Pierpoljak, rasta sans dread
Après avoir largué les amarres vers les Tropiques, Pierpoljak revient trois ans après Je fais c’que j’veux avec un nouvel opus, Stim Turban, toujours made in Kingston, dans les fameux studios de Tuff Gong. Et cette fois-ci, c’est PPJ lui-même qui est aux commandes, faisant groover ses lyrics dans lesquels il raconte trois années de galère. Entretien.
Tout pour le reggae
Après avoir largué les amarres vers les Tropiques, Pierpoljak revient trois ans après Je fais c’que j’veux avec un nouvel opus, Stim Turban, toujours made in Kingston, dans les fameux studios de Tuff Gong. Et cette fois-ci, c’est PPJ lui-même qui est aux commandes, faisant groover ses lyrics dans lesquels il raconte trois années de galère. Entretien.
Vous revenez dans ce monde de fous. Le voyage en bateau a été salvateur ?
Le monde est fou partout. Seul, au milieu de l’océan, ça peut être bien fou aussi. Je reviens plutôt dans les gaz d’échappement, la pollution et le stress parisien. Mais ça va, y’a pire.
Vous repartez à fond dans l’aventure musicale ?
Je ne peux pas faire les choses à moitié. A partir du moment où j’ai décidé de reprendre ma carrière, je le fais. J’aime la musique. Si j’ai arrêté, c’est parce qu’il y avait plus "d’autre chose" que de musique. C’était pénible de subir toutes ces sollicitations qui m’ont fait perdre l’équilibre lorsque le succès est arrivé.
Le succès a été si difficile à gérer ?
Il n’a pas été dur à gérer dans la mesure où je ne l’ai pas géré du tout. 400.000 ventes, c’est flatteur, mais cela fausse les relations avec les gens. Le succès dans la musique vous empêche de rester le même. Ceux qui disent qu’ils ne changent pas mentent. Ou alors ils sont super forts.
Que signifie le titre de ce nouvel album Stim Turban ?
C’est les "Turbans bouillis". En Jamaïque, les turbans, ce sont les rastas extrémistes, avec des principes très stricts. Avec mes copains du groupe, c’est comme si nos esprits avaient trop bouilli et que les turbans étaient devenus trop bouillis. C’est un délire. En fait, c’est Maka, mon guitariste, qui a dérapé en disant ça. Mais, en fait, l’album devait s’appeler Scandal Bag, comme ces sacs en plastique noir qu’on utilise à Kingston pour y mettre tout ce qu’on achète.
Cet album, vous deviez le faire produire par Wyclef Jean. Finalement, vous avez dû vous résoudre à le réaliser tout seul. C’était une pression de plus ?
J’ai besoin d’être le dos au mur pour avancer. Heureusement qu’avec le "Stim Turban", qui est également le nom du groupe, on a une vision commune. Je suis arrivé avec la moitié des chansons sous le bras et on a créé les musiques ensemble, dans un petit local. C’est plus un travail d’équipe que celui du musicien qui débarquerait de Paris avec ses euros et dirait "Fais-moi un riddim".
Cet album, n’est-ce pas l’histoire de votre vie ces dernières années ?Dans mes chansons, je raconte toujours ma vie. Je dis toujours que les meilleures interviews, c’est d’écouter l’album. Si on l’écoute attentivement, on en saura plus sur moi qu’en lisant toutes les interviews. C’est clair.
Vous avez écrit une chanson qui s’intitule J’embrasse mes dents. Quelle est sa signification ?
J’embrasse mes dents, c’est tous les trucs qui m’embêtent dans ma vie. Je suis un contestataire né, mais je ne veux pas faire le Che Guevara, je ne suis pas un chef de parti. Je dis ce que je pense, ce que je vois.
C’est un album "roots" mais qui sonne très "variété". Vous êtes adepte des extrêmes ?
Je ne passe pas en radio, personne ne veut me programmer, mais c’est vrai que mes chansons sont comme ça. Pierpoljack, c’est un Français qui chante du reggae music en français. Mais moi, je ne vais pas piquer toutes les mélodies de mes collègues jamaïcains. Je préfère faire les miennes.
Comment voyez-vous cette génération des Sinsimilia, Tryo, Noah… qui font aussi le reggae français ?
Je ne prétends pas occuper seul le créneau. Mais ici, il y a seulement deux vrais chanteurs, c’est Nuttea et moi. Noah, je ne le classe pas dans le reggae music, mais s’il donne de bonnes vibes au public, c’est bien.
Quatre albums à votre actif enregistrés dans le mythique studio de Tuff Gong. Comment vous perçoivent les Jamaïcains ?
Très bien. Surtout lorsqu’on est un artiste qui vient avec ses chansons sous le bras, qui aime le reggae, qui a envie de chanter, qui est est volontaire, passionné. Ils adorent ça. Vous savez, les Jamaïcains sont super accueillants, très civilisés, fiers de leur culture. Que la musique de leur île rayonne dans le monde entier, que des artistes viennent faire des albums chez eux, ils ne voient pas ça d’un mauvais œil. Ce n’est pas comme si on venait les piller. Ils sont contents car c’est eux qui rayonnent à travers nous. Et moi, dans mes disques, j’ai la Jamaïque. C’est pour ça qu’on s’aime bien eux et moi.
Pierpoljack Stim Turban - Barclay/Universal Music 2003