Guy Marchand
Guy Marchand est de la race des atypiques du Music-Hall français. Une carrière artistique qui zigzague entre ses deux passions, le cinéma et le jazz, qu'il chante au gré de ses étapes discographiques. La dernière se nomme "NostalGitan". Si à l'écran Guy Marchand incarne souvent le personnage du mari jaloux ou du macho de mauvaise foi (quand ce n'est pas les deux ensemble), le chanteur lui ressemble davantage. Propos en demi-teinte.
Crooner manouche
Guy Marchand est de la race des atypiques du Music-Hall français. Une carrière artistique qui zigzague entre ses deux passions, le cinéma et le jazz, qu'il chante au gré de ses étapes discographiques. La dernière se nomme "NostalGitan". Si à l'écran Guy Marchand incarne souvent le personnage du mari jaloux ou du macho de mauvaise foi (quand ce n'est pas les deux ensemble), le chanteur lui ressemble davantage. Propos en demi-teinte.
Vous revenez à vos premières amours, la chanson avec un nouvel album "Nostalgitan", à la sauce swing et jazz manouche...
Oui. Je suis plutôt lent pour écrire des chansons. Il y a quelques années, à une époque imbécile, j'enregistrais beaucoup plus, même si je n'ai jamais composé en fonction du marché du disque. Cet album, c'est comme un parapluie ouvert avec des cravates de toutes les couleurs. Il y a bien sûr des titres que j'ai écrits, des reprises, des incontournables... Le disque le dit bien lui-même. C'est gitan, c'est Django, c'est moi, c'est mon quartier. Celui de Clignancourt, les Puces, mon père ferrailleur, ma jeunesse. On m'a toujours appelé le voleur de poules !
Vous voulez dire que vous picorez de-ci, de-là au gré des répertoires ?
On est tous des voleurs de poules, on vole de la musique américaine sans avoir un respect particulier pour la culture américaine, mais on aime. Ce que je trouve intéressant dans la trajectoire des gitans, c'est la façon dont ils ont traversé l'Europe centrale en chantant "Les yeux noirs" tout en ajoutant du flamenco quand ils sont arrivés en Espagne, pour repasser au jazz lorsqu'ils ont débarqué à New-York, avant de baigner dans le tango... Partout, ils volent un peu. C'est un beau métissage de culture que de chaparder comme cela. C'est le lien de toutes les chansons de cet album, qui valent ce qu'elles valent.
Vous reprenez un titre de Cole Porter "I'v got you under my skin" chanté par Sinatra...
J'ai toujours repris "Ive got you..." avec des big bands, avec des anciens de Count Basie. Il y a trois ans, j'ai chanté du jazz avec Claude Bolling. Maintenant que Sinatra est mort et que l'on ne peut plus se faire casser un bras par la mafia, je ne vois pas pourquoi je ne le chanterai pas. Je fais une analogie entre le baryton léger que Sinatra était et Carlos Gardel. L'un s'appelait La Voz et l'autre The Voice.
Vous rentrez d'Argentine. C'était pour acheter des chevaux ou pour le tango ?
Les deux mon Capitaine. Les chevaux parce qu'ils ne sont pas chers, et puis le tango, bien sûr. J'ai chanté dans une boîte de Buenos Aires un tango en espagnol. Ce sont quand même des sentiments très voluptueux, dans une salle où a peut-être chanté Carlos Gardel ! Lorsque vous avez ce genre de choses dans votre vie, cela alimente l'inspiration. Tout est disparate, tout est kaléïdoscope. Je ne fais pas de carrière, disons que je monnaye mon émotivité.
Le sport et les chevaux comptent beaucoup dans votre vie. C'est une manière de vivre ?
J'aime bien me couler dans le moule, comme dans les films d'ailleurs. A mon époque bordelaise, j'ai découvert le polo. Je m'y suis mis, je suis devenu un bon joueur, mais je n'ai jamais été pris au sérieux par le milieu du polo. J'avais épousé une bourgeoise de Bordeaux, je croyais donc rencontrer des aristrocrates décadents... et finalement, je n'ai trouvé que des petits bourgeois chiants. C'est pas grave. J'en ai tiré quelque chose. Tous les films que j'ai traversés, les genres de vie que j'ai pu avoir ou les sports que j'ai pratiqués comme la boxe ou l'alpinisme, m'ont toujours servi pour mon métier.
Vous avez toujours été à cheval entre la carrière d'acteur et celle de chanteur ?
Mais non, moi j'étais dans l'armée ! J'ai fait la Légion. J'ai écrit "La passionata" pendant une permission, et je l'ai chantée pour la fête de la Légion de Camerone. Lorsque je suis rentré, après toutes les horreurs et les conneries que j'avais vues, je me suis dit que le show-biz était un endroit finalement assez pur. Les comédiens, les artistes en général, même les pires, sont ceux qui mentent le moins... puisque leur métier n'est que mensonge.
La chanson, le jazz, la télé, le cinéma... comment vous situez-vous ?
Comme un artiste qui s'exprime et qui remercie la destinée d'avoir pu le faire de cette façon. Ce qui fait qu'il n'a pas besoin de psychiatre. J'ai enregistré beaucoup de disques, plus qui n'ont pas marché que le contraire. Certains ont bien fonctionné, mais si vous regardez la photo de Salut les Copains (en avril 1966) sur laquelle posent tous les chanteurs français de l'époque, je n'y suis pas. Je n'ai jamais eu le sentiment de faire partie de la classe ou alors tout au fond, près du radiateur. Et même si on m'a donné un Emmy Award à Hollywood en 73 pour "La vie d'Al Jolson", ainsi qu'un César du meilleur second rôle en 82 (dans "Garde à vue"), cela me plaît qu'on ne m'invite pas aux Césars ni aux Victoires de la musique. J'en tire une espèce de singularité assez voluptueuse, je ne sais pas pourquoi.
Vous entamez donc une tournée d'une soixantaine de dates sur les routes de France ainsi que trois dates parisiennes au Bataclan les 4, 5 et 6 février prochains ?
Le disque marche bien, je vais jouer le jeu. Je suis très demandé dans les banlieues insoumises. Je chanterai dans les quartiers suburbains comme Noisy Le Sec et Montrouge, où je remplis les salles. Je vais aller sur les planches. Ce côté futile m'amuse beaucoup. Aller chanter des chansonnettes pour les gens, c'est le théâtre du Capitaine Fracasse. Je suis à cheval, je descends de cheval, je monte sur une scène, je chante, je remonte sur mon cheval, puis je repars.
Il est comment Guy Marchand sur scène ? Il déconne ?
Je raconte vaguement ma vie, je suis de l'école de Paolo Conte. J'aime ce chanteur italien tout comme Gainsbourg. Alors disons que j'aime un peu plus chanter qu'eux, mais je parle aussi. Donc je rêve d'un tour où je pourrais parler sans que la musique s'arrête. A mon habitude, je déconne, je parle de l'existence de Dieu en déconnant. Je suis un philosophe pudique et quand ont est pudique, on déconne. Ça s'appelle de la timidité. Sur scène je fais pareil. Ils viennent voir Marchand, alors je suis moi. Avec toute la prétention que je peux avoir.
Pascale Hamon
NostalGitan (Virgin/Classics)