Sapho

On ne pourra pas accuser la troublante Sapho d'avoir pris l'Orient Express en marche. Alors que tous d'Enrico Macias à No Mans Land redécouvrent les vertus de la musique du Maghreb, Sapho poursuit son petit bonhomme de chemin avec la tranquille assurance de celle qui sait. Qui sait ce qu'elle chante quand s'éveille la médina où "Y'a que les cris des gens et de leur tambours".

'La Route Nue des Hirondelles' annonce le printemps.

On ne pourra pas accuser la troublante Sapho d'avoir pris l'Orient Express en marche. Alors que tous d'Enrico Macias à No Mans Land redécouvrent les vertus de la musique du Maghreb, Sapho poursuit son petit bonhomme de chemin avec la tranquille assurance de celle qui sait. Qui sait ce qu'elle chante quand s'éveille la médina où "Y'a que les cris des gens et de leur tambours".

Oscillant entre andalouseries des guitares acoustiques (Simon, Bendahan, Vicente Alamaraz, Nicky Haimo et Tomas Gubitsch) et la voix de loukoum de Sapho, sucrées et acidulées, l'oreille de l'auditeur se laisse bercer avec les premières chaleurs du printemps. Cette bouille de piaf au sourire carnassier vocalise sur les volutes endiablées de ses guitaristes. Et c'est Marrakech sur un plateau, celui de votre platine.

Si le côté baroque, un rien ampoulé, de "La Route Nue des Hirondelles" peut déplaire, Sapho montre qu'elle sait jouer aussi de la sobriété à merveille. Et avec le concours de Léonard Cohen, on entend une version séduisante de "La Chanson de l'Étranger" (The Stranger Song). Remarquablement adaptée en français par Sapho.

Non contente de nous bercer de ses chaudes mélopées, Sapho revient aussi avec un livre "Beaucoup autour de rien" (Calmann-Lévy). Un essai où la native de Marrakech décrit l'atmosphère de cette ville où elle réside une partie de l'année. Elle y livre pèle-mêle ses sentiments, ses pensées les plus hétéroclites sur la vie, la mort ou la présence de myriades d'oiseaux migrateurs sur le toit de sa maison. Elle y jette sans ménagement ses états d'âme. Avec une question redondante sur l'amour de l'autre. "Lorsque quelqu'un aime, il est si fort, son arc entoure et n'enferme rien". "Tu M'aimes ? J'ai posé une question de prochaine victime et je n'aurai pas l'offrande suprême, les trois pétales les mots qui vous couronnent pour un quart d'heure, un jour, une semaine parfois selon comment, quand et où ils sont dits".

Parfois entre les lignes, on devine des douleurs plus vives qui ne se refermeront probablement pas : "J'aime ma mère, toute violente qu'elle fut. Sa violence m'a permis de soutenir ce que j'avais à soutenir Mais cette même violence m'a interdit l'accès à ma descendance".

Grave et insouciant à la fois. Parfois sinistre mais souvent enthousiasmant, l'univers de Sapho est complexe et on ne sait si on doit le prendre d'un seul bloc ou le boire à petit gorgées, comme un thé à la menthe.

 

 

Sapho La Route Nue des Hirondelles (Celluloid / Mélodies) 1999
Beaucoup Autour de Rien (Calmann - Lévy) 180 p