L'atelier d'écriture de Kery James

Bien avant la sortie attendue le 31 mars prochain de son troisième opus solo, Kery James profite de chacune des étapes de sa tournée promo pour présenter son association ACES (Apprendre, Comprendre, Entreprendre et Servir) lors d’un atelier d’écriture. A Marseille, le jeudi 24 janvier, ils étaient une dizaine à s’installer autour de la table d’un studio de répétitions de la Friche la Belle de Mai. Rencontre.

Une expérience particulière

Bien avant la sortie attendue le 31 mars prochain de son troisième opus solo, Kery James profite de chacune des étapes de sa tournée promo pour présenter son association ACES (Apprendre, Comprendre, Entreprendre et Servir) lors d’un atelier d’écriture. A Marseille, le jeudi 24 janvier, ils étaient une dizaine à s’installer autour de la table d’un studio de répétitions de la Friche la Belle de Mai. Rencontre.

"La promo, je connais" lâche Kery James avant de se consacrer pleinement à la dizaine de jeunes rappeurs originaires de Marseille et Salon-de-Provence avec qui il a rendez-vous. Celui qui s’est très tôt imposé en tête des charts de la rue n’en est pas à son premier tour de France des bastions du hip hop. Que ce soit avec Idéal J, la Mafia K1fry dont Jusqu’à la mort, le dernier opus est Disque d’or depuis peu sans appui médiatique, ou lors de la sortie de ses deux premiers album solo (Si c’était à refaire paru en 2001, Ma Vérité en 2005).

Le rappeur a pu se familiariser avec ce redoutable exercice, que l’on peut aisément qualifier de service après-vente du disque. "Quand il a fallu reprendre la route avant la sortie de mon nouvel album (toujours pas de nom définitif), j’ai souhaité modifier la donne. Plutôt que de simplement le défendre, j’ai suggéré à ma maison de disques de profiter de cette tournée promotionnelle pour rencontrer sur une demi-journée la nouvelle génération d’accrocs au mic’ lors d’ateliers d’écriture, et leur parler de mon asso. Son but : proposer un soutien scolaire pour les collégiens de banlieue et leur redonner l’estime qu’ils doivent avoir d’eux-mêmes en leur apprenant à relativiser les difficultés qu’ils rencontrent. Son mot d’ordre, son leitmotiv est : 'on n’est pas condamné à l’échec'. Elle peut aussi venir en soutien matériel à des jeunes qui se lancent dans des études supérieures, explique-t-il. On est totalement indépendant. Nos seuls soutiens sont nos parrains, des sportifs (Lilian Thuram par exemple), des artistes (Diams, Grand Corps Malade…), des chefs d’entreprise (Malamine Koné, le PDG d’Airness…) issus des quartiers difficiles et sensibles à notre travail. Nous n’avons pas prétention à remplacer l’Education Nationale, d’autant que le soutien scolaire existe déjà un peu partout, mais juste de faire prendre conscience aux jeunes de la chance que cela représente pour eux. Et qui mieux qu’un sportif ou qu’un artiste qui parfois n’a pas poussé très loin son cursus scolaire peut témoigner aujourd’hui des bienfaits de l’instruction".

Sa maison de disques, Warner en l’occurrence, a donné son aval jugeant habile dans le contexte actuel de lier promo presse classique par le biais d’interview forcément redondante pour l’artiste, et promo de terrain où Kery peut, sans intermédiaire, aller au contact de son public. Accueilli par Mix Evolution 13, l’association du Phocéen DJ Rebel, cet atelier auquel n’est inscrit sur la dizaine de participants, qu’une seule fille (Samia – une jeune Marseillaise qui prépare pour cette année un album r’n’b), s’ouvre par quelques mots de Kery James qui précise très vite les règles du jeu : "Un thème (les mots), une petite demi-heure devant la feuille blanche avec en fond musical un instru en guise de portée, avant le rendu des copies mic’ en main. "

Professeur Kery James

"C’est bon les gars, qui est-ce qui veut commencer ?" lâche Kery James. Parmi les apprentis MCs, l’un d’entre eux manifestement acquis à la cause des femmes lâche un "la fille en premier" tout à fait explicite du trac partagé par la plupart des participants. "De toutes façons, vous allez tous y passer" reprend Kery avant d’ajouter : "Je pense que c’est lui qui va attaquer". Lui, c’est Kams, un Salonais venu en bande avec ses collègues du Ministère des Affaires du Ghetto, un posse structuré depuis un an environ autour de la MJC du quartier des Camourgues. Celui qui avoue dans son texte "préférer la langue des signes" se débrouille plutôt bien avec les mots. Ce que confirme Kery : "Il a mis la barre haute !".

Fayce attaque ensuite. Kery enfile la blouse grise du professeur : "Ton idée de 'mot au galop'  est bonne, mais il faut fouiller plus encore, chercher autour de ça, ce qui peut venir comme images. Te comparer à un jockey…". "A un disc-jockey" ajoute un timide de l’assistance qui a pris de l’assurance. Au final, tous passeront au micro. Si certains optent pour un a capella, la plupart chevauchent l’instru avec brio. Encore trop "frais" pour tirer de quelconques leçons, ce travail en atelier avec les jeunes inspire inévitablement l’aîné : "Ils ont une spontanéité et parfois une audace qui donnent des pistes. Etre celui qui "sait", t’oblige à réfléchir sur ce que tu sais, à formaliser ce que tu as appris de façon empirique. Ça, c’est toujours intéressant."

Un album qui va faire parler

Réalisé principalement par le tandem Kilomaître (Tefa et Masta) et par lui-même, son nouvel opus est selon le rappeur "éclectique et cohérent". C’est un album très hip hop avec des morceaux hors-format. Certains font entre 7 et 8 minutes, sans refrain.. Banlieusards qui rappelle l’instru de Gangsta’Paradise de Coolio ou 6,57 tournent déjà dans les lecteurs MP3 de ses fans. "L’Impasse, un des titres de l’album est l’ossature d’un long-métrage, une sorte d’opérarap que nous tournerons l’an prochain avec l’équipe de Bonne Pioche. Là encore on est proche des objectifs d’ACES. C’est l’histoire d’un jeune artiste de Choisy-le-Roi qui souhaite arrêter l’école et à qui je raconte ce que va être sa vie" explique-t-il. Kery James confie avoir convié en studio Grand Corps Malade, ses amis de la Mafia et Charles Aznavour. "Avec Aznavour, nous nous retrouvons demain pour enregistrer. Je ne peux pas en dire plus pour l’instant" déclare-t-il. Rendez-vous fin mars pour en savoir plus sur ce duo qui n’a pas fini de faire jaser. Bien joué !