Le retour de Colette renard
Quatre ans après être sortie une première fois de sa retraite, la créatrice d’Irma la douce a sorti un nouvel album, Ceux qui s’aiment. Délices poétiques, insolence parisienne et mélodies mélancoliques...
La chanteuse sort de sa retraite.
Quatre ans après être sortie une première fois de sa retraite, la créatrice d’Irma la douce a sorti un nouvel album, Ceux qui s’aiment. Délices poétiques, insolence parisienne et mélodies mélancoliques...
Colette Renard avait un jour annoncé sa retraite. Mais elle avait aussi proclamé: "Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis." Fin 1998, elle était remontée sur scène au petit théâtre de Dix-Heures, dans le Pigalle qu’elle aime tant et dont elle a tant chanté le pittoresque. En même temps, elle publiait ses souvenirs dans Raconte-moi ta chanson (chez Grasset), et laissait entendre que, finalement, elle n’avait plus la moindre envie d’être une retraitée à plein temps.
Et voici, à peine quatre ans plus tard, qu’elle revient avec un nouveau disque, Ceux qui s’aiment (chez Yvon Chateigner-Musidisc). Et même, fin septembre, elle a donné quelques jours de concert au théâtre Déjazet, à République. Ce qui est le plus réjouissant est que, si ce disque pioche dans quelques chansons anciennes (comme l’étonnant Môme Caniche, délicieuse fantaisie québécoise de Bernard Clavel sur une musique de Francis Lemarque), il s’agit surtout de nouvelles chansons. Et Colette Renard signe elle-même trois textes, mis en musique par François Rauber, le légendaire compagnon de toute la carrière de Jacques Brel. Mélodies belles et douces, dans lesquelles on découvre quelques soyeuses réussites d’écriture comme, dans Ceux qui s’aiment: "Et que c’est long le temps et que c’est loin Venise".
Le charme de son nouveau répertoire (comme c’était l’usage jadis au music-hall, elle a chanté l’intégralité de son nouveau disque pour son retour sur scène), est qu’il évoque le monde d’aujourd’hui dans des atours poétiques et mélodiques traditionnels: ainsi, Minuit sur la grève raconte l’aventure classique du triangle de la femme, de l’époux et de l’amant avec téléphone portable et grèves des transports en commun. Ainsi, Deborah (encore une belle mélodie de François Rauber), met le skate-board dans un portrait à la manière des Ferré, et Avons-nous pris le temps met le répondeur téléphonique dans un de ces drames chantés comme les aimait tant Piaf (d’ailleurs, le texte est de Michel Rivgauche). Et la tendre gouaille de la créatrice d’Irma la douce est ici, dans des anecdotes modernes, de la même efficacité qu’il y a quarante-six ans, lorsqu’elle plongeait dans l’univers – déjà ancien à l’époque – des macs d’honneur et des filles de petite vertu et grand cœur.
Légende de la chanson populaire des années 50, personnage parigot dont on a cru qu’elle disparaîtrait avec les gardiens de la paix en pèlerine et les derniers rails du tramway dans l’asphalte parisien, Colette Renard prouve qu’on peut vivre aujourd’hui et conserver ses valeurs de toujours. Et elle ose même, avec Greta Marlene, le paradoxe de chanter qu’elle est née cinquante ans trop tard!
Outre ces retrouvailles par le disque, Colette Renard est apparue sur scène dans une blondeur toute fraîche, la garde-robe élégamment féminine (des bas résille, des châles, une jupe fendue), la voix impérieuse, puissante, comédienne, avec toujours des accessoires, des chapeaux, des petits gestes qui font d’une chanson toute simple une insolente saynète parisienne (comme avec son grand classique Lui, de Marcelle Maurette et Gaby Verlor). Elle a semé son spectacle de chansons anciennes comme Le Merlan, Je suis marionnette ou le somptueux, étourdissant, légendaire Chemin des forains (texte de Jean Dréjac, musique de Henri Sauguet, une association de bienfaiteurs), avant de finir par une poignée de ses plus grands classiques: Irma la Douce (elle a quarante-six ans cette année!), Tais-toi Marseille, Le Marin et la Rose...
Au passage, elle a chanté quelques-unes des plus réussies des chansons de Gaby Verlor (la compositrice de Déshabillez-moi, de C’était bien (Le Petit Bal perdu), de Ma p’tite chanson), comme Ils ne savent pas (du nouveau disque) ou la très classique Petite marquise – "Quand elle faisait boum boum lonlaire, la petite marquise de...". Mais, surtout, on se souviendra qu’elle a repris en scène cette année ce répertoire qui fit quelque bruit chez les bien-pensants, il y a une quarantaine d’années: ses chansons franchement érotiques – voire un peu plus. Hélas, rééditées en CD il y a dix ans, celles-ci ne sont pas facilement disponibles chez les disquaires. Il faudrait qu’elle en réenregistre…
Colette Renard Ceux qui s’aiment (Yvon Chateigner-Musidisc) 2003