L’accordéon universel de Régis Gizavo
De Mano Solo à Cesaria Evora, d’I Muvrini au Brésilien Lenine, la liste de ceux qui ont sollicité l’accordéoniste malgache Régis Gizavo en studio et sur scène est particulièrement longue. Avec Stories, le lauréat du prix Découvertes de RFI en 1990 n’oublie pas sa propre carrière, toujours avec son complice percussionniste David Mirandon et un invité, le Sud-africain Louis Mhlanga.
Le musicien sur tous les fronts
De Mano Solo à Cesaria Evora, d’I Muvrini au Brésilien Lenine, la liste de ceux qui ont sollicité l’accordéoniste malgache Régis Gizavo en studio et sur scène est particulièrement longue. Avec Stories, le lauréat du prix Découvertes de RFI en 1990 n’oublie pas sa propre carrière, toujours avec son complice percussionniste David Mirandon et un invité, le Sud-africain Louis Mhlanga.
RFI Musique : Qu’est-ce qui vous a incité, David Mirandon et vous, à faire un album avec le guitariste sud-africain Louis Mhlanga ?
Régis Gizavo : On a rencontré Louis Mhlanga il y a deux ans. Mais en 2002, j’étais allé à Johannesburg pour jouer avec Marc Berthoumieux et un autre accordéoniste, David Mzwandile, qui avait joué avec Mahlathini (célèbre musicien sud-africain décédé en 2000, ndr). Ensuite, j’ai recontacté l’Institut français d’Afrique du Sud, qui avait organisé ce projet, pour que je puisse rencontrer un musicien-chanteur, et ma proposition a été acceptée. Dès la première répétition, quand Louis a commencé à jouer, j’ai vu que ça collait parfaitement avec notre musique. On a créé un répertoire en deux semaines et on a fait une tournée au Botswana, en Namibie…
Depuis, vous vous êtes retrouvés plusieurs fois ?
L’année dernière, le producteur Christian Mousset m’a appelé pour me demander si ça nous intéressait, David, Louis et moi, de faire six chansons pour l’album des Mahotella Queens qu’il préparait. J’ai accepté et ça a permis à Louis de venir en France. En plus, il y avait un concert prévu pour le trio. Après le festival Musiques métisses d’Angoulême, on est entré en studio pour les Mahotella. Je me suis dit alors que, tant que Louis était là, il fallait en profiter pour aller à Paris et enregistrer le répertoire qu’on avait monté en Afrique du Sud. Je ne sais pas comment on a fait, mais il ne nous a fallu que trois jours pour faire toutes les bases de l’album. Le quatrième jour, Louis était parti ! C’était un peu un pari, je ne savais pas vraiment ce qu’on pouvait faire en si peu de temps. On ne s’est rien imposé, et c’est cette liberté-là qui a permis la fluidité de l’album.
Si vous avez attendu six ans pour donner suite à Samy Olombelo, est-ce parce que vous avez privilégié vos collaborations avec d’autres artistes au détriment de votre carrière solo ?
Quand mon deuxième disque est sorti, j’ai sincèrement eu du mal à l’accepter. On ne m’a pas laissé faire ce que je voulais. Surtout au niveau du son. J’étais déçu. Et cette histoire m'a marqué. J'ai traîné ça pendant cinq ans. Je me suis dit ensuite que, tant qu’à faire un album, il ne fallait pas avoir de remords. Un CD, ça reste à vie... Maintenant, j’ai un copain musicien qui travaille avec moi, et qui va réaliser mon prochain disque. Je vais prendre mon temps, je veux au moins être content de ce que je ferai.
Depuis quinze ans, vous êtes très sollicité sur scène et en studio. Quelles sont les rencontres qui vous ont marqué ?
J’ai eu la chance de rencontrer d’abord les musiciens de Bohé Combo (Richard Bona, Sally Nyolo, Francis Lassus, Jean-Michel Pilc, ndr). Tout est parti de là. C’étaient des virtuoses. Quand j’ai commencé à jouer avec eux, je venais d’arriver de Madagascar. Il fallait s’accrocher, aller vite. Il fallait que j’ouvre les tympans pour comprendre et ça m’a beaucoup aidé. Je suis resté aussi plusieurs années avec I Muvrini. J’ai découvert les voix corses. La rencontre avec Lenine me laisse également un très bon souvenir. C’est un gars généreux. Je n’avais jamais joué avec lui, on ne se connaissait pas et il m’a invité au Brésil parce qu’il avait une carte blanche dans un festival. Il y avait aussi Richard Bona. Après, on a continué sur scène, à Angoulême et j’ai participé à son album Falange Canibal. Parfois, on se rencontre et on fait une ou deux chansons. En ce moment, je fais un projet avec Mano Solo. On compose les chansons ensemble, il fait les textes. Ce n’est pas ma culture du tout mais ça m’intéresse beaucoup. Il y a quelques semaines, j’étais avec Cesaria Evora aux Etats-Unis. Tout cela est enrichissant. Mais c’est important aussi pour moi de faire des choses avec des Malgaches.
A ce propos, vous vous produisez aussi de temps à autre avec le Malagasy All Stars, une nouvelle formation qui regroupe plusieurs artistes malgaches populaires. Comment cette association s’est-elle faite ?
La directrice d’une agence de voyages malgache qui est à Paris a eu l’idée de faire un concert avec une projections de photos. Elle voulait représenter tout Madagascar et elle nous a appelé : Dama de Mahaleo, Erick Manana de Feo Gasy, Marius Fontaine de Fenoamby, Justin Vali et moi. C’est le premier concert qu’on a fait et on s’est dit qu’il fallait continuer parce que c’est rare de nous voir ensemble. Mais ce groupe est ouvert, il ne nous appartient pas. On laisse les ego de côté. On ne va pas priver les gens de découvrir la richesse de Madagascar. Et on a un devoir pour le pays.
Régis Gizavo - Louis Mhlanga - David Mirandon Stories (Marabi/Harmonia Mundi) 2006