Florent Pagny

Avec son nouvel album, Ailleurs Land, déjà double disque de platine, et sa nouvelle tournée qui fait étape à l’Olympia jusqu'au 27 juillet*, Florent Pagny confirme à la fois son attachement à la Patagonie et sa popularité en France. Une sorte de double nationalité affective qu’il chante à pleine voix.

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Avec son nouvel album, Ailleurs Land, déjà double disque de platine, et sa nouvelle tournée qui fait étape à l’Olympia jusqu'au 27 juillet*, Florent Pagny confirme à la fois son attachement à la Patagonie et sa popularité en France. Une sorte de double nationalité affective qu’il chante à pleine voix.

Le précédent album studio de Florent Pagny, Châtelet-Les Halles, plongeait ses regards dans l’immense carrefour de solitudes d’une station de métro au centre de Paris, où le chanteur avouait volontiers avoir lui-même failli sombrer dans la marginalité, bien longtemps avant d’être devenu une star. Ce n’est pas un hasard si le disque suivant s’intitule Ailleurs Land – le rêve de l’autre part où l’on refait sa vie, et la séduction vague du lointain indéfini. Photographié pour la pochette avec un poncho jaune sur une route pierreuse de Patagonie – sa Patagonie, où il vit depuis plusieurs années –, Florent Pagny chante avec délectation cette retraite lointaine: «Car ici c’est Ailleurs/Ailleurs Land/Et si on te demande/Dis-leur/Je travaille de mes mains/Je regarde le ciel/Je vais à l’essentiel/Ailleurs Land (…) Et j’essaie loin des hommes/De redevenir humain». La chanson (sur un texte de Pierre-Yves Lebert et une musique de Pascal Obispo) qui donne son titre à l’album détaille les ruptures: le monde des variétés («Ce drôle d’élevage/Où les dindes farcies/Côtoient les oies sauvages (…) Et devant la vitrine la foule/Pas toujours amicale»), les jolies filles des magazines («Images à deux dimensions/En long en large/Mais pas trop en profond») et les plaisirs de la vie d’avant – c’est-à-dire de la vie ici, en France.

Lorsque est sorti son album, au mois d’avril (Ailleurs Land est actuellement double disque de platine, avec plus de 600.000 exemplaires vendus) et qu’il a fait le tour des grandes émissions de télévision et de radio parisiennes, Florent Pagny a longuement expliqué qu’au premier rang des raisons qui lui ont fait quitter la France, il y a la pression fiscale, qu’il estime trop élevée dans son pays natal. C’est d’ailleurs le thème récurrent de Ma liberté de penser (sur un texte de Lionel Florence et une musique de Pascal Obispo), le premier single extrait de l’album (et lui aussi vendu à plus de 600000 exemplaires): «Quitte à tout prendre/Prenez mes gosses/Et la télé/Ma brosse à dent mon revolver/La voiture ça c’est déjà fait (…) Je peux bien vendre mon âme au Diable/Avec lui on peut s’arranger/Puisqu’ici tout est négociable/Mais vous n’aurez pas ma liberté de penser».

Et, d’ailleurs, en évoquant ses bêtes noires dans son pays, Florent Pagny retrouve çà et là dans l’album la hargne de quelques-uns de ses anciens succès à scandale (on se souvient de Presse qui roule en 1990), comme lorsqu’il retourne l’expression Demandez à mon cheval dans une habile chanson écrite par Pierre-Yves Lebert et Pascal Obispo: «Jéricho ne sait pas par coeur toutes mes chansons/Jéricho ne sait pas le prix de ma maison/Jéricho ne sait pas la marque de ma moto/Ni combien de chevaux se cachent sous mon capot (…) Qu’est-ce que sait Jéricho?/Tout le reste tout le reste (…) Et si ça vous intéresse (…) Cherchez pas dans le journal (…) Demandez à mon cheval».

On regrette d’ailleurs de ne pas voir Jéricho dans le livret du CD, parmi les photos de Pagny très loin, là où il est heureux. Car si les musiques, les mixes et le mastering ont été réalisés en France, c’est chez lui, tout au sud du monde, que Florent Pagny a chanté devant le micro. C’est peut-être pour cela, d’ailleurs qu’aucun de ses disques n’a jamais semblé aussi intime, aussi autobiographique, malgré la dizaine d’auteurs et compositeurs qui y ont collaboré (récemment, encore, Florent Pagny accusait le fisc d’être cause de son complet abandon du travail d’écriture ou de composition). Ainsi, on pourrait noter seulement au rayon mondain l’intervention sur Ailleurs Land, de l’actrice Sandrine Kiberlain, que l’on a l’an dernier entendue derrière le micro, en compagnie d’Emmanuelle Béart et Patrick Bruel dans Où sont tous mes amants sur l’album Entre-deux. Ici, elle a écrit le texte de Sur mesure, belle évocation, sur une mélodie et des arrangements lents et majestueux de Daran, de la femme de sa vie par Pagny: «Ne me parlez pas des autres/Je n’en ai pas envie (…) Elle, elle est sur mesure/Un jour on s’est choisi/On s’est juste regardé c’est tout/Elle durera la vie». Voix et cœur pacifiés, débarbouillé des colères et des hargnes, Florent Pagny rappelle alors facilement l’ampleur de ses dons d’interprète. Et c’est sans doute le chanteur plus que le polémiste qui marquera l’histoire de la culture populaire française.

C’est ce chanteur-là – puissant, sentimental, attachant – qui a été la plus prestigieuse des têtes d’affiches de la Night of the Proms, qui faisait se rencontrer, en mai dernier, un orchestre symphonique et quelques artistes de variétés. C’est le même que Johnny a invité à chanter Pense à moi en duo au Parc des Princes, et qui vient de se lancer dans une tournée d’été qui fait longuement étape à l’Olympia, à Paris, à partir du 13 juillet. Et il retrouve même cet été les salles de cinéma, à partir du 16 juillet, dans le premier rôle de Quand je vois le soleil, film de Jacques Cortal dont il partage l’affiche avec Marie-Claude Pietragalla.