Anna Karina et Katerine en scène
L’actrice Anna Karina et le chanteur Katerine font l’événement au festival les Voix Si les Voix La de Mâcon en présentant durant le premier week-end d'Octobre, un tour de chant commun: l’ancienne actrice fétiche de Godard découvre la scène et l’auteur-compositeur le plus post-moderne invente un univers parfaitement cohérent pour une femme qui le faisait rêver dans son enfance. Une réussite magnifique, en attendant disque et tournée dans quelques mois.
Création ou retrouvailles ?
L’actrice Anna Karina et le chanteur Katerine font l’événement au festival les Voix Si les Voix La de Mâcon en présentant durant le premier week-end d'Octobre, un tour de chant commun: l’ancienne actrice fétiche de Godard découvre la scène et l’auteur-compositeur le plus post-moderne invente un univers parfaitement cohérent pour une femme qui le faisait rêver dans son enfance. Une réussite magnifique, en attendant disque et tournée dans quelques mois.
Pantalon noir, pull du soir et pendentif doré, Anna Karina habite la scène avec une sorte de bonheur d’enfant. Elle rit comme une gosse, d’ailleurs, et les chansons qu’elle chante ont des airs d’enfantillage, parfois: elle y raconte qu’elle a ses yeux pour pleurer, qu’elle n’aime qu’aimer, que parfois ses rires ne font rire qu’elle…
Anna Karina, ce fut Sous le soleil exactement il y a plus de trente ans pour Gainsbourg, et puis deux chansons écrites par l’écrivain Rezvani (à l’époque, il signait ses couplets Cyrius Bassiak) dans Pierrot le fou de Godard en 1965. Des refrains légendaires, mais jamais de 33-tours sous son nom, jamais de concert (sauf une ou deux chansons pour une apparition pour la sortie d’un film)…
Visage brun légendaire et aura mystérieuse, Anna Karina faisait rêver.
Un jour de l’an dernier, alors qu’elle présentait, en tournée, Après la répétition, la pièce d’Ingmar Bergman, le directeur du théâtre de Châlons-sur-Saône lui dit : «Je rêve de te voir rechanter».
Elle dit merci et oublia – tant de gens lui faisaient la politesse de cette nostalgie... Mais il lui envoya les disques de Katerine.
Katerine, c’est un parangon de post-modernité : il écrit les chansons que l’on aimerait avoir entendues dans les années 60, à la fois pimpantes, fraîches, gaies, légères, et mordantes, vénéneuses sans avoir l’air d’y toucher, libérées des bienséances… Katerine décape la naïveté avec férocité mais douceur – un langage unique dans la chanson française, dont il vient de donner la démonstration dans deux CDs parus en même temps le mois dernier, Les Créatures et L'Homme à trois mains (chez Rosebud-Barclay).
Anna Karina ne connaissait qu’une chanson de Katerine, extraite de son précédent album, Mon cœur balance. En écoutant ses œuvres complètes, elle tombe amoureuse de l’écriture, du ton et des manières de Katerine.
Quant à lui, il rêvait depuis des lustres d’Anna Karina. Ils se rencontrent, parlent, se racontent et douze chansons naissent. Puis Katerine amène Anna Karina sur scène : ce sera au délicieux festival les Voix Si les Voix La à Mâcon. Là, dans le petit théâtre, Anna Karina et Katerine ont donné la semaine dernière la plus belle création de ce début d’année.
D’abord, elle apparaît seule avec trois musiciens attentifs et doux pour chanter Katerine et Gainsbourg : des chansons neuves et d’autres, presque oubliées, de petites plaisanteries qui dévoilent l’âme et des petits déguisements de gamine fidèle à cet âge-là. Elle chante Ma petite Lola, chanson qu’elle a elle-même écrite sur sa défunte petite chienne, des rumbas de Saint-Germain-des-Prés, des valses graves, des cha cha cha à tout petits pas… Charme, légèreté, nostalgie, piquant : Anna Karina est douce à entendre, douce à voir.
Puis Katerine arrive. Il chante avec elle Jamais je ne t'ai dit que je t'aimerai toujours ô mon amour et Ma ligne de chance, les «tubes» de Pierrot le fou, des duos de sa composition (dont Aimons l’amour, chanson taillée pour faire un énorme et durable succès), une extrapolation chantée de la fameuse réplique d’Anna à l’écran «Qu’est-ce que je peux faire, j’sais pas quoi faire», et il se donne le plaisir très décalé de danser, coiffé d’un chapeau de cowboy, tandis qu’elle chante Pistolet Jo de Gainsbourg.
La complicité des deux artistes malgré la différence de génération (Katerine n’était pas né à l’époque de Sous le soleil exactement), la qualité exceptionnelle des arrangements acoustiques, la douceur de toutes les intentions, la fantaisie joyeuse des textes, l’allant d’Anna Karina qui raconte un peu de sa vie de légende entre deux chansons, tout fait de ce spectacle un des plus beaux événements de chanson cette année en France.
Anna Karina et Katerine devraient maintenant enregistrer un disque, qui ne devrait pas paraître avant le printemps 2000, où ils devraient aussi prendre la route pour une vraie tournée. Et le frisson devrait se propager…