Bénabar en tournée

Quelques mois après la parution de l’album Les Risques du métier, Bénabar est de nouveau en tournée, avec un succès qui ne se dément pas. Coup d'œil sur l'artiste en scène puis discussion au coin du micro.

Le triomphe continue

Quelques mois après la parution de l’album Les Risques du métier, Bénabar est de nouveau en tournée, avec un succès qui ne se dément pas. Coup d'œil sur l'artiste en scène puis discussion au coin du micro.

Depuis la sortie de Bénabar à l’automne 2001, sa trajectoire n’a cessé d’être continûment ascendante. Tournées incessantes, Olympia en octobre 2002, sortie de l’album Les Risques du métier au début de l’été et depuis, des salles combles partout où il chante, quatre concerts parisiens à guichets fermés ces dernières semaines, deux Grand Rex annoncés pour février 2004, les locations pour son Zénith de novembre 2004 déjà ouvertes: la saison de Bénabar est prospère...

La scène

Chaque artiste de scène a un tic, une manie, un geste favori. Pour Bécaud, c’était de s’avancer vers les bravos du public en criant, hors micro, "plus! plus!" Pour Brassens, c’était la gorgée d’eau au verre posé sur le piano derrière lui. Pour Bénabar, c’est une sorte de danse chamanique, de faux envol, de rase-motte immobile. Les bras tendus à l’horizontale, les jambes ployées, le talon frappant le sol, cela tient des pas lourds de Marley dans Kinky Reggae et de la tectonique du rock. Maintenant qu’il n’affronte plus que des salles combles, il s’est libéré de toute pudeur, de toute hésitation: Bénabar fait l’avion, le Sioux, le Jim Morrison... On n’est pas loin de la dépense d’un Brel, mais en moins comédien; de l’abattage d’un Tachan, mais en plus soyeux... Et on installerait volontiers Bénabar en scène à l’exact mi-chemin d’un Renaud statique et d’un Cloclo en sueur.

D’ailleurs, ses six musiciens ont une solide culture des musiques à danser d’aujourd’hui, tantôt reggae, tantôt généreux de petites pêches de cuivres funk, et pratiquent toujours un son bien rond favorable à la diction précise de Bénabar, mais sont prêts à s’échapper dans le plaisir strictement musical quand le héros de la fête ouvre le champ. Avec une écoute tout aussi précise, ils se contentent parfois de "tourner" longuement pendant que Bénabar se lance dans ses apartés au milieu des chansons. Le répertoire est à la fois bien connu maintenant du public, mais aussi suffisamment riche en texte pour que les spectateurs ne soient pas tentés de tout chanter d’un bout à l’autre. Et, même, Je suis de celles, qu’il chante seul au piano, est accueilli dans un silence saisi d’émotion, qui prélude aux débordements des choeurs spontanés de Bon anniversaire...

L'entrevue

Tout le monde a remarqué le passage entre une veine plus comique dans Bénabar et une veine plus grave, voire sombre, dans Les Risques du métier.
J’ai essayé de ne pas tomber dans le piège d’un système d’écriture et de composition. Mais je ne raisonne pas par album, mais par chanson: une chanson après l’autre, et quand j’en ai douze, je fais un album.

Le premier single tiré de l’album, Monospace, est plutôt ironique, puis le deuxième, Je suis de celles, d’une profonde gravité...
J’assume toutes les chansons de l’album. Mais la promotion, le positionnement, le choix des singles, je laisse des professionnels s’en occuper. Bien sûr, je donne mon avis mais, en fait, je n’ai pas vraiment d’avis.

Votre tournée se déroule pour l’essentiel à guichets fermés. Comment prenez-vous votre succès : est-ce de la chance ou le seul produit de votre travail ?
J’ai de la chance d’être né en France et pas dans un pays en guerre, d’être né aujourd’hui et pas au XIVème siècle où on pouvait mourir à trente ans d’une angine. Mais la chance dans ce métier, je n’y crois qu’à moitié. J’ai le sentiment, avec toute l’équipe qui m’entoure, d’avoir fait ce qu’il fallait.

Vous avez connu les petites salles, les bars à chansons, toute une école "à la dure". Pensez-vous que soit indispensable à une carrière ?
Je crois pas à la douleur comme passage obligé, mais je crois en revanche que si on ne passe pas par là, on rate quelque chose. A l’époque, je n’avais pas le sentiment de galérer en attendant d’avoir un jour du succès. Je faisais de la musique en espérant continuer à en faire demain, voilà tout.

On a l’impression que, depuis la sortie de Bénabar, vous n’avez pas arrêté...
Je me suis arrêté quatre mois de tourner, le temps de faire l’album. Pour la maison de disques, le plus tôt était le mieux pour un nouvel album. Moi, je ne voulais pas attendre, j’avais une partie des chansons, je voulais travailler avec la même équipe – les musiciens de la tournée, le réalisateur de l’album précédent – et je n’avais donc pas à perdre de temps à chercher des gens avec qui collaborer. Je voulais rester dans l’énergie de la tournée, conserver la dynamique de la scène. C’est pourquoi j’ai insisté pour qu’on n’enregistre pas à Paris mais à Bruxelles en trois semaines ou un mois, avec toute l’équipe à l’hôtel pour conserver le côté urgent de la chose.

Trouvez-vous agréable la vie de tournée ?
C’est une vie que j’aime bien mais "agréable" n’est peut-être pas le bon mot. On passe sa vie dans un minibus : salle à 15 heures, balance, mauvaise pizza, jouer, boire trois coups, dormir à l’hôtel, reprendre la route. En revanche, c’est une vie très riche : changer de ville, refaire le concert, essayer d’améliorer les choses – quand ça fonctionne, c’est très enrichissant. Pour le côté nomade, manouche, circassien, la vie de tournée m’a toujours tenté, dès que j’ai commencé à chanter mes chansons. En revanche, je n’ai jamais fantasmé sur le business, le succès, les Ferrari.

Votre carrière est un peu une carrière "à l’ancienne"...
Je ne pense pas qu’elle soit "à l’ancienne". C’est la carrière toute bête de quelqu’un qui commence à jouer ses chansons sans se soucier de savoir s’il va signer dans une maison de disques ou s’il va passer à la télé. C’est la démarche la plus logique et ça s’arrête là. C’est très différent de ce qu’on veut nous vendre à la télé : ce n’est pas quelqu’un qui a décidé si je pouvais continuer à faire de la musique, c’est moi qui ai décidé d’en faire.