Clément Masdongar
Déçu de l'accueil reçu par son album Siya enregistré en 1995, le chanteur franco-tchadien Clément Masdongar le ressort, rebaptisé Let The Sunshine, remixé et avec deux nouveaux titres.
Homme de couleurs
Déçu de l'accueil reçu par son album Siya enregistré en 1995, le chanteur franco-tchadien Clément Masdongar le ressort, rebaptisé Let The Sunshine, remixé et avec deux nouveaux titres.
RFI Musique : Vous êtes un ancien lauréat du concours Découvertes de RFI. Cette distinction a-t-elle compté pour vous?
Clément Masdongar : Bien sûr puisque c'était une reconnaissance des gens du métier qui par là me signifiaient qu'ils acceptaient ma venue. Cela m'a permis de franchir quelques étapes. J'ai toujours gardé une relation affectueuse avec ce concours dans la mesure où j'ai participé à la première édition à Dakar en tant que danseur.
Quelles ont été vos grandes découvertes musicales?
Wally Badarou m'a beaucoup marqué. L'arrivée d'un Black comme cela, à un haut niveau, dans la musique électronique, c'était fort, surtout à l'époque où il a débarqué, c'est-à-dire au début de ce courant. Je peux citer aussi Tina Turner, Michael Jackson, Freddie Mercury, Louis Armstrong, Ray Charles... Et puis il y a eu des rencontres après mon arrivée en France en 1981. Je suis fan de Johnny Hallyday par exemple. Pour moi artistiquement, c'est quelqu'un qui a toujours été là et a maintenu le cap. Il a su s'adapter à son époque tout en restant fidèle à ce qu'il avait envie de faire.
Vous n'avez jamais été tenté de reprendre un ou plusieurs de ses titres?
Non jamais. De toute façon quand je suis arrivé en France, il n'était alors pas question pour un chanteur africain de chanter en français. On voulait qu'il chante dans sa langue. Peut-être parce que cela faisait plus "exotique". Maintenant c'est l'inverse, avec la loi sur les quotas de la chanson française en radio, on demande à un Africain de chanter en français s'il veut avoir la chance d'accéder aux hit-parades ou aux radios FM.
Pourquoi avez-vous choisi de venir à Paris?
Quand je suis venu en France, cétait parce que j'avais un contrat en tant que danseur avec Béjart.
Comment êtes-vous passé de la danse à la chanson?
La chanson a toujours été ma passion. Au pays j'ai commencé avec cela. J'ai joué dans l'Orchestre National et j'ai dansé dans le Ballet National. L'opportunité pour sortir du pays c'est la danse qui me l'a offerte. J'ai été sélectionné par Béjart qui était venu recruter des danseurs. Pour moi Béjart, c'est un grand maître. Comme Peter Brook avec qui j'ai aussi travaillé. Avec lui, au niveau théâtre, je me suis énormément donné. Quand quelqu'un t'accepte avec tes défauts et tes qualités, te respecte, comme il le faisait, tu ne peux que t'investir totalement et avec plaisir dans son projet.
Il y a chez vous la musique, la danse, le théâtre, l'écriture et puis aussi la peinture. Vous êtes l'homme d'un arc-en-ciel de passions.
Pour moi ces différentes disciplines sont complémentaires. C'est comme toutes les choses de la vie, ce qui irrigue ma personnalité, tout ce qui est mon être. Je suis un arbre où il y a plusieurs branches. Chaque branche est exploitée à un moment donné, parce que cela tourne, comme la terre tourne. Quand je sors un disque, je me consacre plutôt à cela et je délaisse un peu les autres arts. Je ne peux pas me disperser et je ne suis pas Vishnou.
La vogue actuelle pour les musiques électroniques qui infiltrent le jazz et les musiques ethniques vous satisfait sans doute?
Quand je suis arrivé en France, j'ai commencé direct avec l'électronique. La batterie digitale, par exemple c'est une invention merveilleuse, cela fait gagner beaucoup de temps en studio, pour trouver le bon son. La musique n'est en rien dénaturée. Aujourd'hui on est parvenu à une ère de grande ouverture musicale et c'est tant mieux. Le problème, c'est que quand on arrive trop tôt, ce qui fut sans doute mon cas, on essuie les plâtres, on n'est pas accepté tout de suite car ce que l'on fait choque les gens.
Vous êtes 100% pour le métissage musical?
J'ai toujours envie de fusionner plusieurs genres de musiques. Fusionner pour moi, c'est aussi accéder à la culture de l'autre. Je défends l'idée du métissage culturel. Ceux qui pensent que les rencontres entre deux cultures se font toujours au détriment de l'une se trompent. Il ne faut pas chercher à les mettre toutes les deux sur le même pied d'égalité car si l'on a cette préoccupation, cela veut dire qu'à l'avance on établit une différence. Il faut partir sur une autre base : celle de la rencontre d'idées, de gens qui comparent ce qu'ils peuvent faire ensemble.
Clément Masdongar Let The Sunshine (Cobalt) 2001