"Sexe Fort" en Chine

Le concert de Patricia Kaas à Pékin le 15 mai était chargé d’émotion. C’était la première fois que la chanteuse française et son groupe se rendaient en Chine et la première fois que le régime chinois acceptait qu’une artiste étrangère se produise dans le Grand palais du peuple. Energique et généreuse, Patricia Kaas a littéralement conquis le public.

Patricia Kaas triomphe à Pékin

Le concert de Patricia Kaas à Pékin le 15 mai était chargé d’émotion. C’était la première fois que la chanteuse française et son groupe se rendaient en Chine et la première fois que le régime chinois acceptait qu’une artiste étrangère se produise dans le Grand palais du peuple. Energique et généreuse, Patricia Kaas a littéralement conquis le public.

      "On pensait venir dans une salle comme une autre, mais en arrivant on a compris l’importance du lieu" explique Cyril Prieur, le manager de Patricia Kaas depuis dix-huit ans. Le bâtiment immense situé sur la place Tiananmen est un des hauts-lieux du pouvoir chinois. Entrée de colonnes de marbre, moquette, lustres de cristal, le tout gardé par l’élite de l’armée chinoise. La salle est immense, plus de huit mille sièges, et ornée d’une énorme étoile rouge au plafond. La scène est chargée d’histoire, Mao Zedong en personne y a fait de nombreux discours. Trente ans après, c’est au tour de la plus grande chanteuse francophone actuelle de monter sur ces planches. Les conditions sont assez tendues. Non seulement le lieu est très solennel, mais il y a aussi des restrictions importantes quant au public. Interdiction de se lever de sa place, de s’approcher à moins de trois mètres de la scène. Autre inquiétude, le prix des places, très élevé. "Est-ce qu’il y aura assez de monde ? Est-ce que le public ne va pas être trop coincé ?" se demande-t-on dans les loges. Jusqu’à la dernière minute avant le lever du rideau, les techniciens français doivent combler le fossé de la langue avec leurs homologues chinois, régler notamment le problème du manque de passes : seulement cinq cartes pour toute l’équipe.

 

 Dans ces conditions a priori difficiles pour un concert de pop, c’est "le triomphe ou le flop" comme dit l’un des techniciens de sa tournée, "tout ou rien". Alors Patricia donne tout, le meilleur d’elle-même. Et la magie a opère. La salle est remplie, beaucoup de billets ont été acheté par des entreprises, qui les ont distribué à ceux qui avaient le plus envie de voir la vedette. D’autres ont économisé longtemps pour avoir la chance d’entendre "Filaments de chants joyeux" comme on l’a surnommée ici. On l’attendait comme une étoile inaccessible, mais elle est apparaît très humaine, habillée de tout son naturel et de sa force féminine. "Le plus important pour moi c’est la rencontre, l’échange avec le public" dit-elle, et ça marche. Durant près de deux heures, elle alterne chansons blues et rock, tantôt profonde et nostalgique, tantôt délurée et souriante. Son physique frêle mais débordant d’énergie, sa voix profonde et suave conquiert le public. C’est que Patricia fait très fort pour rejoindre ce public malgré les restrictions. D’abord, elle fait agiter les bras à toute la salle. Puis elle surprend les organisateurs en invitant une jeune fille à la rejoindre au bord de la scène, lui chantant en tête-à-tête : "Ma liberté contre la tienne". Des paroles à la portée très forte dans ce contexte. La salle est émue, tout le monde applaudit, une dame francophone pleure. Le Palais du Peuple se lève pour Patricia

C’est juste après ce moment que le deuxième temps fort arrive, un duo -en français- avec l’une des plus grandes vedettes nationales, le chanteur Liu Huan, avec qui elle interpréte "La vie en rose". Vivas à tout rompre de la salle. Il ne reste plus qu’à lancer une partie très rock, "On pourrait faire la révolution" en duo comique avec le guitariste Pascal "Tatate" Bétremieux très en forme ce soir-là, mimant un combat de kung-fu. Les spectateurs s’amusent, certains se lèvent, et Patricia en profite pour demander à tout le monde de se mettre debout. Le public n’attendait que cela. En quelques secondes, c’est la déferlante et les allées sont remplies de gens qui dansent et tapent des mains en rythme. Du jamais vu dans le Grand palais du peuple! "Je n’ai pas compris ses paroles, mais sa voix et sa personnalité dépassent les frontières. Je ne la connaissais pas, mais maintenant je suis fan" confie une étudiante pékinoise après le spectacle. Elle aura au moins appris deux mots : "à moi" que Patricia a fait répéter à la salle en interprétant "Mon mec à moi". C’est sans doute la force de Patricia : la musique et le public avant tout, et pas de minauderies inutiles comme on en voit beaucoup sur la scène pop ce pays. "Mademoiselle" est aussi portée par une expérience de vingt-cinq ans de scène, de centaines de concerts et une excellente équipe.

 

    L’étape pékinoise était la deuxième date chinoise, après Shanghai le 13 mai et avant Hong Kong le 18. Une petite partie du "Sexe Fort Tour 2005", 170 dates dans le monde entier, mais la réalisation d’un rêve. En 1994, un concert était déjà prévu, mais la date tombait trop près de l’anniversaire des évènements de Tiananmen et a été annulée. Depuis, Patricia a beaucoup tourné en Asie : Vietnam, Cambodge, Laos, Thailande, Japon et Corée, pays où elle est une véritable star avec plus de 300.000 albums vendus. Le monde chinois la connaît déjà : à Hong Kong, Singapour ou Taiwan ses albums marchent bien et ses tubes passent à la radio. En Chine, 15.000 exemplaires de son dernier album Sexe Fort ont déjà été vendus, ce qui laisse de la place sur un marché estimé à 240 millions d’exemplaires par an (dix fois plus sur le marché noir de la copie). Patricia a finalement réussi a revenir en Chine par la grande porte grâce aux Années croisées France-Chine, invitée en tant qu’ "ambassadrice" de la chanson française. Un titre qu’elle n’a pas choisi : "Je n’y pense pas, tout ce que j’aime c’est la scène. Mais si ça peut aider la chanson française, alors tant mieux".