Les grands travaux de Passi

Passi ne relâche jamais la pression. Après une année 2003 qui a vu triompher sa compilation Dis l’heure de Zouk (deux singles successifs n°1 des ventes), il attaque 2004 avec un DVD qui retrace sa carrière, 30 ans chrono et un troisième album solo à paraître, versatile et percutant, sur lequel on croise Jacob Devasrieux, un ancien des Platters et bien sûr, la clique d’artistes affiliés à son label, Issap Production.

Interview d'un boss

Passi ne relâche jamais la pression. Après une année 2003 qui a vu triompher sa compilation Dis l’heure de Zouk (deux singles successifs n°1 des ventes), il attaque 2004 avec un DVD qui retrace sa carrière, 30 ans chrono et un troisième album solo à paraître, versatile et percutant, sur lequel on croise Jacob Devasrieux, un ancien des Platters et bien sûr, la clique d’artistes affiliés à son label, Issap Production.

Il semble exister un concept général, un lien entre tes trois albums, une sorte de continuum…
Plus tu évolues, plus tu te rapproches de tes origines. Quand tu es jeune, par exemple, les dîners avec les parents, tu t’en moques un peu, mais ensuite, quand tu deviens parent toi-même, tu veux ces Noëls-là, où tout le monde est réuni, où le courant passe, de génération en génération, par rapport aux racines et aux origines. Quand j’ai compris cela, je me suis dit que plus j’allais évoluer, plus j’allais reculer dans le temps, parce que c’est comme cela que tu sais d’où vient la vie et que tu la comprends. Donc il y a eu Les Tentations, les tentations du bien, du mal… Chacun prend sa décision. Avant ça, il y a eu la création de la planète, donc La Genèse, les continents se sont créés. Et encore avant, il y a eu le Big Bang, l’explosion du système solaire… Je cherchais un titre autour de cela. Odyssée résumait bien tout ce concept. J’ai terminé ma trilogie, je suis allé au bout du concept que je m’étais fixé pour ces trois premiers albums.

Dans ce DVD, comme sur le disque, tu regardes beaucoup en arrière, comme s’il fallait aujourd’hui marquer une borne…
30 ans chrono, Odyssée, on peut le voir comme un recul, mais aussi comme une avancée de tout ce qui s’est fait en quinze ans de carrière. Ces quinze ans de rap m’ont apporté énormément, j’ai rencontré beaucoup de gens, des chanteurs, des rappeurs, j’ai fait aboutir plusieurs projets, avec des gens de France, d’Afrique, des USA… Il y a une alchimie qui s’est créée à chaque fois. Certains sont présents sur cet album. Il y a Jerykah, qui était sur Dis l’heure de Zouk. Peeda, qui était sur mon précédent album. Les Sales Gosses, qui sont signés chez Issap. Linsha, la “first lady” d’Issap, qui sera notre prochaine sortie. Des producteurs comme Fox, Niko Noki, les frères Waku, Maleko. Et puis en featuring on trouve J-Mi Sissoko, un fidèle, comme Stomy.

Ta frénésie de production peut-elle s’expliquer par le malaise du marché du disque ? Face à la récession, tu as choisi l’offensive ?
J’ai eu envie depuis le début de courir dans les studios, de bousculer des gens. Si tu ne bouges pas tes fesses pour aller au bout d’un projet, jamais il ne se fait. Donc il faut mettre les bouchées doubles. Toutes ces rencontres m’ont apporté plus de propositions sonores, plus d’idées. Je me dis qu’on peut faire ça, et ça, parce qu’on a acquis aujourd’hui deux ou trois méthodes pour le faire. Auparavant, je n’aurais pas pu, parce que c’était tout nouveau. Il fallait qu’on se monte, qu’on se rode. Ça fait deux ou trois projets qu’on a sorti, Bideew Bou Bess (1), les Dis l’heure. Certains ont marché, d’autres moins, mais on commence à savoir où l’on peut prendre des risques, et où l’on ne peut pas en prendre. Tous mes artistes sont en ce moment en studio, on travaille sans interruption pour engranger les morceaux et pouvoir ensuite choisir ce qui mérite de figurer sur les albums de Linsha, des Sales Gosses, de Lorenzo Raphael.

