Dalida, <i>Une Vie</i> en images

Le 3 mai 1987, Dalida se suicidait. Vingt ans plus tard, et à quelques jours de l’ouverture d’une grande exposition à l’Hôtel de Ville de Paris, sortie du coffret Une vie – plus de dix-neuf heures en huit DVD, dont 261 chansons.

20 ans après sa mort

Le 3 mai 1987, Dalida se suicidait. Vingt ans plus tard, et à quelques jours de l’ouverture d’une grande exposition à l’Hôtel de Ville de Paris, sortie du coffret Une vie – plus de dix-neuf heures en huit DVD, dont 261 chansons.

 

Vingt ans après la mort de Dalida, on n’attendait pas grand-chose du côté des disques : Universal sort seulement un coffret de 101 chansons en 5 CDs, compilation sans surprise des catalogues Barclay et Orlando. C’est avec le coffret de 8 DVDs Une vie que l’on aura des surprises : les fans disposent là du coffre à trésors le plus spectaculaire de leur collection, qui rend obsolètes toutes les compilations antérieures et tous les échanges plus ou moins discrets d’enregistrements vidéo sur internet. En plus de dix-neuf heures d’images, voici donc 261 chansons filmées pour la télévision 48 interviews et documents dont le grand public n’avait en général plus aucune trace (il existe également une version abrégée du coffret en 3 DVDs).

Transformation

Ainsi, dès les premières séquences du premier DVD du coffret, un premier instant surprenant : la jeune Dalida de 1958 qui chante un extrait du Barbier de Séville de Rossini d’une voix proche du baryton. C’est la première Dalida, brune aux rondeurs prononcées, au menton carré, au visage curieusement viril. Quand en 1960 elle chante Itsi bitsi petit bikini dans un ensemble de plage vichy, en couettes et ballerines, dans une délicieuse chorégraphie enfantine, c’est encore une jeune femme au physique "normal". Cinq ans plus tard, lorsqu’elle chante La Danse de Zorba à la télévision, elle est devenue blonde et toute mince. Mais elle prendra du temps à libérer un peu ce corps dont elle est absolument souveraine : il faudra attendre vraiment les préparatifs de son Palais des Sports en 1980 (pour lequel les journaux télévisés vont abondamment tourner les répétitions) pour qu’elle dévoile complètement ses jambes et ose même le collant académique couleur chair qui donne l’impression que c’est sa peau qui est semée de paillettes.

Cette histoire visuelle de Dalida est aussi une traversée de sa carrière d’interprète, des chansons écervelées des débuts jusqu’aux tubes disco des années 80. Les premières années, elle sait très bien qu’il y a des gens "qui n’aiment pas mon genre, parce que j’ai un accent, parce que je ne chante pas des chansons littéraires, parce que c’est très populaire". Comment l’ignorer ? Dans cette interview d’octobre 1961, on lui cherche noise sur le montant de ses cachets, le journaliste évoque les chansons "aux paroles difficilement supportables". Elle fait face et brandit ce qui est l’article premier de sa profession de foi d’artiste : "le public a toujours raison".

Profondément populaire

Quelques années plus tard, elle aborde un répertoire plus dense et plus exigeant, symbolisé par sa reprise d’Avec le temps, reprise agréée par Léo Ferré lui-même, dont elle est fière qu’il parle d’écrire d’autres chansons pour elle. Mais, alors, elle doit endurer la lourde ironie des journalistes de télévision sur ses lectures de Freud et Jung ou sur sa passion pour les textes de Teillard de Chardin. Et le coffret Une vie rend justice à ses années 70, au cours desquelles elle va travailler à dissiper la réputation attachée à Bambino ou Gondolier, avec des chansons comme Pour ne pas vivre seul ou Les Choses de l’amour, ou plus tard ses reprises d’Alabama Song de Kurt Weill ou Money, Money de la comédie musicale Cabaret.

Mais c’est aussi une grande vedette populaire qui, comme telle, pratique le meilleur et le pire de la télévision. Pour le meilleur, il y a tous ces instants de fantaisie ou d’émotion suscités par une émission : un playback de Paroles, paroles où Roger Pierre tient le rôle d’Alain Delon, son compère Jean-Marc Thibault surgissant sous le lit dans le rôle de l’amant en uniforme de facteur ; ou un duo avec Petula Clark qui lui demande sur l’air d’Hello Dolly : "Explique-moi comment tu peux vendre tant de disques avec un tel accent" ; ou une saynète très drôle avec Daniel Gélin qui incarne un mari qui ne supporte pas ses musiciens très rock...

Pour le pire, il y a quelques chansons filmées en playback et le vrai manque de glamour de la plupart des réalisations de l’ORTF. Mais, même là, on trouve sous l’anecdote le portrait d’une époque et les lignes de force d’une carrière, comme l’évolution, d’année en année, de Darla Dirladada : la chanson folklorique grecque, enregistrée d’abord avec une certaine finesse, se transforme peu à peu en solide support de fiesta populaire, prélude à son utilisation par Les Bronzés.

Au bout de presque vingt heures de visionnage, l’image d’une Dalida chantant obsessionnellement l’amour avec son sempiternel accent de Calabraise du Caire laisse place à un portrait plus contrasté : la fantaisiste qui danse La Leçon de twist avec Maurice Biraud, la chanteuse folk de Que sont devenues les fleurs de Pete Seeger adapté par Guy Béart en 1962, la jeune femme en quête spirituelle qui dialogue avec Arnaud Desjardins à L’Invité du dimanche en 1969, sa version de Tico Tico juchée sur un énorme gâteau, sommet rediffusé régulièrement à la télévision à partir de 1976, les chorégraphies très Village People de Monday Tuesday… Peut-être pas de quoi absoudre Dalida de tout ce qu’elle a chanté, mais une image plus nuancée, plus intéressante, plus riche.

Dalida Une vie 8 DVDs (Universal) 2007

Exposition à la Mairie de Paris : Dalida, une vie . Du 11 mai au 8 septembre 2007