Les paris réussis de Paris-Bamako
La troisième édition des Paris-Bamako se tenait le 7 avril dernier dans la capitale malienne. L’occasion d’une nuit de rencontres musicales, qui venait conclure une riche semaine d’ateliers. Bilan et perspective.
Un samedi soir au Mali
La troisième édition des Paris-Bamako se tenait le 7 avril dernier dans la capitale malienne. L’occasion d’une nuit de rencontres musicales, qui venait conclure une riche semaine d’ateliers. Bilan et perspective.
Keziah Jones posant ses accents de guitares funky aux côtés d’Amadou & Mariam. Daby Touré échafaudant une mélodie aux côtés de Guizmo de Tryo. Cheikh Tidiane Seck improvisant au piano électrique derrière les percussions d’Orlando Poleo, avec le bassiste de Nicolas Repac. Le batteur Yvo imprimant une rythmique au diapason des riddims de Manjul, le rasta réunionnais qui a installé son studio à Bamako. Will Calhoun, l’ex-batteur de Living Colour de passage en ville, accompagnant pour le plaisir les incantations du poète Hamadoun Tandina… Voilà le genre de rencontres auxquelles on a pu assister pendant les jours qui ont précédé le grand soir.
Nichés dans plusieurs salles de classe de l’Institut des Jeunes Aveugles du Mali transformées en salles de répétitions, tous ceux-là ont pris bien du plaisir, comme tous les autres invités à participer bénévolement à cette nuit de musiques intitulée Paris-Bamako. Toute la journée, sous une chaleur sèche tutoyant les 50 degrés, les enfants non ou mal voyants regardaient les oreilles grandes ouvertes. Certains ont participé aux ateliers de percussions et de chant choral. "La musique a toujours été très présente ici. Notre orchestre était bien connu dans les années 70 et je souhaite que cette initiative permette de remette sur pied ce type de formation à l’école", se félicitait le Président de l’IJAM, dans le quartier Faladié.
Place donc à une nuit de musiques samedi 7 avril, devant une audience comblée, mais moitié moins comble qu’en 2006, estimée à plus de 10000 personnes. Il faut dire que le prix des places est passé de 100 CFA à 500 CFA. Ouverture de la soirée avec les parrains de ce festival, Amadou & Mariam, accompagnés par une chorale de jeunes aveugles. Le temps de trois chansons dont la première vise à sensibiliser le public aux problèmes que rencontrent les aveugles dans la société, et la dernière n’est autre que l’hymne national interprété avec des enfants non voyants. Tout un symbole des ambitions de ce festival pas tout à fait comme tout autre.
Puis ce fut au tour de tous les autres participants dont on notera la présence du projet Desert Rebel avec son chantre et âme : le Touareg du Niger Abdallah venu tout spécialement de Niamey, après 25 heures de bus. Mais aussi Mamani Keita avec Nicolas Repac, Toumani Diabaté et son Symmétric Orchestra pour un show ponctué d’envolées de kora, tandis qu’Amadou & Mariam feront chauffer leur musique entouré de leur groupe malien, Cheikh Tidiane Seck aux claviers pas du tout tempérés. En guise de notes finales, après une trop courte prestation du couple de rappeurs Princess Aniès et Amara, venus de Paris, ce sont les stars locales, le collectif Tata Pound qui remportera la palme de l’applaudimètre.
De 17 h à près de 3 h du matin, ils se sont donc tous succédés sur la petite scène montée à l’occasion en plein cœur de l’Institut des Jeunes Aveugles du Mali, l’école pour qui cette opération est destinée. Outre l’apport en matériel et le soutien du Programme Alimentaire Mondial, cet institut qui a été crée en 1973 et où se sont rencontrés Amadou & Mariam a pu récolter environ 25000 euros (25 % du budget total) qui seront investis dans la rénovation et le bon fonctionnement de cette école. Les cuisines, les dortoirs, la fosse septique, l’infirmerie ont déjà bénéficié des deux précédentes éditions, où étaient venus Neneh Cherry, M et Manu Chao.
Cette année, les fonds récoltés devraient servir à financer l’achat et l’installation de panneaux solaires, la formation d’enseignants spécialisés dans la petite enfance et l’achat de matériel spécialisé. A cet égard, l’opticien Alain Mikli, principal mécène de cet événement, était venu avec dans ses bagages toute sorte de matériel en braille. Il est reparti avec la ferme intention d’envoyer dans un délai d’un mois des verres et des machines pour le laboratoire d’optique qui est installé à l’entrée de l’Institut. En outre, un DVD devrait sortir, dont les bénéfices seront reverser au Mali.
Hormis la défection de dernière minute de Yuri Buenaventura et de Ramata Diakité, le seul bémol fut du côté des tracas techniques. Même si cela n’a guère entamé la bonne humeur générale. "Vu le plateau, très chargé, il faudrait peut-être songer à faire deux nuits, analyse à chaud Marc-Antoine Moreau à l’initiative de cette opération avec Amadou & Mariam, et quelques autres partenaires. Le principe des rencontres fonctionne bien, malgré quelques difficultés logistiques. Je suis toujours ébahi par le côté joueur des musiciens, prompts à échanger sans aucune histoire d’ego-trip. C’est ce qui fait tenir cette histoire."
Justement, il est déjà l’heure de songer à la prochaine édition. Il se murmure que Ry Cooder, vieil habitué du Mali, serait de la partie, mais aussi une production américaine à laquelle sont associés certains membres des mythiques Earth Wind and Fire, afin de terminer sur ces Paris-Bamako le tournage du film Miracles Of Mali, avec Habib Koité, Rokia Traoré et bien entendu Amadou & Mariam. Tout un programme qui donne déjà envie d’y revenir.
