Nouvelle livraison de l'ONB
La bande de l'Orchestre National de Barbès continue son chemin. Autour d'elle, la légende se construit. Ils sont les fers de lance du renouveau maghrébin sur la scène musicale française et urbaine. Avant eux, il y avait comme une fatalité à n'écouter que du raï bizness.
Le rêve continue…
La bande de l'Orchestre National de Barbès continue son chemin. Autour d'elle, la légende se construit. Ils sont les fers de lance du renouveau maghrébin sur la scène musicale française et urbaine. Avant eux, il y avait comme une fatalité à n'écouter que du raï bizness.
En fait, on ne sait jamais pourquoi le hasard fait bien les choses. Pourquoi par exemple à tel moment précis de l'histoire, des musiciens aguerris, venant tous d'horizons différents, parfois issus de cultures légèrement opposées, vont se retrouver dans un quartier parisien, estampillé immigré et pauvre, pour fomenter une fusion énergique qui saura fédérer la France entière, toutes communautés confondues, avec une forte inspiration maghrébine pour "la marque de fabrique". A défaut de réponse, la fameuse diatribe du hasard qui arrange tout le monde revient dans les commentaires. Mais là n'est pas l'essentiel heureusement. Car ce qui tue chez l'ONB, c'est d'abord leur groove final. Un plan d'enfer pour producteur en mal d'idées. Sauf que leur groove à eux demeure authentique et contamine assez vite. C'est ce que revendique en premier leur dernier album, "Poulina", sur lequel ils alignent quelques perles rares, mariant avec un plaisir inégalé l'esprit de la tradition au speed urbain qui gagne. "Nabina", "Lemouima", "Poulina". La magie opère dans l'ensemble. Ce qui surprend peu lorsqu'on connaît la force du groupe.
Sur scène, ils déploient une telle dynamique du bonheur que peu de gens y résistent. Témoin, leur premier album. Une live session vendue à plus de 100.000 exemplaires. Et on ne compte plus les tournées. En Europe et ailleurs, ils sont devenus les hérauts d'une scène musicale française qui prêche le dialogue et la fusion des sons. Les tendances ne durent pas toujours, nous le savons. Mais l'ONB, avec quelques groupes amis, en a quand même lancé "une" au passage, qui a complètement démantelé le triomphe du raï bizness en France. La tendance gnawi, on l'appelle. Un état d'esprit et une pratique de la musique qui viennent confondre leur trajectoire avec celle des anciens esclaves du Maroc. La devise : le son réunit les hommes, guérit les maux et soigne les esprits… Rien de plus universel comme langage. Une philosophie de la tolérance et surtout un ensemble de sonorités qui ont fini par contraindre la plupart des maisons de disques françaises à vouloir désormais posséder chacune sa formation d'inspiration gnawi.
Ce serait pourtant une erreur de vouloir cantonner les allumés de l'ONB à un seul genre. Car ils sont surtout des mélangeurs de sons. Dans leurs bottes magiques, on trouve de tout. Du raï trab, du funk, du chaâbi, du jazz, du kabyle entraînant, du reggae dance-hall… Deux éléments leur sont essentiels pour faire mousser la recette. Le dosage délicat entre les sons du Maghreb et ceux du reste du monde. C'est leur secret, nous ne goûtons qu'au mixage final. Ensuite, il y a leur discours qui refuse les étiquettes. On peut les retrouver sur les bacs world music, en traditionnel revisité, en fusion futuriste, en rock décalcifié… Ils en rigolent. Pourquoi s'étrangler alors que leur son est absolument passe-partout.
L'Orient reconnaît en eux le prolongement d'une histoire fantastique qui a dû transiter par l'Andalousie, l'Afrique se laisse happer par une ambiance maghrébine qui assume pleinement ses racines noires, l'Amérique risque d'être transportée par l'espéranto musical qu'ils représentent. Leur savoir-faire ou devrions-nous dire simplement, leur talent cause à tout un chacun. Nul doute que le rêve va continuer. Reste à savoir jusqu'où la légende peut aller. Celle qui raconte en français dans le texte l'histoire d'une bande de garnements qui ne se prennent pas au sérieux (sauf quand ils travaillent?), qui se sont rencontrés à la Goutte d'Or alias Barbès la mal-aimée (leur mythe fondateur) et qui tiennent plus que tout à leur indépendance.
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ONB Poulina Virgin (1999)