Zazie en Asie (3)

Où en étions-nous donc ? Ah oui, le crachin de Hanoï. Dire qu'il nous paraît loin est un euphémisme. Depuis, il y a eu le tabac de Saïgon ; les deux soirs très chauds de Chaktomuk, à Phnom-Penh ; l'équipée -sauvage- aux temples d'Angkor. Et si, pour une fois, on parlait d'autre chose que de musique ?…

Atmosphère

Où en étions-nous donc ? Ah oui, le crachin de Hanoï. Dire qu'il nous paraît loin est un euphémisme. Depuis, il y a eu le tabac de Saïgon ; les deux soirs très chauds de Chaktomuk, à Phnom-Penh ; l'équipée -sauvage- aux temples d'Angkor. Et si, pour une fois, on parlait d'autre chose que de musique ?…

Pourquoi ? Parce que.
Parce que Zazie, un point c'est tout. Parce que réduire sa tournée asiatique à une série de concerts, aussi bons soient-ils, serait ne pas rendre compte de l'atmosphère et de l'état d'esprit uniques que la Dame -c'en est une grande- insuffle à son déplacement.

Au départ, on regardait d'un œil suspicieux cette équipe pléthorique, rare pour nos chanteurs hexagonaux en campagne internationale. Alors que Julien Clerc, l'année dernière, se contentait de trois musiciens, alors que Higelin part demain sur les routes d'Amérique avec son seul percussionniste, Zazie s'embarquait pour l'Asie avec le même équipage que celui qui, tout au long de l'année 99, la conduisit sur les chemins de France ; à savoir une bonne douzaine de personnes, dont cinq musiciens, et tout le reste de personnel technique. La fille, se disait-on, manque de modestie et ne se rend pas compte qu'elle va traverser des régions où sa gloire est très relative.

Quelques milliers de kilomètres plus tard, c'est avec un tout autre regard qu'on appréhende le phénomène. D'abord, un peu de "luxe" scénique pour des publics qui n'en voient jamais n'est pas forcément superflu ; on a vu des yeux émerveillés par des jets de fumée multicolore, artifice qui sous nos latitudes n'engendre plus que baîllement; on a vu le public de Saïgon monter sur les fauteuils -Hô Chi-Minh s'en est retourné dans sa tombe- pour un beau chorus de guitare, bien sonorisé ; on a vu les jeunes Cambodgiens bombarder le groupe de fleurs, parce qu'à l'évidence la Zazie Team lui avait procuré un grand moment de bonheur.

A Paris, ville désormais bénie par les dieux de la musique, on ne se rend pas compte combien de pays, dans le monde, sont pauvres et affamés. En Birmanie, au Vietnam, ou au Cambodge, on ne manque pas de l'essentiel. Mais la culture ou le divertissement, nourritures spirituelles, sont fort rares. Alors, pour une fois, emmener -aux frais du contribuable français, certes- un spectacle digne de ce nom est tout simplement une marque de respect pour ces peuples qui, d'ailleurs, ne ménagent pas leurs marques de reconnaissance.

Et puis, il y a tous ces moments, hors concert. Bien des artistes, en "tournée internationale", protègent soigneusement leur voix au fond d'une chambre d'hôtel, consentant à une conférence de presse par-ci, par-là, à condition qu'on n'ait pas à sortir dans un air moins conditionné. S'il le faut vraiment, on ira faire une photo, au bord de la piscine… Des noms ? Ne soyons pas cruels : ceux-là sont la majorité. Et encore faut-il les remercier de bien vouloir sortir de l'hexagone. Car il y a aussi tous ces artistes, prophètes en leur pays, qui pour rien au monde ne prendraient le risque d'aller remettre leur titre en jeu dans des lieux barbares où on ne les reconnaîtrait pas dans la rue.

Avec Zazie, c'est tout à fait autre chose.

D'abord, si elle a voulu emmener toute son équipe en Asie, c'est pour la remercier de tout le travail accompli pendant la tournée française de l'année dernière. Et prolonger encore cet esprit de famille dont, à l'évidence, personne ne veut se départir. Jamais vu une telle complicité entre un artiste et son équipe. Eclairagiste, ingénieur du son, régisseur, musiciens, tous (et pas des moindres, chacun travaillant aussi pour d'autres stars du show-biz français) se couperaient un bras pour "la patronne", qui est en fait la grande sœur. Sortis de scène, aucune différence ne peut plus être faite entre les membres de l'équipe. Malgré les heures d'avions, les levers à l'aube et les couchers… à l'aube, malgré la fatigue, les embarras intestinaux -Ah, les jus de fruits exotiques !- le journaliste vicieux traquera en vain la querelle nerveuse, la mauvaise humeur passagère.

Mais, tout ça, c'est "la patronne" qui le génère. Aussi à l'aise dans une école de Phnom-Penh qu'à la table de l'ambassadeur, aussi naturelle dans un mini-bus écrasé de chaleur, sur la latérite de Siem Reap (Angkor), qu'au marché chinois de Saïgon, Zazie profite de chaque instant pour découvrir, de chaque rencontre pour échanger. "Tout le monde a du talent" dit-elle. "Faut être un peu c… pour penser qu'on est quelqu'un d'exceptionnel, juste parce qu'on sait écrire des chansons !"

Demain, départ pour Singapour, la Suisse de l'Asie (et aussi gaie que l'originale). Mais parions que, même là, Zazie saura trouver quelque chose d' intéressant. Ce sera en tout cas le terme de cette tournée, et Zazie en fera un grand bilan, en exlusivité pour RFI / MUSIQUE. Restez en ligne !

Jean-Jacques Dufayet