Keren Ann

Symbole avec son collègue Benjamin Biolay d’une certaine élégance dans la chanson française, Keren Ann s’offre, le temps d’un album, une escapade du côté de la langue de son modèle Suzan Vega. Succédant à La disparition, Not going anywhere, le premier essai de l’artiste en anglais, sa langue maternelle, prolonge en douceur la folk de ses précédentes sorties, sans en bouleverser la teneur. Une évolution anecdotique plus qu’une révolution pour qui a déjà goûté aux compositions cotonneuses de Keren Ann. Et une façon de faire patienter jusqu’au prochain album en français, prévu pour 2004.

Not going anywhere

Symbole avec son collègue Benjamin Biolay d’une certaine élégance dans la chanson française, Keren Ann s’offre, le temps d’un album, une escapade du côté de la langue de son modèle Suzan Vega. Succédant à La disparition, Not going anywhere, le premier essai de l’artiste en anglais, sa langue maternelle, prolonge en douceur la folk de ses précédentes sorties, sans en bouleverser la teneur. Une évolution anecdotique plus qu’une révolution pour qui a déjà goûté aux compositions cotonneuses de Keren Ann. Et une façon de faire patienter jusqu’au prochain album en français, prévu pour 2004.

Pensé à l’origine comme un clone anglophone de La disparition (l’album devait à l’origine être titré The disappearance), Not going anywhere ne constitue pas à proprement parler une révolution pour Keren Ann, pas plus qu’une incongruité dans sa jeune carrière. C’est que cette presque trentenaire, artisan avec son collègue Benjamin Biolay du retour d’Henri Salvador (les deux ont collaboré à la quasi totalité des titres de son "multi-victoirisé " Chambre avec vue) a de longue date été bercée par avec les diphtongues et autres accents toniques made in England.

Outre son goût prononcé pour la folk-pop new-yorkaise, la demoiselle s’est tout simplement avec ce nouvel opus rapprochée de sa langue maternelle : d’origines multiples (russo-hollando-javanaise, rien de moins !), elle a vu le jour en Israël, puis a vécu une dizaine d’années aux Pays-Bas, avant de se poser à Paris, qu’elle quittera pour San Diego pendant ses études. Pas étonnant dès lors que la demoiselle confesse écrire ses chansons plus spontanément en anglais. De fait, cette nouvelle sortie a plus des airs de parenthèses, de chemin de traverse que de tentative de conquête des publics étrangers – même si cette dernière possibilité n’est pas à exclure. Not going anywhere n’est en outre nullement synonyme de changement radical, de bouleversement stylistique. L’élégance harmonique, qui a fait la marque de fabrique de Keren Ann, préside toujours aux débats. Les compositions délicates suggèrent toujours plus qu’elles ne soulignent la voix chuchotée de l’artiste, laquelle excelle en anglais comme en français dans l’art de ficher le bourdon !

A y regarder de plus près, le contenu de ce troisième album en trois ans (sans compter la parenthèse Salvador) se décompose comme suit : les morceaux écrits lors de la dernière tournée, et les chansons déjà existantes en versions anglaise, prévus à l’origine pour The disapearance, d’un intérêt forcément limité. En effet, si ces dernières, qui occupent près de la moitié de l’album (cinq titres au total), ne donnent pas dans le simple copié-collé, elles n’apportent néanmoins qu’une valeur ajoutée très discutable à leurs modèles francophones. Certes, il s’agit bien évidemment d’un travail d’écriture parallèle, et non de traductions littérales (ainsi, Surannée devient Seventeen, Mes pas dans la neige, Spanish song bird etc.), mais ces versions "alternatives" laissent un sentiment légitime de déjà entendu. Pas ou peu de modifications instrumentales, un rythme lymphatique toujours de mise et une interprétation comparable à l’originale. On en vient logiquement à se demander ce que la manoeuvre peut apporter à l’auditeur francophone…

La deuxième portée de titres suscite en revanche nettement plus de curiosité, d’autant que, s’il n’y a pas non plus ici de métamorphose artistique, elle marque une évolution dans l’environnement de l’auteur de Jardin d’hiver : ces nouvelles chansons ne sont effectivement pas co-signées avec le prolifique Benjamin Biolay, contrairement à l’usage jusqu’alors en vigueur dans la carrière de l’artiste. Keren Ann quitte ainsi (momentanément ?) les nappes de cordes redondantes de son collègue, pour se rapprocher d’une veine plus folk, louchant du côté de Simon & Garfunkel et autres Joni Mitchell. Quant au seul nouveau titre écrit à quatre mains sur l’album, un duo délicat intitulé Ending song, il met à contribution l’Islandais Bardi Johannsson, du groupe Bang Gang. Une association prolongée sur le récent Lady and Bird, leur projet commun sorti chez Labels. Ce duo marquerait-il pour Keren Ann la fin de l’ère Biolay ? Les fans, sur les forums de discussion Internet ont en tous les cas remarqué que celui-ci ne figurait pas sur le livret à la rubrique remerciements…

Keren Ann Not going anywhere (Capitol ) 2003