VU D’AILLEURS Mars 2004

Sur scène, les styles s’opposent et les tournées se croisent, comme en témoignent les récentes prestations de Air, M, Juliette Gréco, Sanseverino et Julien Lourau.

Sur la route

Sur scène, les styles s’opposent et les tournées se croisent, comme en témoignent les récentes prestations de Air, M, Juliette Gréco, Sanseverino et Julien Lourau.

C’était l’événement du mois dernier. Auréolé du succès de l’album Talkie Walkie, Air a lancé début février sa tournée mondiale au Paradiso d’Amsterdam. De nombreux journalistes étrangers se mêlaient pour l’occasion aux fans néerlandais pour assister au nouveau spectacle de l’un des fleurons de la nouvelle scène française. «Dans la cité hollandaise, le duo Jean-Benoît Dunckel-Nicolas Godin a présenté les chansons du nouvel album et a revisité quelques succès, dans un concert de courte durée (un peu plus d’une heure), envisagé comme une espèce de ‘session expérimentale’, selon les mots de Nicolas Godin», explique Vitor Belanciano, l’envoyé spécial du quotidien national portugais Publico (8/2). «Talkie Walkie expose une sonorité plus introspective que son prédécesseur 10,000 Hz Legend, ce qui donne un spectacle différent (de la dernière tournée – ndlr), avec une relation plus directe et proche avec le public» - un public qui réagit surtout aux titres les plus célèbres. Passé ce premier round, la tournée Air se poursuit en mars en Suisse, en Allemagne, en Italie et en Espagne avant d’atteindre les Etats-Unis et le Canada en avril, où plus d’une vingtaine de dates sont prévues.

Entre tradition et modernité, la chanson française a résonné dans Bruxelles grâce à Juliette Gréco et Mathieu Chédid, qui s’y sont produits à quelques jours d’intervalle. Le 20 février au Cirque royal, on ne sait pas bien si le public venu applaudir Juliette Gréco avait fait le déplacement pour simplement entendre le répertoire de la chanteuse ou pour apercevoir l’inoxydable égérie de Saint-Germain-des-Prés, gardant peut-être en mémoire l’adage de François Mauriac («Gréco est le chef-d’œuvre unique de Gréco»). «Pratiquement plantée devant son micro tout le long du récital», la Gréco, «éternellement habillée de sa longue robe noire, maquillée de blanc», demeure «un personnage fascinant», commente le chroniqueur de La Libre Belgique (23/2). «Ce sont aussi ses limites: on ne voit bientôt plus que le mythe, la muse existentialiste, Belphégor. Rebelle, effrontément libre, farouche, Gréco ne se laisse en fait que rarement percer.» Quelques jours plus tôt,La Libre Belgique rendait compte, dans son édition du 20 février, du passage de M. Si Mathieu Chédid «pouvait susciter quelques réserves, elles volent en éclat quand la machine de guerre M présente en live ses nouvelles chansons, ce qui leur donne leur envol et leur force. (…) Monde virtuel sera l’une des rares escapades vers ses anciennes chansons. M a en effet choisi de fêter avec son public ce Qui de nous deux? quasiment dans son intégralité. Au risque de décevoir ses fidèles? Que nenni!» Au bout de deux heures et demi d’un show mené tambour battant, «l’Ancienne Belgique a réservé un triomphe à M».

Tandis que la Belgique accueillait l’excentrique M, la Suisse découvrait le gouailleur Sanseverino, dont le nouveau disque, Les Sénégalaises, sort cette semaine. Révélé sur le tard au public français (ce baroudeur de la musique est âgé de 42 ans), le «titi vagabond» a convaincu le journaliste de L’Impartial (13/2), venu l’interviewer avant son concert au Casino de Locle. «En concert, comme sur le nouvel opus, on retrouve trois guitares, une contrebasse et un piano. Jamais de batterie? «Surtout pas, les guitares remplacent avantageusement la batterie», glisse le musicien. (…) Difficile de cataloguer ce mariage de chansons aux textes gentiment caustiques et de jazz». «Nouvelle chanson française?» se hasarde le journaliste. La réponse fuse, sans langue de bois: «J’ai été plutôt flatté de figurer aux côtés de Vincent Delerm et de Bénabar sous cette étiquette. Mais après nous, il y a M ou Raphaël». Loin des querelles de famille de la chanson française, le saxophoniste Julien Lourau, l’un des leaders du nouveau jazz à la française, jouait au Jazz Café de Londres accompagné d’un quartette acoustique, sous les yeux de John Fordham, du Guardian (19/2). «Durant la majeure partie du spectacle, Lourau explora une musique world-jazz mid tempo plutôt baba cool», qui désarçonna les gardiens du temple Jazz mais attira les clubbers friands de remixes façon St. Germain. Et même si «Lourau peut superficiellement ressembler à nombre de saxophonistes contemporains dans la densité de ses longues lignes et dans la facilité avec laquelle il se déplace entre les différentes approches rythmiques», il n’en demeure pas moins que le Parisien «a confirmé au public qu’il était bien l’homme qu’il attendait».