L’invitation au voyage de Jehro
L’été commencera un peu en avance cette année. Exactement, à la seconde où vous découvrirez l’album de Jehro. Un cocktail réussi de torpeur caribéenne et de mélancolie capverdienne. Insatiable rêveur, Jérôme Cotta insuffle un peu de paix dans ce monde de brutes.
Luxe, calme et les nu-pieds
L’été commencera un peu en avance cette année. Exactement, à la seconde où vous découvrirez l’album de Jehro. Un cocktail réussi de torpeur caribéenne et de mélancolie capverdienne. Insatiable rêveur, Jérôme Cotta insuffle un peu de paix dans ce monde de brutes.
Les références se bousculent : Keziah Jones, Patrice, Ben Harper, Bob Marley ou encore Cesaria Evora.. Pour le style pareil, on hésite entre morna, reggae, calypso, funk, soul. A la réflexion on prend tout pour n’en garder que l’essentiel : le soleil, la paix, la douceur, le farniente. Tout en acoustique, Jehro, de son vrai nom Jérôme Cotta, propose "un fantasme poétique." Grâce à la musique, un voyage imaginaire dans tous les pays qu’il n’a pu visiter. Une sorte d’évasion après un coup du sort.
En 2002, le chanteur venait d’enregistré son deuxième album pour EMI. Tout était prêt. Un mois avant sa sortie, sonne l’heure des restructurations dans les maisons de disques. Coût, dépense, retour sur investissement, la logique comptable prend le pied sur l’artistique. Brutalement on lui rend son contrat : "J’étais surpris par le côté absurde de la chose, investir autant d’argent, 150000 euros, pour un projet et ça part en fumée comme ça, je trouve que c’est du gâchis. Je suis rentré ensuite dans une période très contemplative. Je n’avais pas forcément envie de refaire de la musique d’une façon intensive."
D’autant que le jeune auteur compositeur avait déjà été échaudé par l’expérience de son premier album L’arbre et le fruit. Dans la ligné de son père, le chanteur Rive Gauche, il se lance dans la chanson française, certain d’apporter, avec sa voix très soul, une nouvelle saveur au genre: "Je n’avais aucune expérience du milieu, qui est quand même assez particulier (rires). Je me suis retrouvé avec un album plus formaté que ce que je voulais. Je ne me sentais pas habité par le travail que j’avais fait. J’avais du mal à l’assumer, c’était un style dans lequel je ne me sentais pas à ma place. Ça reste un souvenir assez douloureux."
L’éducation dans les squats
Un signe qui ne trompe pas, le Marseillais parle à profusion de "projet" pour cet album. Comme si Jehro était un double permettant d’occulter les difficultés rencontrées à ses débuts. D’ailleurs le style a complètement changé. Il a abandonné la chanson française pour revenir à ce métissage rencontré à 21 ans en Angleterre.
Une guitare sur le dos et l’aventure en tête, il avait alors traversé la Manche, histoire de découvrir les lieux et les ambiances de la musique anglo-saxonne : "J’ai surtout appris la vie. Je sortais d’un giron familial assez protecteur. Je n’avais jamais travaillé." La précarité des petits boulots le mènera dans l’univers des squats : "ça m’a permis de rencontrer plein d’artistes mais c’était aussi le monde de la drogue. Les premiers musiciens de flamenco que j’ai vu étaient complètement cocaïnés. Ils jouaient magnifiquement bien mais c’était assez lourd..."
Pendant deux ans et demie, il côtoie quasiment la terre entière : des Africains, des Sud-Américains, des Caribéens. Une formation culturelle et musicale accélérée pour ce doux rêveur qui ne maîtrisait, à son arrivée, que quatre accords sur sa six-cordes.
Des airs immédiatement populaires
Une décennie plus tard, des échanges informels et ludiques qui demeurent le point de départ de ce disque cosmopolite. Les frustrations passées nourrissent, elles, la douce tristesse des textes : "C’est ce que j’aime dans la musique du Cap-Vert ou la salsa : chanter la mélancolie avec beaucoup de soleil, comme un sourire en coin. C’est du vécu avec toujours une petite graine philosophique qui reste."
Chaque chanson est conçue telle une histoire avec ses propres personnages, comme sur Everything : "Quelqu’un est sur une plage assez morne, il voit la ville là-bas au fond. Dans sa baraque en bois, il a une espèce de faim, cette envie de bouffer le monde, de sortir de sa condition. Il veut tout. Cette faim-là, il y a beaucoup de gens de milieux humbles qui l’ont mais ça les pousse souvent dans une position précaire. Ils arrivent dans des lieux avec beaucoup d’espoir puis ils se heurtent au mur de la société moderne. Ils sont intégrés, digérés et restent bien souvent au bas de la hiérarchie".
Le rêve de Jehro est maintenant devenu réalité. En anglais, en espagnol, il chante des titres instinctivement populaires. Des mélodies imprégnées de multiples cultures où tout le monde se retrouve, se rassemble. Un pont qui lui permet de traverser les continents. L‘album sort prochainement aux Etats-Unis. Fin avril, il donne même une dizaine de concert à New York. Ensuite, si le sort lui reste heureux, Jérome Cotta compte retourner au Panama et un jour, bien sûr, visiter les Caraïbes, berceau de sa musique.