Le drôle de blues d’Orly Chap’

Le deuxième album d'Orly Chap', Ma lueur clown, confirme son talent hors norme, son écriture sardonique et sa voix singulière.

Ma lueur clown

Le deuxième album d'Orly Chap', Ma lueur clown, confirme son talent hors norme, son écriture sardonique et sa voix singulière.

Une voix rauque et un peu nasale, une manière très personnelle de tordre la langue française comme si elle était tout entière constituée de diphtongues, des histoires de vertige amoureux, des autoportraits sur le fil du rasoir… Orly Chap’ est un personnage à part dans le paysage de la jeune chanson française. Tantôt, on la compare à Hubert-Félix Thiéfaine, tantôt on cherche à débusquer chez elle la trace de ses grandes admirations – Dominique A, Arthur H, Gérard Manset… Elle vient de sortir son deuxième album, Ma lueur clown, aux étonnantes couleurs de blues acoustique sophistiqué. Sarcastique, ironique, elle malmène l’amour – "le grand, le niais" – et bien d’autres sentiments avec une santé féroce.

Musicalement, ses goûts quotidiens la portent vers la musique anglo-saxonne (The Kills, Clap Your Hands Say Yeah, Alela Diane), parfois même faite en France (Moriarty). "J’aime passer de temps sur les Myspace, à découvrir de nouveaux groupes, mais j’ai aussi des périodes pendant lesquelles je n’écoute que du Barbara ou du Juliette Gréco." Cela pose évidemment la question de ses influences et – ce qui est courant chez les jeunes artistes – de la manière de s’en débarrasser. "J’ai toujours agi de façon très instinctive. J’écris de manière automatique. On peut trouver des influences dans ce que je fais, mais ce n’est pas réfléchi. Je ne pense pas m’être battue contre moi-même pour y échapper. Mais j’aimerais être plus rock’n’roll. Il y a un côté blues sale dans ce que je produis, mais je ne suis pas assez forte à la guitare électrique pour être plus rock."

Chanteuse plutôt que papesse

Orly Chap’ s’en donne le temps : à trente-deux ans, elle ne s’imagine pas d’autre vie que dans la musique. Une autre ambition ? Enfant, elle a voulu être papesse ("je ne sais pas quel rêve j’avais fait"). Elle est venue au monde "dans une ferme au bord de la mer", dans le village natal de Bernard Hinault, entre Saint-Brieuc et Rennes. A Noël, elle reçoit un mange-disques avec le 45 tours du Papayou de Carlos. Puis elle bifurque vers le rock. A la fin de l’adolescence, c’est Paris : "J’ai fait des ateliers de musique et des ateliers d’écriture qui m’ont beaucoup stimulée et m’ont fait découvrir le répertoire – Boris Vian, Juliette Gréco, Mouloudji. J’ai découvert qu’on pouvait raconter des choses par le biais des textes. J’ai décidé d’écrire dans ce sens-là – un chemin étroit mais avec de la place pour tout le monde. Je ne me suis pas posé vraiment de questions."

A l’aube des années 2000, elle est un des chocs d’une nouvelle chanson féminine débarbouillée des pudeurs, des complexes et des fureurs de la génération précédente. Le métier la découvre le même après-midi d’avril 2001 que Jeanne Cherhal aux Découvertes du Printemps de Bourges. Elle est alors un ovni absolu, tout en angles et en failles, aussi teigneuse que malhabile. Son premier album prend du temps à venir. Quand sort Bouille de lune en 2005, elle "porte certaines des chansons depuis dix ans". Entre l’adolescence et l’âge adulte, entre des tentations musicales éparpillées, entre son fort tempérament et la construction d’un groupe de tournée, des énergies se diluent, des intentions se brouillent. Le premier disque n’atteint pas les 6000 exemplaires vendus.

Liberté artistique

Paradoxalement, c’est une chance. Petit budget de production, liberté artistique entière : l’écriture et la réalisation de Ma lueur clown sont beaucoup plus sereines que pour le précédent album. Orly explique : "Je suis venue voir les deux réalisateurs avec mon banjo, j’ai joué les chansons et ils m’ont dit : 'c’est blues'. L’album s’est réalisé de manière très ludique, très agréable. On a eu besoin de peu de mots pour communiquer. C’est un disque fait très rapidement et très sainement."

Côme Aguiar et Fabrice Laureau centrent tous les arrangements sur des guitares, des banjos, des ukulélés, des percussions (crayons, cuillère, canette de Coca, précise le livret de l’album), une production sobre, crue, droite. Peu de détails, mais chacun est porté au premier plan, ce qui élargit immédiatement l’univers de chaque chanson. Orly Chap’ se prépare à donner les concerts qui préludent à sa prochaine tournée française, début 2009. "J’ai hâte de partir en tournée, dit-elle. Après toute la phase d’introspection nécessaire à la création de l’album, la scène est une seconde vie."

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avec Orly Chapp

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avec Orly Chapp

Orly Chap’ Ma lueur clown (Polydor/Universal) 2008
Le 19 décembre à Paris (Bellevilloise), le 22 janvier à Paris (Café de la danse).