Oxmo Puccino

L’opportunisme n’est pas le moteur d’Oxmo Puccino. Début 1998, son album Opéra Puccino l’impose d’entrée comme l’un des paroliers les plus prometteurs de la scène rap française. Alors que beaucoup, assoiffés d’or, se seraient attelés fissa à l’écriture d’un second album, Oxmo a préféré prendre du recul pour s’imprégner de nouveaux sons et approfondir ses thèmes. Le résultat se trouve sur le très réussi L’Amour est mort, pour lequel il nous a accordé cet entretien.

La vie après l’amour

L’opportunisme n’est pas le moteur d’Oxmo Puccino. Début 1998, son album Opéra Puccino l’impose d’entrée comme l’un des paroliers les plus prometteurs de la scène rap française. Alors que beaucoup, assoiffés d’or, se seraient attelés fissa à l’écriture d’un second album, Oxmo a préféré prendre du recul pour s’imprégner de nouveaux sons et approfondir ses thèmes. Le résultat se trouve sur le très réussi L’Amour est mort, pour lequel il nous a accordé cet entretien.

Trois années se sont écoulées entre ton premier album et celui-ci. Qu’as-tu fait pendant tout ce temps ?
J’écoutais plus de musique que je n'en faisais. J’ai eu le temps de créer et surtout le temps de vivre. Après le premier album, j’ai été amené à voyager, à rencontrer plein de gens, à passer énormément de temps en studio. Là, tu rencontres des mecs qui viennent du reggae ou du r&b, des chanteuses… Tu fais forcément des échanges. Musicalement, le premier album était un peu linéaire, celui-ci est plus enrichi. Sa réalisation a pris un an et demi.

Si je trouvais le premier album mélancolique, L’Amour est mort me semble carrément triste.
Non, plus réaliste et dur, car la réalité est dure. Avec l’Amour est mort, j’ai voulu dire qu’il fallait l'accepter et passer à autre chose. Il y a une vie après l’amour, c’est le concept de l’album. Dans le monde d’aujourd’hui, peu de choses sont basées sur l’amour. Tout va trop vite pour qu’on se comprenne. Même le mariage n’est souvent plus basé sur une relation amoureuse, il y a de plus en plus de divorces.

A qui s’adresse ta chanson J’ai mal au mic ?
Elle est dédiée à la musique. Le plus grand plaisir que je tire d'elle est qu’elle me met en joie. La plupart du temps, je ne suis pas quelqu’un de très joyeux.

Et par rapport au rap actuel, as-tu aussi mal au mic ?
Non, pas par rapport au rap, parce que les gens sont libres d’aimer la musique qu’ils veulent. On ne peut pas blâmer quelqu’un pour avoir fait de la fausse musique ou un autre pour en écouter. J’ai mal au mic, c’est juste pour dire que je suis triste quand il n’y a pas de musique et souligner son importance chez beaucoup de gens. Son pouvoir est sous-estimé.

Sur cet album, tu as composé cinq musiques, alors que tu ne t’étais concentré que sur les textes pour le premier album. As-tu besoin d’un texte pour greffer ta musique ou d’une musique pour écrire un texte ?
J’ai besoin de la musique pour retrouver le texte. D’abord, je trouve un thème, ensuite je cherche le son qui correspond, puis j’écris. C’est toujours par rapport à la musique. J'en fais pour le plaisir et pour d’autres artistes à l’occasion.

Justement, comptes-tu te lancer dans la production d’autres artistes ? Te sens-tu un côté Pygmalion ?
Je n’ai pas cette prétention car c’est trop de responsabilités. Je préfère rester en dehors et apporter des musiques plutôt que de parrainer, materner qui que soit.

Pourtant, tu n’as encore écrit ou composé pour personne. En règle générale, dans la chanson, les artistes écrivent ou composent beaucoup plus facilement pour d’autres que dans le rap. Comment l’expliques-tu ?
En général, les interprètes n’ont pas l’habitude d’écrire leurs textes. Or les rappeurs n’ont pas cette frustration. Si l’occasion se présente, il y a toujours des ouvertures possibles mais c’est une question d’adaptation car ce ne sont pas les mêmes règles, les mêmes mots, les mêmes flows.

Dans le dossier de presse, tu dis : «Les tartines d’aujourd’hui ont toutes la même confiture». C’est un constat digne de José Bové. En dehors des thèmes souvent développés par le rap, te sens-tu proche de phénomènes de société comme la lutte contre les effets de la mondialisation ?
Bien sûr. Quand tu vas dans certains endroits, tu vois que les traditions et les richesses culturelles se perdent au profit de quelque chose d’homogène, à l’image du téléphone portable et d’Internet. Les gens semblent se rapprocher parce qu’ils commencent à appartenir au même bled. On appâte les mouches avec du sucre et avec de bonnes tartines, ça marche bien… Mais pas sur moi, ça me fait grossir ! (rires)

Propos recueillis par Gilles Rio

Photo de Home page : Eric Johnson/ Delabel

L'Amour est mort (Delabel/ Virgin)