Plongée dans le festival Octopus
La quatrième édition du festival Octopus s’est déroulée du 18 au 20 janvier en région parisienne. Concerts de verres à pied, de boîtes de conserve, de dérailleur de vélo… L’association Octopus défriche depuis plus de douze ans l’horizon infini des "musiques libres et inventives". Retour sur une passionnante histoire de passionnés.
La musique réinventée
La quatrième édition du festival Octopus s’est déroulée du 18 au 20 janvier en région parisienne. Concerts de verres à pied, de boîtes de conserve, de dérailleur de vélo… L’association Octopus défriche depuis plus de douze ans l’horizon infini des "musiques libres et inventives". Retour sur une passionnante histoire de passionnés.
Depuis quelques semaines fleurissent sur les murs des lieux inspirés de culture et de spectacle parisiens de drôles d’affiches vertes et foisonnantes : celle de la quatrième édition du festival Octopus, sous-titrée "Inventeurs d’instruments". De la musique, de la création et des musiques "libres et inventives" : telle est la programmation d'Octopus. Mais, au-delà de cette manifestation, pour comprendre le positionnement si particulier de l’association Octopus dans le champ des "autres" musiques, un petit retour en arrière s’impose.
A l'origine, un fanzine
En 1994, Octopus est d'abord une revue de fans à parution aléatoire, dont le principal objectif est de dépasser les genres musicaux. Mieux : de connecter les musiques "trans-genres" entre elles. La publication séduit les passionnés de musiques électroniques, les bidouilleurs d’instruments, les inventeurs géniaux, les amateurs de musiques traditionnelles inconnues… Bref, les curieux tous azimuts.
Le projet "collaboratif" trouve très vite son public. Lequel - pointu et ouvert d’esprit - voit en Octopus l’équivalent francophone de la très éclectique revue anglophone The Wire. La coloration d’Octopus évolue selon ses contributeurs, sans jamais s’écarter de son objectif premier : raconter les musiques "différentes". Courant 2002, le fanzine devient supplément culturel de Mouvements, "la revue indisciplinaire des arts vivants". L’expérience se décline en dix numéros et dure dix-huit mois. Ce "mariage de raison", selon Sonia Musnier, coordinatrice de l'association Octopus, apporte une régularité de parution au fanzine et permet au support d’aller vers de nouveaux publics. Mais une partie de son lectorat, par définition "libre et inventif", refuse de devoir acheter Mouvements pour lire Octopus…
En 2004, l’association reprend son indépendance et saute sur la formidable opportunité du Net pour mettre en valeur ses contenus et son interactivité. La première édition du festival Octopus naît en 2003 - peu avant le divorce - sans thématique précise. Sonia Musnier se rappelle : "Il y avait une soirée électro, une soirée world, etc… Avec une programmation impeccable par genre, mais cette construction de la programmation était à l’opposé de ce que nous voulons faire : décloisonner les genres justement !". L’année suivante, la thématique aux possibilités infinies est trouvée : Octopus ou les inventeurs d’instruments.
Un saxophone arrosoir
Ainsi, le festival permet à l’association Octopus d’offrir de la visibilité à des artistes inconnus du grand public, dans des genres très différents. Lors des trois éditions précédentes, le festival Octopus a en effet programmé des "mélomanes excentriques", tous styles confondus : les uns bidouillant une guitare sarde, les autres jouant de la musique "électro-accoustique" et "végéto-organique", utilisant une contrebasse jouée avec des cordes de piano ou inventant de "furieuses fantaisies électro-mécaniques" japonaises. Lors de cette quatrième édition - répartie entre le Point Ephémère, le Centre Pompidou et l’espace Mains d’œuvres à Saint-Ouen - l’association a présenté une kyrielle d’inventeurs (et donc d’instruments) extraordinaires.
Lors de la soirée d’ouverture dans le grand gymnase de Mains d’œuvres, à Saint-Ouen, on distribue du vin chaud. La lumière est tamisée pour une ambiance méditative. Ici, le relativement classique dispositif du "cristallophone" (verres à pied que le frottement du doigt fait siffler) se trouve amélioré par le duo Orbes de Manu Holterbach et Sophie Durand. Les verres sont bien à pied, mais, nuance, à pied creux… Les deux inventeurs en contrôlent le niveau d’eau grâce à une pédale ! Dans le public, beaucoup ferment les yeux, s’allongent, se laissent dériver dans l’océan de modulations "microtonales" du duo, qui évoque tour à tour des ambiances de musiques de film, un violon virtuose, ou… un synthétiseur à deux touches ! Les verres offrant somme toute des potentialités assez limitées.
En deuxième partie de soirée, le nettement plus dynamique Max Vandervorst fait irruption dans la salle avec son "Saxosoir" - un saxophone construit avec un arrosoir !- et débute un véritable inventaire à la Prévert d’instruments plus farfelus et ingénieux les uns que les autres, réalisés à base d’objets de récupération (boîte de conserve, bouilloire, pots de fleurs, dérailleur de vélo). Dans un spectacle d’une petite heure, sans un mot, il frappe ses percussions, souffle dans à peu près tout ce qu’il trouve, surprend, mime, étonne et transpire… C’est une petite révolution du rapport aux choses, une jolie désacralisation de la musique : tout peut être musique, tout le temps, nous dit en substance Max Vandervorst dans sa Symphonie d’objets abandonnés. Une conception partagée sans aucun doute par le collectif Octopus.