Chroniques de filles
Elles sont trois, une Belge et deux Françaises. Vous n'avez peut-être pas encore entendu parler d'elles. Dommage. RFI Musique vous présente ces trois jeunes femmes bien ancrées dans le nouveau siècle.
Karin Clercq, Julie B.Bonnie et Jeanne Cherhal.
Elles sont trois, une Belge et deux Françaises. Vous n'avez peut-être pas encore entendu parler d'elles. Dommage. RFI Musique vous présente ces trois jeunes femmes bien ancrées dans le nouveau siècle.
KARIN CLERCQ
Karin Clercq est une jeune comédienne belge. Une de ses amies, réalisatrice, l'a embarquée dans l'aventure d'un court-métrage et lui a donné un rôle où elle devait chanter. Pour enregistrer une chanson, déplacement à Rennes et rencontre avec un dénommé Guillaume Jouan, connu dans le milieu pour écrire pour Miossec. "On est arrivé là-bas et on a tout de suite senti que le contact passait bien avec Guillaume. En deux jours, ça a vraiment bien bougé." Pour la jeune comédienne, l'exercice n'est pas aisé. Devenir chanteuse ne s'improvise pas. "J'étais très impressionnée, c'est un pro quand même !"
L'expédition terminée, voila la belle de retour à Bruxelles. "J'ai commencé à écrire, je ne sais pas très bien pourquoi... parce que j'avais envie de faire des chansons mais c'était une envie comme ça... même si ça fait longtemps que j'écris des textes en prose ou la biographie des personnages que je joue en scène, mais pas de chansons." Trois mois après, quand elle revoit Jouan, le Breton lui propose de travailler avec lui et de mettre en musique ces textes "pour voir". Ils prennent leur temps, deux ans et demi, exactement entre le début de leur collaboration et le bouclage de l'album. "Ce qui me touche beaucoup chez lui, ce sont ses guitares, quelque chose de très tendu, très intense. Sa musique se fond vraiment dans les textes".
Rien ne prédestinait cette jeune femme à la chanson. Son premier métier l'a tout de même beaucoup influencée dans sa manière d'aborder l'écriture des textes. "Je me sens plus comme une comédienne qui chante que comme une chanteuse. Quand je travaille les chansons, j'ai l'image du personnage dans la tête même si parfois, c'est autobiographique." Telle la composition d'une musique de film, Guillaume Jouan s'est imprégné des ambiances, a suivi le déroulement des histoires que racontent ces textes. "La musique a aussi fait évoluer les textes" dit-elle comme pour rappeler son inexpérience dans le domaine. Karin Clercq souligne chaque fois qu'elle le peut l'importance d'un travail effectué à quatre mains. "Et puis les émotions peuvent passer plus rapidement dans le cœur des gens grâce à la musique".
Quant à l'inspiration, elle n'en manque pas. Ce premier album prometteur s'intitule Femme X : "En regardant l'ensemble des chansons, je me suis rendue compte que toutes étaient des portraits de femmes anonymes... à part Kassandre." Chacune évoque un pan de la vie, de vies plus exactement, du quotidien aussi : la vie de couple dans Ne pas, l'anonymat avec Femme X, mais aussi la prostitution avec La chanson d'Anna, les blessures de l'amour avec Fêlure, etc. Des textes simples mais forts.
La scène ne lui fait pas peur, son expérience du théâtre rendant les choses beaucoup plus aisées que pour n'importe quel néophyte. A tel point d'ailleurs qu'elle s'impatiente en attendant une tournée qui devrait démarrer en septembre avec notamment Guillaume Jouan comme musicien de choix. "Je ne tiens plus en place. J'en rêve déjà" dit-elle avec enthousiasme. "Je vais sans doute me sentir un peu plus en danger qu'au théâtre car là, je vais défendre mes textes". De son entrée dans le monde de la musique, la jeune femme n'en revient toujours pas : "Si on m'avais dit que j'allais sortir un disque... En plus, je ne connais personne dans le monde musical français et belge, mis à part Guillaume bien sûr". On est assez curieux de voir Karin en concert, de voir comment une comédienne peut s'approprier la musique, pour mettre ses mots en scène.
