Michel Polnareff se livre
Une autobiographie. Telle est l'actualité concrète de Michel Polnareff, un artiste au sujet duquel les nouvelles jonglent souvent entre rumeurs et effets d'annonce. À travers ce livre, Polnareff par Polnareff, récit choisi d'une vie douloureuse et géniale, le musicien fantôme annonce son retour en scène et un nouvel album pour 2005.
Une autobiographie et quelques bruits
Une autobiographie. Telle est l'actualité concrète de Michel Polnareff, un artiste au sujet duquel les nouvelles jonglent souvent entre rumeurs et effets d'annonce. À travers ce livre, Polnareff par Polnareff, récit choisi d'une vie douloureuse et géniale, le musicien fantôme annonce son retour en scène et un nouvel album pour 2005.
Comme tout ce qui vient de Michel Polnareff, cette autobiographie co-écrite avec le journaliste rock Philippe Manoeuvre, fut annoncée de longue date puis attendue avec frénésie. Sortie le 24 novembre dernier, Polnareff par Polnareff se classe dans les meilleures ventes des libraires. Sous une couverture très glam rock, peu de révélations inédites mais un texte souvent sensible, parfois drôle, très documentaire sur le showbiz des années 60 et 70.
La seule clé un peu neuve sur l'homme Polnareff se situe au début de l'ouvrage, récit inédit d'une enfance qui fait mal et dont, toute sa vie, Michel Polnareff a tenté de s'extirper. "J'ai eu une enfance dure. Très dure." Côté face, son père Léo Poll est compositeur pour Piaf ou Vian. Côté pile, il fait régner la terreur sur sa petite famille. "Il aurait dû être sténodactylo, jamais une faute de frappe." Le quotidien du jeune Michel est ponctué de coups : "J'ai appris le solfège à la schlague." Aimer West Side Story ou Johnny Hallyday lui valent des corrections : "Musique trop moderne !" Selon Polna fils, son père a "tout fait pour empêcher [son] succès". "Depuis, ma survie, c'est d'être tout le contraire de mon père."
Ce que raconte ce livre, c'est que le musicien s'est construit sur des douleurs : l'enfance ("Partir de chez mes parents fut une naissance. Sûrement la vraie."), le complexe d'un physique chétif, souvent moqué, l'épreuve de l'escroquerie financière et de l'exil américain en 1973, puis une double cataracte qui a failli virer à la cécité jusqu'à la salvatrice opération de 1994 ("Je n'ai jamais eu aussi peur de ma vie"1). Depuis, Polnareff mène une quête éperdue pour se libérer de ses fantômes et s'épanouir. La musique fut une bouée de sauvetage, un lien permanent avec un public férocement attaché à l'artiste et que Polnareff place aujourd'hui au coeur de son discours. Telle une famille aimante.
Soul noire et métal blanc
"Sur mon prochain disque, inconsciemment, je crois parvenir à faire fusionner plusieurs périodes de Polnareff ", annonce le musicien dans son livre. N'ayant rien donné à écouter depuis le single Je rêve d'un monde en 1999, un titre lyrique et intemporel ("Je rêve d'un monde sans guerre et sans misère"), Polnareff fait planer le mystère sur la réalité de sa production musicale. Le dernier album original, Kama-Sutra, fut un carton en 1990 (près d'un million d'exemplaires). La pression est donc immense. Mais dans une entrevue accordée à la radio RTL le 11 novembre 2004, Polnareff assène : "La création est intacte !" Il complète en affirmant n'avoir "jamais composé plus ni mieux" et que son souci est "d'être synchrone avec le public". "Mon prochain album, je le fais plus pour le public que pour moi", écrit-il d'ailleurs dans le livre en précisant que ses nouvelles chansons iraient "de la soul la plus noire au métal le plus blanc". Sur ce disque, annoncé par certains pour mars 2005 (ou septembre…), l'artiste affirme qu'aucun musicien ne l'accompagne. Album solo. Album solitaire.
Au delà du mystère qui entoure ce disque, l'annonce d'un retour sur scène est la vraie inconnue, de l'ordre du fantasme, sans doute autant pour Michel Polnareff que pour le public. Il se donne "un an". Stade de France ? Olympia ? Tournée ? La certitude est que le musicien ne devrait pas avoir de mal à remplir l'espace choisi. L'attente est telle que, même avec un disque décevant, le public se déplacerait pour voir celui qu'on ne voit jamais, sinon sur quelques photos fugaces et volées. Dans son livre, Michel Polnareff évoque le travail physique, la musculation pour être en forme en vue de la scène. "Plus du tout d'alcool, beaucoup, beaucoup de sport". Mais un retour sur une scène européenne après trente ans d'absence a de quoi paralyser un artiste, très sujet au trac, qu'un accueil critique risquerait de faire fuir pour toujours.
Décoiffer les chauves
La seule scène sur laquelle Polnareff se montre de temps en temps est son site Internet, polnaweb.com, sa "ligne téléphonique personnelle avec le public". Depuis 1997, sous le surnom de "l'amiral", il apparaît via de rares messages. Le 9 septembre 2003, il annonçait : "S'il y en a que ça intéresse, mon prochain album va décoiffer, même les chauves." Évoquant sa haine de Bush ou sa peine après la mort de Marie Trintignant, il s'adresse à ses compagnons de forum par un très électoral "Polnareffiennes, Polnareffiens". Pas de réel dialogue en fait. En revanche, les fans, parfois très jeunes, laissent de vingt à trente messages par jour.
Désiré comme jamais, attendu, épié, Michel Polnareff passera-t-il à l'acte ? Ou restera-t-il, comme il l'a dit, "la plus grande Arlésienne de l'histoire", au risque de se perdre dans un passé peu actualisé. Monter sur scène serait le meilleur moyen de prouver qu'à 60 ans, il est un musicien d'aujourd'hui, bien vivant, ressuscité de mille morts, qui regarderait son public en direct. Les yeux dans les yeux.
Michel Polnareff Polnareff par Polnareff (Grasset) 2004
1 Entrevue réalisée pour Canal + en 1996, disponible en intégralité sur le site de Michel Polnareff : www.polnaweb.com/zzyzx.htm.