BouchaZoreill’ gravé sur disque

Tout a commencé par des soirées BouchaZoreill’, événement majeur de la scène slam parisienne, qui signifie en créole, "faire circuler l’information par la parole". Depuis, le phénomène a pris de l’ampleur. La sortie du disque éponyme donne l’occasion de faire un état des lieux de ces rencontres entres slammeurs et musiciens. Félix Jousserand, "scribe", et D’ de Kabal, "chercheur en lettres modernes et barbares", reviennent en détail sur cette expérience slammée.

Expérience slam

Tout a commencé par des soirées BouchaZoreill’, événement majeur de la scène slam parisienne, qui signifie en créole, "faire circuler l’information par la parole". Depuis, le phénomène a pris de l’ampleur. La sortie du disque éponyme donne l’occasion de faire un état des lieux de ces rencontres entres slammeurs et musiciens. Félix Jousserand, "scribe", et D’ de Kabal, "chercheur en lettres modernes et barbares", reviennent en détail sur cette expérience slammée.

RFI Musique : Bouchazoreill’, c’est un disque de slam, mais c’est d’abord une soirée…
D’ de Kabal : Voilà, dans l’ordre, c’est une soirée autour du slam et des slammeurs qui a lieu le dimanche en fin d’après midi au Trabendo à Paris. C’est une soirée qui compte un micro ouvert, une partie musicale et des images balancées par Collectif Alambic. Bouchon et moi-même nous occupons de la réalisation de tout ça.

Avant les soirées avaient lieu à la Boule Noire…
D’ de Kabal : On a fait les trois premières à la Boule Noire, en 2004 et c’est rapidement devenu trop petit donc, nous sommes partis au Trabendo. Comme on commence à se sentir à l’étroit au Trabendo, on va tenter un Zénith le 3 juin. Ce sera comme d’habitude, mais en plus grand. Il y a aura trois scènes ouvertes, un atelier d’écriture, des performances dans des endroits avec très peu de public, un grand endroit avec des équipes de Toulouse, Bordeaux, de Lyon, une équipe BouchaZoreill’ et un concert, avec différentes interventions de slammeurs qui sont sur le disque.

Pourquoi avoir voulu élaborer le disque BouchaZoreill ?
D’de Kabal : On a eu l’envie de poursuivre l’aventure et de la vivre un peu différemment, l’envie d’appeler des artistes pour se mélanger. On voulait un disque qui soit en phase avec la soirée, qu’on fait depuis 3/ 4 ans. Donc cela a été assez simple. Avec Bouchon, on a fait une liste de vingt slammeurs chacun, on en a trouvés dix huit dès le premier jet. On ne s’est pas trompé, on a bien assisté aux mêmes soirées, on sait bien qui y était et qui on avait envie d’inviter pour l’expérience.

Felix Jousserand : Ce n’est pas un album de slam, c’est un compte rendu, une photo, des fortes têtes qu’on a vu évoluer dans le cadre des soirées BouchaZoreill’, des moments de pur slam. On en a fait un disque avec de la musique.

Comment s’est faite l’opération de la mise en musique du texte ?
D’ de Kabal : On est parti des a cappella, puis on a choisi des musiciens. Certains sont aguerris, je pense notamment à Franco Mannara, le multi instrumentiste de Spoke Orchestra, qui signe 4 ou 5 productions sur l’album. On a aussi appelé des gens qui sont venus jouer aux soirées BouchaZoreill’, Doctor L, Hélène Labarrière … Nous sommes restés hyper cohérents, les choses se sont faites très naturellement.

Du coup, on trouve toute sorte de styles de musique : blues, électro, rock… Finalement, la parole se pose sur tout ?
D’ de Kabal : Ça fait un moment qu’on le dit. Il n’était pas question qu’on puisse mettre une étiquette sur le projet BouchaZoreill’, il était question de voyage, et de rencontres avec différents styles musicaux. Histoire de dire qu’on peut amener le texte où on veut.

Félix Jousserand : Y’a quand même une unité de son, en terme de direction artistique, même si un large éventail de style musicaux est balayé. Rien que dans le choix des gens qui sont sur cette compilation, on est quand même dans un genre de collectif BouchaZoreill’, slammeurs et musiciens racontent quelque chose sur le disque.

Pourquoi y a-t-il des morceaux a cappella, juste slammés ?
D’ de Kabal : Il était hors de question de faire un disque sans mettre de l’a cappella, dans la mesure où on s’est entouré des gens qui travaillent leur voix comme une matière, un instrument. Un morceau comme Le Slammiste, de Mohamed Rouabhi, n’a pas besoin de musique. Grand Corps Malade, Le Meilleur Ami des Mots ou Hayet connaissent bien leur sujet.

C’est amusant de voir la diversité des slammeurs présents sur le disque : tous âges, toutes professions…Le slam rassemble tout le monde, en fait ?
Félix Jousserand : C’est le principe de base et c’est aussi l’intérêt qu’on y trouve en allant dans des cafés, sur des scènes ouvertes. Au-delà de la dimension artistique, il y a aussi ce truc que tu ne vois nulle part ailleurs, des personnes de 7 à 77 ans, toutes origines sociales, réunies dans un même endroit, parce qu’il y a ce fil rouge qui lie tout le monde : écrire et venir dire un texte. Sur le disque, le plus vieux a 53 ans et le plus jeune 24 ans. Mais attention, le slam n’est pas un genre, c’est une pratique qui se fait en direct. Là, tout de suite, je ne suis pas slammeur, à la maison, devant mon ordinateur, quand j’écris, non plus.

Vous qui êtes depuis longtemps dans ce milieu, comment vivez-vous cette explosion du slam, depuis un an et demi ?
D’ de Kabal : On le vit en faisant ce disque. Il y a deux ans, c’était impensable. Je suis convaincu que personne ne nous aurait produit. Ce qui est marrant, c’est qu’on répond sans répondre à une loi du marché. Le fait que le mot soit dans toutes les bouches aujourd’hui nous permet de faire plein de choses autour de notre pratique, plus qu’avant.

Félix Jousserand : Notamment avec Spoke Orchestra où on a un propos super dur, pas forcément grand public. On est extrêmement abrité des effets de mode. On n’est pas appelé à avoir un succès public phénoménal, pas plus aujourd’hui qu’avant. On a la chance de travailler sur différents projets. Le Spoke Orchestra reste une bulle où l’on peut faire des expérimentations, aller super loin, faire des choses qui ne passeraient pas ailleurs, que le slam soit tout en haut de l’affiche ou en haut du caniveau.

 

Quelques extraits vidéo de Bouchazoreill

 

 

 

  Félix Jousserand

  D bde Kabal

  Mohammed Rouabhi

  Yo

Compilation BouchaZoreill (Because Music) 14 mai 2007