Karin Clercq Femme X (PIAS, 2002)
Valérie Passelègue
JULIE B. BONNIE
Après Keren Ann, Julie B. Bonnie intègre le cercle des chanteuses folk françaises fascinées par leurs consœurs américaines de Joni Mitchell à Suzanne Vega. Transfuge momentanée de son groupe Cornu (après un plus lointain passage dans les délurées Forguette Mi Notte), et armée de son violon, elle signe la totalité des titres et des arrangements (impeccables) de cette première livraison solo, plutôt fine et faussement morose.
Si le duo avec Gaëtan Roussel de Louise Attaque (Je l'admire) flirte avec la dépression, la jeune femme semble plutôt, comme une de ses héroïnes (elle-même ?), avoir la Joie de vivre. Mais elle l'exprime avec retenue… Elle nous parle de son intimité, de son salon, de ses escaliers, de son quartier (Rue de Ménilmontant) mais aussi des responsabilités (Je préfère attendre un peu), d'une certaine solitude (Je reste toute seule), et des réelles angoisses des filles de 30 ans (Ma robe de mariée, Qu'est-ce que j'ai dit). Mais lorsqu'elle se lance sur des textes en anglais, elle frôle vraiment une certaine dimension rock qui se dégage des albums folk américains. Listen to the Wind est à ce niveau-là très troublant ainsi que Do you like my music, des titres qui ne dépareilleraient pas sur la scène du Lilith Fair Festival, manifestation itinérante et exclusivement féminine où se réunissent les meilleures chanteuses du genre. Le summum est d'ailleurs atteint avec la reprise du tubesque Hotel California des Eagles.
Si elle a œuvré en grande partie seule à la confection, Julie B.(pour Béatrice) Bonnie est pourtant entourée de copains bienveillants et qui ne nous sont pas inconnus : Yann Tiersen (accordéon sur Ma robe de mariée), Vincent Segal (violoncelliste de M ou Bumcello), Alexandre Varlet, Philippe Almosnino (guitariste des Wampas), Bill Conway (batteur de Morphine) ou encore Kid Loco à la production de deux titres : le plausible tube Marie plane et Thank you. Une amicale réunion de musiciens doués qui confirme l'intérêt de cette discrète mais intense voix féminine. <p>
Julie B. Bonnie (Island/Universal)
Catherine Pouplain
JEANNE CHERHAL
Avis aux détracteurs de la formule piano-voix un temps ringardisée, Jeanne Cherhal pourrait vous faire changer d'avis. Derrière ses touches blanches et noires, deux nattes s'agitent, ce sont celles d'une jeune femme de 24 ans qui tantôt minaude comme une petite fille, tantôt prend une voix d'ogresse à faire pleurer dans les maternelles. Une voix claire et haute qu'elle module à souhait selon les scénarios compliqués de ses chansons qui tendent souvent vers le burlesque familial.
Quelque part entre une Marie-Paule Belle première période, et une Pascaline Herveet des Elles, (qu'elle a visiblement beaucoup écoutée), Jeanne Cherhal accompagne avec une évidente fraîcheur les textes qu'elle compose depuis qu'elle a laissé tomber ses études de philo. Visiblement à son aise dans le rôle de l'ingénue qui en aurait à raconter, elle maîtrise aussi la scène, déjà rôdée qu’elle est aux festivals de la chanson qui comptent ! Les récompenses n'ont pas tardé, la plus récente étant celle du dernier festival Alors... chante ! de Montauban. Actuellement chez Tôt ou tard, la chanteuse pourrait bien intéresser une major à l'instar de la Grande Sophie. Pour l'heure, écoutons ce premier album, éponyme et néanmoins enregistré en public, dans lequel Jeanne se trouve face à son public, celui de Nantes, là où tout a débuté pour elle, en novembre 1999. Une bien jolie boucle en vérité, et qui devrait perdurer.
Pascale Hamon