Juste comme Mina Agossi

Pour son neuvième album, la chanteuse franco-béninoise Mina Agossi élargit son "chant" d’action en recourant à l’univers du guitariste Phil Reptil. Plus qu’une rupture, de nouvelles explorations dans une carrière déjà très fournie. Portrait.

Libre et indépendante

Pour son neuvième album, la chanteuse franco-béninoise Mina Agossi élargit son "chant" d’action en recourant à l’univers du guitariste Phil Reptil. Plus qu’une rupture, de nouvelles explorations dans une carrière déjà très fournie. Portrait.

En vingt ans de carrière, Mina Agossi n’a cédé à aucune mode, aucun style ou quelconque exigences de producteurs. Cette indépendance explique sans doute la richesse et l’originalité d’une œuvre qui, d’un album à l’autre, n'a cessé de surprendre.

Ecouter cette chanteuse d'origine béninoise, c’est entrer en lévitation sur une échelle musicale où Louis Armstrong côtoie les Beatles. Où Bobby Lapointe se met à tutoyer Jimi Hendrix ou les Pink Floyd. Son nouvel album Just Like a Lady, ne déroge pas à ces règles qui font l’essence même de cette artiste atypique et entière.

Originaire de Besançon, née d'une mère française et d'un père béninois qui mourra en 1997, assassiné, dans des conditions mystérieuses au Gabon, Mina Agossi débute sa carrière au théâtre. Mais son amour pour la musique, particulièrement le jazz et Jimi Hendrix, est plus fort.

Basse et batterie

C’est dans la cave de la maison de sa grand-mère maternelle qu’elle répète, entourée d'un bassiste et d’un batteur. Une caractéristique qui fera son identité musicale. "Lorsque je compose je n'entends que ces deux instruments", explique-t-elle. D'où des premiers enregistrements très dépouillés comme Voice & Bass (1997) avec le bassiste Vincent Guérin ou Alkemi (2000) avec le batteur Philippe Combelle.

Précisément, c'est après un séjour en Espagne qu'elle revient s'installer en France, en Bretagne, en 1993 où elle rencontre Vincent Guérin. Bass & Voice la fait rapidement connaître comme jeune espoir du jazz hexagonal. De là, les rencontres s'enchaînent ainsi que des stages prestigieux aux Etats-Unis, notamment auprès de la chanteuse Sheila Jordan.

En 2001, elle se produit à New York et sort E-Zpass to Brooklyn, premier album de compositions enregistré à Brooklyn où elle explore d’autres styles comme le r'n'b ou le hip hop. Elle est alors repérée et saluée par le saxophoniste Archie Shepp, son nouveau mentor, qui lui promet un grand avenir.

C’est en Angleterre que sa carrière s'accélère grâce à la signature pour trois albums avec le propriétaire du label Candid, Alan Bates. Mina Agossi joue en trio, sans instruments harmoniques. Elle fait appel au batteur japonais Ichiro Onoe et au bassiste Eric Jacot. Les deux complices l’accompagnent toujours actuellement. Sorti la même année, Well You Needn’t inspiré de Thelonious Monk enrichit sa création.

Retour en Afrique

La fibre africaine n’est pas loin. Enfant, Mina Agossi a passé son temps à la parcourir en suivant sa mère, professeure de mathématiques coopérante. Au Niger, au Maroc, en Côte d’Ivoire. Mais c’est au Bénin que ses souvenirs sont ancrés. Elle est retournée dans le pays de ses racines en 2006 pour y retrouver sa famille sous les caméras de son ami Jean-Henri Meunier. Avec d’autres étapes de sa vie, ce périple en terre africaine sera le point saillant de Mina Agossi, une voix nomade, reportage diffusé sur la chaîne Arte en 2007.

Après s’être produit en novembre 2008 sur la scène du Blue Note, club mythique de New-York, et malgré l’échec d’une collaboration avec le pianiste Ahmad Jamal, 2009 marque un autre tournant dans sa carrière. Mina Agossi quitte Concord pour Naïve. Son nouveau label, qui dispose d’une vraie force commerciale et d’un imposant catalogue lui donne carte blanche.

Elle recourt pour la première fois aux instruments harmoniques portés par Phil Reptil. La fusion de l’univers pop/drum & bass/dub du guitariste avec l'atmosphère confidentielle de la chanteuse permet de livrer ici un disque remarquable de singularité et d’originalité notamment par la réinterprétation de reprises célèbres dont celle d'Antonio Carlos Jobim, Waters of March complètement revisitée sous le médiator de Reptil. La vraie marque de la (re)création en somme. Jimi Hendrix ne reconnaîtrait pas davantage son Burning of the midnight lamp, revue à la contrebasse. Cette version rejoint celle, tonifiante, de 1983 qui figurait sur le précédent album  Simple Things.

Libre, Mina Agossi est inclassable. Après neuf albums, elle est. Tout simplement. Non une simple femme comme suggéré par le titre de Just Like A lady, mais une voix à part, aussi imprévisible que sauvage, qui brise régulièrement les canons de la chanson. D'où la comparaison récurrente avec l'Islandaise Bjork, une autre de ses influences.

Mina Agossi Just Like A lady (Naïve) 2010

En concert le 1er mai à Ouagadougou (Burkina)