Le renouveau selon Sinsémilia
Après s’être accordé du temps pour mener à bien des projets musicaux personnels, les musiciens de Sinsémilia se sont retrouvés afin d’enregistrer leur cinquième album, Debout, les yeux ouverts, avec l’envie de développer de nouvelles idées artistiques pour s’ouvrir d’autres horizons.
Le groupe grenoblois sort un album charnière
Après s’être accordé du temps pour mener à bien des projets musicaux personnels, les musiciens de Sinsémilia se sont retrouvés afin d’enregistrer leur cinquième album, Debout, les yeux ouverts, avec l’envie de développer de nouvelles idées artistiques pour s’ouvrir d’autres horizons.
Transition? Tournant? Une chose est certaine: dans la discographie de Sinsémilia, et sans pour autant se situer en rupture totale avec ceux qui l’ont précédé, Debout, les yeux ouverts marque une accélération du processus d’évolution entrepris depuis Première Récolte. "Ça ressemble à un nouveau départ, estime Mike, chanteur et auteur de la quasi-totalité des textes. À ses yeux, "cet album est exactement à la jonction du Sinsémilia d’hier et de celui de demain". La formule n’est pas trop forte: hier, ce qui le scandalisait, il le hurlait au micro. Aujourd’hui, il préfère le registre de l’ironie, qui donne encore plus de relief à sa plume aiguisée et lui permet de mieux se faire comprendre. Hier encore, par goût de la provocation, la formation grenobloise dont il est le porte-parole aurait intitulé son cinquième disque Bienvenue en Chiraquie, d’après l’une des treize nouvelles chansons. "Sur le plan du marketing, c’était le meilleur titre, mais il aurait vite vieilli. Et quand je regarde l’intégralité de l’album, on va plus loin que ça", justifie Mike. Hier enfin, à l’image des propos et de l’attitude, la musique débordait parfois d’énergie. Aujourd’hui, cette puissance rock greffée sur une trame reggae a été canalisée tout en préservant l’identité musicale du groupe.
Depuis 1996, Sinsémilia ne s’était guère accordé de pause et passait son temps sur les routes de France, donnant en moyenne plus de cent concerts par an. Cette boulimie de scène qui a largement contribué à leur succès, les dix Grenoblois l’ont entretenu en s’enfermant par deux fois en studio pendant quelques semaines pour enregistrer des disques dont on peut se demander aujourd’hui s’ils n’étaient pas un prétexte pour repartir sur scène... À partir de 2002, la joyeuse bande de copains a opté pour un rythme moins soutenu. Besoin de souffler pour les uns, envie de se consacrer à d’autres projets pour d’autres, comme Riké dont l’album Air Frais est sorti en 2003.
Lorsque les membres du groupe se réunissent l’an dernier afin de se lancer dans la préparation de Debout, les yeux ouverts, le contexte est sensiblement différent de celui dans lequel ils ont jusqu’alors travaillé. "D’habitude, on a toujours quatre ou cinq morceaux de prêts, qu’on a joués ou composés en tournée. Là, on n’avait rien, on est parti entièrement de zéro", confie Mike. Très vite, le contenu se dessine autour de quelques idées communes que se découvrent les musiciens et qu’ils souhaitent développer sur le projet.
Les sonorités "plus chaudes" qu’ils cherchent, ils les trouvent dans les sons d’orgue, dans le jeu des guitares acoustiques qui se font plus présentes. L’orchestration des compositions est envisagée sous un autre angle, pour "laisser la musique parler toute seule quand elle ne soutient pas le chant, comme c’était le cas sur Première Récolte, et l’épurer un peu pour qu’on puisse bien la comprendre". La démarche artistique s’avère souvent séduisante, plus particulièrement sur Exil dont les paroles semblent mises en image par l’ambiance musicale, et sur Simple d’esprit où le dub et la chanson réussissent une parfaite symbiose. Parfois, le résultat apparaît moins convaincant à l’exemple de cette version de Marlène, un morceau de Noir Désir presque méconnaissable tant il est dépossédé de toute son intensité.
En choisissant d’enregistrer dans son studio à Grenoble, Sinsémilia a voulu se donner une plus grande liberté et prendre le temps d’essayer sur chaque morceau tout ce qu’ils avaient imaginé. Natty, bassiste et choriste, fait entendre pour la première fois sa voix comme chanteur principal avec Né ici. Fafa a abandonné sa trompette et s’est transformé en électron libre, évoluant selon les besoins à la guitare ou comme second claviers tandis qu’Oliver, musicien du sérail reggae grenoblois, a fait son entrée au sein de la section cuivre. Si cette nouvelle répartition des rôles indique qu’après plus d’une décennie d’existence le groupe se porte bien, elle offre également selon Mike de nouvelles perspectives: "On a l’impression d’un seul coup d’avoir une marge de manœuvre beaucoup plus grande. Ça nous ouvre des portes qu’on n’avait pas ouvertes avant". Au ton de sa voix, on le sent soudain rassuré.
Sinsémilia Debout, les yeux ouverts (Sony Music) 2004