Brésil sur Seine

Une nouvelle génération d'artistes brésiliens a élu domicile en France. Certains, comme Seu Jorge, y rencontrent un certain succès. Même si la plage est loin, Paris reste pour eux "une grande baie vitrée ouverte vers le monde". Une scène musicale active qui donne au public l'occasion de découvrir  d'autres sons, plus pointus ou plus traditionnels.

Succès de la MBP, Musique Brésilienne de Paris

Une nouvelle génération d'artistes brésiliens a élu domicile en France. Certains, comme Seu Jorge, y rencontrent un certain succès. Même si la plage est loin, Paris reste pour eux "une grande baie vitrée ouverte vers le monde". Une scène musicale active qui donne au public l'occasion de découvrir  d'autres sons, plus pointus ou plus traditionnels.

 

 Quel point commun y a-t-il entre Barbès, quartier populaire parisien et le Brésil ? Mônica Passos a sa réponse. Dans Banzo, son dernier album, la diva jazzy à la voix chaude et puissante parle de ses joies et peines avec un swing vocal qui traite sur un même pied, tendre et ironique, ses deux patries. Quand elle arrive du Brésil en 1980, Barbès lui fait penser à "une grande baie vitrée ouverte vers le monde ". 25 ans après, la France est restée son "eldorado, son Amérique a l’envers." Un  séjour prolongé  que vit aussi Marcio Faraco depuis 1992. Lui qui se proclame "exilé poétique" voyage avec sa voix suave entre la samba, la balade, la bossa et le jazz. La mélodie de Apesar da escuridão, titre de son tout dernier album, Com Tradição , lui est venue, raconte-t-il "en allant au tabac du coin. En fait, je vis à Paris comme si j’étais encore au Brésil, je regarde la lune et je vois le soleil, c’est comme si cette lune était le miroir de Iemanjá, la déesse afro de la mer” ... Signe que la bonne musique brésilienne peut aussi prendre racine au-delà de ses frontières.

Des favelas carioca à la Favela Chic

Car à l’image des clichés qui longtemps ont réduit le Brésil au soleil, aux plages et au carnaval, la scène brésilienne en France ne se contente plus seulement de la samba qu’incarnait Rio depuis quarante ans. Au contraire,  

    elle a fait aujourd’hui le pari de révéler à son public, dans un bouillon de sons, toute la richesse d’un patrimoine rural  et urbain qui rend l’horizon musical infini. L’exemple le plus révélateur est certainement le succès de Seu Jorge, considéré comme leur plus digne successeur par Caetano Veloso et Chico Buarque, principales figures de la "MPB" (musique populaire brésilienne où se mêlent la bossa-nova, la samba, le jazz et le rock ...). Enfant des favelas de Rio dans les années  1970, Seu Jorge trouve son salut dans le théâtre avant d’allier samba, groove et pop dans le groupe qu il crée, Farofa Carioca. Son succès immédiat lui donne l’envie de se lancer dans une carrière solo qu’il concrétise avec la sortie de Samba Esporte Fino. Parallèlement, Seu Jorge s’illustre devant les caméras dans le désormais film culte A cidade de Deus (La cité de Dieu réalisé par Fernando Meirelles), qui le consacre dans son pays. L’année 2004 le propulse au rang d’artiste international avec la sortie de Cru (Chair), une mise à nu où la bossa, épurée, (une guitare et quelques percussions) se mêle à des paroles engagées (Eu sou favela,) et des mots d’amour (Tive razão). Cru est avant tout le résultat d une rencontre entre Gringo da Parada, un DJ résident de la  mythique Favela Chic (club-bar-restaurant brésilien du Xème arrondissement de Paris), dénicheur de talents, orchestrateur (des compilations Postnove), et Seu Jorge, véritable performer emblématique et charismatique dans son pays. 

"On aurait presque préféré que ce soit l’année de l’Irlande, par exemple ! " dit avec humour Soraya, attachée de presse de la Favela Chic, "Depuis ses débuts, il y a maintenant neuf ans, l’équipe a toujours voulu amener une autre scène et donner la possibilité de découvrir d'autres facettes du Brésil". C’est dans un  univers communautaire composé d'artistes, de musiciens, de décorateurs ou encore de photographes que la Favela Chic distille, en avant-garde, des courants repérés au Brésil et encore inconnus du public français. Parmi eux, le "baile funk", sound system des années 1970 apparu dans les favelas de Rio, qui sur des bases de "miami bass", mêle des éléments typiques de la musique brésilienne.

 

 

Le soutien des labels et du public

Mais la Favela Chic n’est pas seule dans ce projet. Elle est relayée par des labels français et brésiliens qui arrivent de plus en plus nombreux à Paris en se faisant tourneurs et producteurs : le label Helico est de ceux-là. Issu de la toute fraîche et novatrice génération de Rio et São Paulo, l’Orquestra do Fuba, qu’il produit depuis deux ans, est l’exemple le plus vivant en France. Sur scène, accordéon, rabeca (sorte de petit violon artisanal), triangle, zabumba (instrument de percussion originaire du Nord-Est) et violon créent une ambiance chaleureuse et authentique nourrie de leurs propres créations inspirées du forró, un genre musical qui réunit tous les rythmes du Nordeste et qui anime bals et fêtes populaires de cette région du Brésil. 

Bebel Gilberto, Chico Buarque, Maria Bêthânia, Gilberto Gil  et tant d’autres sont considérés comme des valeurs sûres dans le paysage musical brésilien représenté en France. A côté d'eux, les artistes moins connus du public, les courants plus récents (hip hop, électro), les styles régionaux (forro) trouvent néanmoins en France des structures adaptées pour les accueillir et les apprécier. Gilberto Freyre, sociologue, écrivait que la musique était la quintessence du Brésil ; souhaitons donc que le nouveau public restera réceptif à ce que Rafael Hime, pianiste brésilo-parisien, appelle "des hangars de sensations". 

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QUESTION A BEBEL GILBERTO

RFI Musique : Donnez-vous une signification particulière à l'année du Brésil en France ?
Bebel Gilberto
: Bien sûr. L'idée de consacrer une année au Brésil en France est géniale et important. C'est la célébration d'une relation étroite et ancienne entre deux pays amis. La France a toujours su ouvrir la voie pour défendre la culture brésilienne. C'est le seul pays actuellement en Europe capable de lui donner la place et la dimension qu'elle mérite. Maintenant les Brésiliens doivent saisir cette chance et assurer. J'aimerais participer aussi à l'année du Brésil mais dans l'immédiat il n'y rien de prévu. Je ne perds pas espoir. Qui sait, peut-être dans quinze ans je m'installerai définitivement en France et à ce moment là, j'aurais aussi une "casquette" française.

Propos recueillis par José Marinho