Zoom sur les musiques arabes
Devant la montée en puissance d'artistes d'origine maghrébine, le paysage musical francophone, voire mondial est en train de changer. Le raï fut sans doute précurseur dans ce domaine. A l'heure actuelle, quelques grosses pointures derrière l'incontournable Khaled apportent leur pierre à l'édifice. Ce qui n'empêche pas, bien au contraire, des chanteurs, des DJs, des groupes d'expérimenter d'autres voies. Nous vous proposons dans les jours à venir, une série d'articles sur les musiques arabes et leurs développements.
Les musiques électroniques
Devant la montée en puissance d'artistes d'origine maghrébine, le paysage musical francophone, voire mondial est en train de changer. Le raï fut sans doute précurseur dans ce domaine. A l'heure actuelle, quelques grosses pointures derrière l'incontournable Khaled apportent leur pierre à l'édifice. Ce qui n'empêche pas, bien au contraire, des chanteurs, des DJs, des groupes d'expérimenter d'autres voies. Nous vous proposons dans les jours à venir, une série d'articles sur les musiques arabes et leurs développements.
DOUCE TRANCE
Depuis quelques mois une rumeur se répand dans la capitale française : une nouvelle génération de musiciens est en train de voir le jour. Bercée par le raï mais élevée aux sonorités urbaines, la troisième génération d'origine maghrébine fabrique un courant qui ne ressemble à rien si ce n'est à son histoire : appelons-le after-raï ou plutôt Etnotek, du festival du même nom qui se déroulera du 13 au 21 octobre à Paris et en banlieue. Portrait d'une génération décomplexée.
Bien sûr, on se souvient de Khaled remixé par Dimitri From Paris sur le défunt label GGS et surtout des premières tentatives de Rachid Taha pour faire rimer beats techno et rimes arabes. Mais ce qui nous paraissait expérimental voire "exotique" est en passe de devenir le courant le plus excitant depuis l'avènement de la house.
Difficile de lui donner un nom, de vous livrer un leader même si de l'avis de Lydia, organisatrice du premier festival Etnotek, c'est Rachid Taha qui le premier a jeté un pont entre le Maghreb et les raves. "Taha mais aussi Zebda, Gnawa Diffusion qui à l'intérieur de leurs musiques revendiquent leur culture, celle du bled, en y ajoutant du reggae, du rap et des rythmes électroniques. Ce nouveau courant est l'exact pendant de ce qui s'est passé en Angleterre avec la scène indienne, les Asian Dub Fondation, les Fun Da Mental et autres Transglobal Underground. Les jeunes Anglais d'origine pakistanaise et indienne" poursuit Lydia, "écoutent la musique de leurs parents à la maison. Mais le soir ils se rendent dans des raves ou des soirées jungle, donc tôt ou tard cette fusion devait voir le jour."
En France, les rapports avec les anciennes colonies étant complexes, il faudra attendre le succès de Khaled et de Faudel pour qu'on entende chanter en arabe sur les ondes nationales. Il y a encore quelques années, une célèbre radio française refusait de passer Didi ; ses auditeurs n'auraient pas compris d'entendre de l'arabe à l'heure du pot-au-feu. Depuis deux ans Mohand, organise au Divan du monde à Paris, les soirées New Bled Vibration. Pour lui, nous vivons une période de transition : "Avant le succès de Khaled, quand tu chantais en arabe dans la rue, tu étais sûr qu'un de tes collègues allait se moquer de toi, même et surtout s'il était d'origine arabe."
Des premiers succès chantés en arabe à la naissance d'une nouvelle scène, le chemin est long. Mohand raconte : "Lors de la première soirée New Bled Vibration, DJ Awal mixait de la house music avec des vocaux arabes parce qu'il n'existait pas de productions. Il fallait mixer deux disques distincts pour obtenir un troisième qui soit la jonction entre orient et techno. Je peux te dire qu'à la fin de la soirée, je me suis fait engueuler par pas mal de gens qui ne voulaient écouter que du raï. Il faut bien le reconnaître, beaucoup de reubeus (ndlr : arabes en verlan) sont assez réactionnaires. La soirée d'après, il y a eu un écrémage, le bouche-à-oreille a fonctionné et aujourd'hui on a trouvé notre public : 60% de jeunes issus de l'immigration et 40 % d'origine européenne. Et notre atout majeur, c'est la présence des filles. Ça débride l'ambiance ! Les beurs pensent venir à une soirée raï et finalement, c'est la soirée où ils rencontrent le plus de Français. Le regard des deux communautés change alors radicalement. En gros, ce sont des soirées françaises, made in Paris, Monsieur !"
Des chameaux sous la tour Eiffel
Difficile aujourd'hui de prévoir l'avenir de ce courant, mais ce qui est sûr, c'est que la production etnotek se développe petit à petit. Le projet le plus abouti étant celui de U.Cef et de son album Halalium. D'origine marocaine, ce batteur de formation n'hésite pas à mélanger le melhoun, soit la poésie marocaine et la jungle. Un véritable chemin initiatique qui vous transportera des dunes du Sahara aux foisonnements des cités urbaines. Pour ceux qui désireraient avoir un aperçu plus large de cette scène, je vous conseille fortement Bled remix, une compilation qui rassemble ce qui se fait de mieux en matière de collision musicale : les précurseurs sont là, Transglobal Underground et Natacha Atlas, l'Algérien Hamid Baroudi remixé tout en subtilité par le Japonais DJ Krush ; Digital Bled, le collectif mené par Pedro, d'origine portugaise qui a débauché Aziz et Youcef de l'ONB et dont l'album Caravana est l'une des grandes réussites de cette année.
La France est donc à la veille d'une explosion musicale, où musiques traditionnelles et rythmes urbains se télescopent. Une nouvelle façon de vivre la ville est en train de voir le jour grâce aux nouvelles technologies mais aussi avec le retour des instruments dans la production électronique. Explications de Lydia, grande prêtresse de cette fusion : " Les soirées techno tournaient en rond depuis quelques années, le coté " bidouilleurs derrière les machines " laisse le public de marbre, alors que dans cette musique, les derboukas et les guitares sont au même niveau que les ordinateurs. Il y a tout de suite un côté chaleureux et festif que les musiques électro ont laissé de côté. " L'aspect festif de ce courant est évident, mais y a t'il des revendications politiques derrière tout ça ? Réponse de Lydia : " En premier lieu, c'est la fête qui prédomine. Le fait d'intégrer une partie de sa culture, longtemps refoulée, prouve que cette troisième génération issue de l'immigration intègre complètement cette double culture. Et quand tu sais d'où tu viens, tu sais où tu vas, tu acceptes les autres cultures, t'es bien dans tes baskets. "
Des disques de qualité, des soirées qui mélangent tous les publics, un festival consacré uniquement à ce phénomène, il ne manque pas grand chose pour que la sauce prenne définitivement. Peut-être un bon relais médiatique.
U.cef Halalium (Apartment 22/PIAS) 2000
Compilation New Bled Remix (Universal) 2000
Digital Bled Caravana (Sony) 2000