Helena Noguerra
D’abord sur scène, dès ce soir, puis avec l'album Fraise Vanille à paraître dans quelques semaines, la chanteuse Helena Noguerra reprend le répertoire enchanté de Serge Rezvani, à commencer par le célébrissime Tourbillon immortalisé par Jeanne Moreau en 1962 dans le film Jules et Jim.
Sur les textes de Rezvani
D’abord sur scène, dès ce soir, puis avec l'album Fraise Vanille à paraître dans quelques semaines, la chanteuse Helena Noguerra reprend le répertoire enchanté de Serge Rezvani, à commencer par le célébrissime Tourbillon immortalisé par Jeanne Moreau en 1962 dans le film Jules et Jim.
Le Tourbillon, J’ai la mémoire qui flanche, Jamais je ne t’ai dit que je t’aimerai toujours ô mon amour, Notre folle jeunesse… Dix-huit chansons sur la centaine écrites par Serge Rezvani, dont une bonne partie au temps où il se faisait appeler Cyrus Bassiak pour que ses chansons ne portent pas ombrage à sa carrière de peintre, il y a bien plus de quarante ans. Dix-huit chansons que reprend Helena Noguerra sur le superbe album Fraise vanille, qui sort le 1er octobre, alors qu’elle partage avec Rezvani la scène d'un théâtre parisien jusqu'au 15 septembre. Au commencement, il y avait l’amour d’une jeune femme pour ces chansons, qui l’avait conduite à orchestrer en octobre 2006 un hommage à l’écrivain-chansonnier… à l’issue duquel il lui a proposé la singulière aventure discographique dans laquelle elle a aussi entrainé Vincent Delerm, Marie-France et Katerine, son compagnon, dans des arrangements et des orchestrations d’une audace délicieuse.
RFI Musique : Faire cet album de reprises des chansons de Serge Rezvani était-il un vieux rêve ?
Helena Noguerra : Je n’avais pas envie de les accaparer. D’abord, je trouvais un peu vieillot l’idée d’un album de reprises, ou alors trop prestigieux – il faut être une chanteuse de jazz et reprendre du Gershwin. C’est la suggestion de Rezvani lui-même qui a fait que je les ai chantées. Si le désir n’était pas au départ le sien, je ne me le serais pas permis. Comment passer derrière Jeanne Moreau ? J’adore cette femme, sa voix, ses versions magnifiques, et j’ai beaucoup souffert quand on a commencé à travailler. Je les avais chantées sur scène et devant Serge mais, en écoutant mes premières séances sur ces chansons, je n’y trouvais pas d’intérêt, c’était un calvaire de les accepter et de les aimer chantées par moi.
Et quelle était votre idée de Rezvani, avant d’enregistrer ce disque ?
C’était surtout Jeanne Moreau. Il y avait aussi Rezvani, l’auteur de livres d’amour qui parlent de sa femme Danielle, Le Testament amoureux, Les Années lumière, Les Années Lula, L’Eclipse : j’étais fascinée par son histoire d’amour avec cette femme. Et il y avait les chansons, que j’écoutais beaucoup pendant mes ruptures amoureuses. Rezvani, pour moi, c’était le sentiment amoureux. Il y a des années, je lui avais envoyé des lettres, là-bas dans sa maison des Maures, auxquelles il avait gentiment répondu. Rezvani, ce n’était pas un mythe, mais plutôt une sensation, une émotion, un idéal amoureux non en tant qu’homme mais en tant que concept. Ce qu’il avait écrit était l’essence même de ce que j’aurais aimé réussir en amour. C’est charnel, c’est palpable, ce n’est pas cynique…
Vous avez aussi un autre disque terminé, dit-on…
Ce sont des chansons faites à la maison sur l’ordinateur, qui sont vraiment à moi. J’ai tout fait toute seule, j’ai produit directement. J’ai aussi fait un film pour chaque chanson, je tiens la caméra et je monte moi-même. C’est un projet finalement très enfantin : je découvre des machines, j’invente avec ce que je ne connais pas. Musicalement, les chansons sont plutôt maladroites : je joue mal de la guitare, je transforme moi-même des sons sur l’ordinateur. J’étais en train d’y travailler quand j’ai rencontré Rezvani et je l’ai mis de côté. Je ne sais pas encore ce que je vais en faire. Peut-être le mettre sur internet.
Le travail sur Fraise Vanille a-t-il été rapide ?
J’ai rencontré Rezvani en octobre 2006, il y a juste un an. J’aime bien quand ça va vite. Quand il m’a parlé de cette idée de faire ce disque, de chanter ensemble sur scène, je me suis dit : “Ben non, je suis en train de faire mes chansons à moi, pour une fois.” J’ai mis une semaine à finir par me dire :“Ben oui”. C’est en le rencontrant que je me suis dit que ça valait le coup de faire un album de reprises. Du coup, on s’est dit qu’il fallait enregistrer vite, que ce soit dans l’élan. Tout était fini en avril. C’est court par rapport au temps d’aujourd’hui, par rapport à un système de production qui est quand même assez lourd. Dans les années 1960, les chanteurs pouvaient faire trois disques en une année.
Comment s’est faite la rencontre avec Sébastien Martel, qui a coréalisé l’album avec vous ?
Je ne le connaissais pas. J’aimais bien ses albums assez simples, assez roots, assez directs. Je lui ai parlé un peu de la direction qui me plaisait et, en un seul rendez-vous, il m’a semblé que c’était l’oreille idéale pour moi. Il me fallait un partenaire qui soit d’accord pour aller chercher dans des choses qui ne sont pas musicalement correctes ou parfaitement scientifiques. Parfois, il me disait : “Mais on ne fait pas ça, en musique”, mais il était partant pour essayer.
Vous chantez, vous jouez la comédie, vous écrivez des romans. C’est un point commun avec Rezvani, peintre, romancier, dramaturge et auteur de chansons…
Je ressens souvent une mise à part. Les gens disent : “On ne sait pas la définir, elle fait trop de choses pour que ce soit bien, elle ne fait rien à fond...” Serge est pareil. Lui, il dit qu’il est multi-indisciplinaire et ça me plait beaucoup. Je reconnais un ami en cela : il a la liberté de choisir ses supports.
Helena Noguerra Fraise Vanille (Universal Jazz/Universal) 2007
En concert du 11 au 15 septembre 2007 au théâtre du Rond-Point, à Paris.