Tous les gens de ta génération qui ont eu des velléités de faire des labels, les B.O.S.S., 4 My People, La Cosca, n’ont pas sorti grand chose en plusieurs années d’exploitation.
Le marché est devenu difficile pour tout le monde, il y a de plus en plus de gens qui sont rentrés dans le créneau rap et r'n'b, il y a des grosses maisons de disques qui imposent leur force de marketing. Il y a les “Star Academy” qui viennent toucher le cœur du public jeune, un public qui aurait plus de facilité à aller sans cela, vers le rap. Il y a l’Internet. La donne a changé. Le truc, c’est de rester productif: notre métier, c’est de faire des morceaux, chaque morceau est comme un rêve qui se réalise. Il faut que tous les acteurs de ce mouvement se rendent compte que les albums à tant de millions, c’est fini! Je suis pour faire des petits projets, bien réfléchis. Et puis il faut qu’on trouve une solution pour internet, parce que ça nous fait mal. Moi j’ai un slogan: “un morceau : un €uro”! On va vendre au détail! Ça attaque le cinéma, la musique, tous les corps de métier. Il faut trouver une solution avant qu’il ne soit trop tard.

As-tu l’impression de toujours t’adresser aux jeunes? Sur Odyssée, ce sont des morceaux d’un homme de 30 ans. Tu fais du rap adulte, qui peut parler de paternité, d’amour et des femmes d’une manière plus sage...
J’ai toujours fait des chansons mûres, adultes, matures. Bisso, c’était mûr, mature, adulte, Les Tentations également. Ce n’est pas me trahir que d’écrire comme ça. Je pense qu’un gars dans la rue peut comprendre certains de mes textes, et puis un gars dans un bureau, ou un enfant peuvent le faire aussi. Ce sont des trucs vrais, j’essaie de parler en tant qu’être humain. Le truc de base, c’est quoi? L’amour, de tes parents, de tes enfants si tu en as. Comment tu en parles, quand tu es chez toi, en chaussettes? C’est là qu’on trouve les vérités. Ce qui reste, ce sont les morceaux qui ont une vraie teneur. Les chansons de Bob Marley, par exemple, on dirait qu’il les a faites hier! Ses albums restent. Je ne sais pas si je vais réussir, mais je vais essayer de faire des morceaux qui durent. Auparavant, j’ai fait des choses dans quantité de styles différents. Là, j’ai voulu prendre deux années pour faire quelque chose de bien écrit. Notre devise, du temps du Ministère Amer, c’était: “une musique bien pensée, sur un son qui donne envie de se dépenser”!

Avec Annuler la dette, tu deviens clairement militant !
C’est la suite du Ministère, on est fier d’être ce qu’on est, on milite pour d’où l’on vient. L’annulation de la dette, c’est un vrai combat. Il y aura bientôt sur le marché un DVD du Bisso, avec tous les voyages en Afrique qu’on a fait et des témoignages sur les problèmes qui sont là-bas. Ces pays-là seraient redevables? De quoi? Faut pas exagérer! Quand on a un minimum de jugeote, on ne peut que militer pour annuler la dette. C’est un message qui peut nous faire espérer sauver quelques vies, arrêter quelques guerres. Il faudra bien qu’un jour ce sujet soit mis sur la table. C’est un morceau dont je suis fier, il est écrit simplement, sans trop d’effet, mais avec beaucoup d’images. De faits historiques. J’ai aussi repris Combattant de Zao. C’est un peu dans la même ligne: avec l’Irak, la Côte d’Ivoire, le Congo, il fallait appuyer. Je vais souvent en Afrique, je sais qu’ils vont écouter mon album là-bas et ces deux morceaux-là, ils vont les entendre.

En plus de tes multiples activités liées à la musique, tu t’attaques au cinéma ?
J’ai déjà réalisé quelques clips, mon DVD, et celui du Bisso. J’aimerais, dans une dizaine d’année réaliser un film, comme je suis arrivé aujourd’hui à réaliser des albums. Je sais ce qu’être devant et derrière une caméra. J’ai tourné dans tous mes clips, ça commence à en faire. Je sais ce que c’est de jouer. Il faut que je prenne quelques cours de théâtre pour affiner ma gestuelle, m’améliorer et puis jouer, jouer pour réaliser ensuite. J’ai joué dans une série policière française qui tourne en Afrique et puis j’ai fait un premier rôle dans un long métrage en cours de post-production dont j’ai fait aussi la B.O. Je suis sur un autre très gros projet. J’ai besoin de m’éclater pour avancer, je veux allier mon message, mon délire, mon biz et faire manger les gens autour de moi.

DVD : 30 ans chrono
Album : Odyssée à paraître le 29 mars