont toujours compris le caractère subversif de l’œuvre de Gainsbourg, mais c’est resté mystérieux pour tous ceux qui ne parlent pas français. "

Peu importe le biais par lequel les fans vont redécouvrir Gainsbourg, sur les pistes des clubs ou grâce à Pink Elephants qui rend hommage à l’humour noir de ses chansons ; ce qui compte, c’est que la flamme du fumeur de gitanes n’est pas prête de s’éteindre.

*Edition du 08/08/2003

Albums:
Jane Birkin Arabesque (EMI)
Initials SG export (Mercury/Universal)
Various I Love Serge/Electronica (Universal Music)
Mick Harvey Intoxicated Man (Mute)
Mick Harvey Pink Elephants (Mute)

Biographie:
A Fistful of Gitanes, Sylvie Simmons (Helter Skelter)