Wasis Diop, à l'écoute des images
Le cinéma est la terre d’élection de Wasis Diop: parfois acteur, le musicien sénégalais a surtout écrit la musique d’une dizaine de films, dont celle du Sifflet, court métrage de As Thiam qui est présenté sur le marché du film de Cannes 2004. Pendant le festival, sa musique est à l’honneur sur les bornes d’écoute de la Croisette, en même temps que celle d’autres compositeurs célèbres comme Lalo Schifrin, Joe Hisaishi, ou Maurice Jarre.
Trois musiques de films du musicien sénégalais en 2004
Le cinéma est la terre d’élection de Wasis Diop: parfois acteur, le musicien sénégalais a surtout écrit la musique d’une dizaine de films, dont celle du Sifflet, court métrage de As Thiam qui est présenté sur le marché du film de Cannes 2004. Pendant le festival, sa musique est à l’honneur sur les bornes d’écoute de la Croisette, en même temps que celle d’autres compositeurs célèbres comme Lalo Schifrin, Joe Hisaishi, ou Maurice Jarre.
Avant de connaître le succès avec la musique, Wasis Diop a commencé comme acteur dans Badou Boy (1970), un des premiers films de son frère réalisateur, Djibril Diop Mambéty. Il jouera encore occasionnellement, dans Les princes noirs de St Germain des Près (de Ben Diogaye Beye, 1975), Le onzième commandement (Mama Keita, 1998) et Fleurs de sang (Myriam Mézières, 2002).
En 1992, il passe à la composition pour un autre film de son frère, Hyènes (Ramatou en wolof), devenu depuis un classique du cinéma africain. Les projets s’enchaînent : il écrit non seulement pour le cinéma (une dizaine de films dont TGV, la Petite vendeuse de soleil, Ndeysaan-Le prix du pardon, Djogo-Les couilles de l’éléphant) mais aussi pour la télévision (une vingtaine de documentaires, des téléfilms etc).
En hommage à son talent, le cinéma MK2 Bibliothèque, à Paris, l’a invité en mars 2004 à jouer en direct la musique de Hyènes. MK2 diffuse aussi sa musique sur les bornes d'écoute de la Croisette pendant le festival Cannes.
Wasis Diop vient de terminer la musique d’Amours d’enfants de Ben Diogaye Beye et travaille sur le long métrage de Sylvestre Amoussou, Africa Paradis. Il nous parle de sa conception de la musique de film et sa relation à l’image:
RFI Musique : Pourquoi écrivez-vous des musiques de films, en plus de vos albums de chansons? Quelles sont les différences entre les deux ?
Wasis Diop : J’ai la prétention d’être le premier musicien africain à faire des musiques de film et surtout à avoir une démarche d’écriture cinématographique qui n’a rien à voir avec le travail de chansons: on doit retracer l’émotion, la réalité, ce que ça projette comme vision. Ca donne une liberté rare, qu’on ne peut pas avoir dans la construction d’une chanson formatée à 3’30. La musique de film permet d’aller là où on n’oserait pas aller en faisant un disque: le cinéma permet d’ explorer le monde, l’émotion, la vision, les couleurs, aux antipodes du travail du disque.
J’ai commencé à faire de la musique aux côtés de mon frère Djibril, ce qui fait que mes chansons sont marquées par l’aspect visuel. A force d’être sur les plateaux, de faire des repérages, commenter des scènes, regarder les angles, j’ai une déformation: je fais des panoramiques avec mes chansons. C’est pour ça qu’on vient me voir, parce qu’il y a quelque chose de cinématographique, de très imagé dans mes chansons.
Comment choisissez-vous d’écrire la musique d’un film ?
Pour ne parler que des films africains sur lesquels j’ai travaillé, il y en a deux qui me tiennent à cœur parce qu’il y avait une véritable démarche cinématographique, parce que la musique y jouait un vrai rôle: Hyènes et TGV. Parfois j’accepte aussi de faire la musique pour aider, car une musique peut sauver un film. Dans les productions africaines, il y a souvent des problèmes de montage, on voit le manque d’argent. Certains réalisateurs confondent parfois la musique qu’ils aiment, le reggae, par exemple, et la musique du film, qui doit être différente, sinon elle écrase le film, banalise le propos.
La place des compositeurs africains dans le cinéma est-elle suffisamment reconnue ?
J’ai une chanson (Everything ...Is Never Quite Enough) dans un film d’Hollywood, l’Affaire Thomas Crown. Cette production avec Pierce Brosnan recrée une séquence mythique du film original: la partie d’échec entre Steve Mc Queen et Faye Dunaway. La séquence est importante et ils ont choisi une musique africaine pour l’illustrer. Ca veut dire à quel point notre sensibilité, notre manière de regarder le monde, de l’accompagner en musique, est universelle. Notre compréhension de la mélodie et de l’harmonie s’adapte tout à fait au monde d’aujourd’hui. Et aux USA, quand on cherche quelque chose, c’est la personne qui détient cette chose qu’on va prendre. C’est ce que j’aime dans l’Amérique, en matière de création, en tout cas.
Y a-t-il des réalisateurs français pour lesquels vous aimeriez travailler ?
Il y a une de mes chansons dans un film d’André Téchiné, Alice et Martin. Je trouve que le cinéma français a perdu quelque chose au niveau de la tonalité de ses acteurs. J’aime les films en noir et blanc, avec Gabin, Jouvet etc. Je suis scotché par la musicalité des voix de ces acteurs français qui sont aujourd’hui dans autre monde ou à la retraite. On peut fermer les yeux et écouter les dialogues, c’est formidablement musical. J’aurais aimé vivre en ce temps là pour accompagner musicalement ces acteurs. Je me souviens d’une conférence de presse d’Orson Wells - je venais d’arriver à Paris -, il disait que quand il faisait un casting, il fermait les yeux, il était plus à la recherche d’une tonalité vocale que d’une expression physique. On ne fait plus attention à la voix, à l’expression du texte.
Votre musique présente à Cannes : une reconnaissance ?
Cannes est un territoire cinématographique légendaire! C’est un festival qui commence à être visité par l’Afrique, où les musiques de films sont reconnues. Il y a eu des hommages à de grands compositeurs, Enio Morricone, John Williams, et maintenant elle s’ouvre à la musique africaine, je trouve ça formidable. L’opération d’une maison novatrice comme MK2 permet de sortir des sentiers battus, de montrer l’Afrique sous un autre aspect, la musique de film.