Vu d'ailleurs dec. 2005

La France est en crise et la contestation revient au premier plan. Le rap fait débat, le rock alternatif reprend du poil de la bête, tandis que Yannick Noah et Jane Birkin prêchent le rapprochement entre les peuples.

Aux armes, citoyens

La France est en crise et la contestation revient au premier plan. Le rap fait débat, le rock alternatif reprend du poil de la bête, tandis que Yannick Noah et Jane Birkin prêchent le rapprochement entre les peuples.

Le rap rend-il violent ? Sitôt éteint le feu qui a embrasé les banlieues françaises pendant trois semaines, la polémique refait surface dans les médias, relancée avec son lot d’opportunisme et d’arrière-pensées par le député UMP François Grosdidier, promoteur d’une "pétition soutenue par 200 députés appelant à poursuivre certains artistes hip hop pour leurs textes agressifs". Pourtant, note le quotidien britannique Telegraph (8/12), "pendant plus d’une décennie, le rap français a été la voix des banlieues, des quartiers pauvres, et a depuis longtemps averti des violences à venir dans ces quartiers", rongés par le chômage de masse, le racisme, le banditisme et le délabrement de l’habitat.

Cette tentative de retour à la censure a incité la presse étrangère à se pencher sur ce rap indépendant, souvent agressif et provocateur, occulté par les grands médias au profit d’artistes "cool" mais très populaire auprès des jeunes des cités grâce à des artistes comme Sniper, Rohff ou Sinik. Largement inconnus en dehors des pays francophones, jamais les rappeurs français n’avaient été autant sollicités par les médias internationaux. "Il n’est pas facile d’arranger un entretien" avec Monsieur R, s’étonne Haaretz (9/12) en Israël, qui consacre un long papier au "pouvoir des mots". "Il est seulement dix heures, mais la rencontre avec Haaretz est déjà sa deuxième interview du matin, et la journée qui l’attend sera longue : l’hebdomadaire Le Nouvel Observateur, Channel 3, la chaîne du parlement, la BBC et un journal danois... " Non, le rap "n’est pas responsable de la crise", tranche la BBC (25/11). Le rappeur Monsieur R est bien de cet avis. Visé par les députés anti-rap pour son titre La FranSSe, il se défend : "Le hip hop est un art cru, aussi nous employons des mots crus. Ce n’est pas un appel à la violence".

Manu Chao en Argentine

Les Français sont un peuple turbulent, à l’image de Manu Chao, qui poursuit sa croisade anti-Bush sur les scènes sud-américaines. "Le monde est dégoûtant", se désole-t-il dans La Republica (Pérou, 14/11). "A part les moments entre amis, tout est si cruel." On pourrait croire le chanteur déprimé mais voilà, la musique est son "échappatoire" et la flamme de la révolte brûle encore. "On a vu le chanteur et compositeur français Manu Chao dans les manifestations contre George Bush à Mar del Plata", en Argentine. Sur les planches, le clandestino "déménage" toujours autant mais, aux abords des théâtres, parfois ça castagne.

"Violence lors du récital de Manu Chao" à Rosario, titrait ainsi le quotidien argentin La Capital (13/11). Et cette fois-ci, les rappeurs n’y sont pour rien ! "L’organisation chaotique" du concert est dans la ligne de mire. "Les tickets annonçaient le début du concert pour 22 heures, mais pour une raison inexplicable, le groupe s’est mis à jouer dix minutes avant l’horaire prévu, entraînant les réclamations prévisibles des personnes qui faisaient encore la queue pour entrer" dans l’Amphithéâtre municipal. "Les responsables de la sécurité laissaient passer les gens deux par deux, tout était très lent", se plaint un témoin, quand la police s’est mise en tête de faire taire les contestataires "avec beaucoup de violence".

Les messages des Béru et de Yannick Noah

Signe que les temps sont à la lutte, la scène musicale française attend le retour d’un groupe mythique des années 1980 : Bérurier Noir. Le portail musical espagnol Zona Musical (2/12) salue même à travers eux "le retour du rock alternatif" et son esprit libertaire. "Il y a plus de vingt ans, Bérurier Noir et un groupe de rockers alternatifs – Mano Negra, les Garçons Bouchers, les Wampas, Ludwig von 88" écumaient les squats parisiens "dans le but de donner des concerts totalement sauvages". Mais loin de la fureur des polémiques politiques, il est des militants zen mais déterminés à porter des messages humanistes et œcuméniques dont on aura bien besoin pour calmer les esprits. De passage au Cirque d’Hiver à Bruxelles, Yannick Noah a appelé à la vigilance contre le racisme, rapporte La Dernière Heure (1/12), et, parce qu’en France "ça chie un peu", "enchaîna avec un Né quelque part de circonstance. Plus tard, car en France, on a besoin d’espoir, il reprit La Marseillaise à sa sauce, avant de prendre le thé marocain et de se secouer sur Saga Africa".

Sans cris, Jane Birkin défend depuis longtemps des causes humanitaires. Son disque Arabesque mariait avec délicatesse le répertoire de Gainsbourg et la musique arabe. Le spectacle du même nom "a tourné dans le monde entier ces trois dernières années" et vient d’être joué une dernière fois à Saint-Pétersbourg car "Birkin voulait terminer sa tournée dans la ville où les parents russes de Serge Gainsbourg se sont mariés en 1915", explique le St. Petersburg Times (18/11). Si la musique sert parfois à crier l’urgence, elle adoucira toujours les mœurs.