YANNICK: CHANTEUR POPULAIRE

Paris, le 17 janvier 2001- Le MIDEM, rendez-vous annuel des professionnels du disque, débute samedi prochain à Cannes avec la remise des NRJ Awards pour lesquels Yannick, révélation de l'année écoulée, est bien évidemment nominé.
Du haut des 700.000 singles vendus dans l’Hexagone de son tube de l'été "Ces soirées-là", un nouveau poids lourd du rap français domine désormais notre paysage musical. Et derrière le tube se cache un album. Visite guidée d'une galette qui rapproche le rap des banlieues de la chanson populaire.

Le rap bulle de savon

Paris, le 17 janvier 2001- Le MIDEM, rendez-vous annuel des professionnels du disque, débute samedi prochain à Cannes avec la remise des NRJ Awards pour lesquels Yannick, révélation de l'année écoulée, est bien évidemment nominé.
Du haut des 700.000 singles vendus dans l’Hexagone de son tube de l'été "Ces soirées-là", un nouveau poids lourd du rap français domine désormais notre paysage musical. Et derrière le tube se cache un album. Visite guidée d'une galette qui rapproche le rap des banlieues de la chanson populaire.

Il n’a qu’un prénom, Yannick, mais il fait le maximum d’audience avec son truc qui fait « crack boum hue »: le tube Ces soirées là décalqué d’une vieille ritournelle popularisée par Claude François, où le jeune rapper pousse même le mimétisme jusqu’à réinventer le concept même des sexy Clodettes. À l’antithèse des barbares guérilleros de la nation groove, Yannick offre une image policée des mauvais garçons en casquette/baskets, du rap acceptable pour tous…y compris pour tous ceux qui l’exècrent. Alors, avec la publication de C’est ça qu’on aime , son tout premier album, on peut se réjouir de voir ainsi le rap rentrer à tout prix dans les chaumières ou au contraire s’offusquer à juste titre de canaliser ainsi une authentique expression d’un cri social cyniquement détourné pour générer du profit ?
C’est ça qu’on aime reflète ainsi une de nos préoccupations les plus cruciales. « Ça » c’est le fun, le fric, l’esprit de la fête, les gonzesses et les potes. Et ce cocktail enivrant qui a souvent fait ses preuves occupe tout l’espace des 59 minutes du CD.

D’ailleurs, dés la première plage qui offre son titre à l’album, Yannick se pose en Will Smith à la française adaptant à cet esprit festif léger le fameux Le Freak (78) du duo new-yorkais Chic, Niles Rodgers et Bernard Edwards. Dans les chansons de Yannick, les chœurs lui renvoient souvent comme un écho des « ouaaaais » de totale approbation . Et ici à ses questions « Est ce que les nanas sont là ? » et « Est-ce que les gars sont là ? » répondent des « Yeah » qui pètent comme des bouchons de champagne. On imagine les corps déhanchés et la sueur, en totale sensualité lascive, c’est l’assommoir du groove. Et au « Le freak c’est chic » succède, bien entendu, un « Yannick c’est chic ! ».
Second titre et autre « cover » cette fois, notre rapper vampirise le Chacun fait c’qui lui plaît (82) de Chagrin d’Amour, légendaire premier rap français pop chanté par Vali et le regretté Gregory Ken. Vingt ans plus tard- l’âge de Yannick justement et de toutes ses reprises !- le voici anamorphé en « Fais c’qu’il te plaît ». Mais que l’on se rassure… non non rien n’a changé ; on reste dans la même histoire de drague, pour preuve notre rapper a même conservé le fameux « 5 heures du mat’ j’ai des frissons ».

On trouve aussi sur cet album son premier cover single J’aime la maille , reprise du fameux « Take Your Time (Do It right) » du SOS Band où Yannick ne dissimule rien de son principal mobile, puisque pour la petite histoire, la « maille » c’est la « thune » le fric, l’oseille…mais à 21 ans qui saurait reprocher à un gamin de banlieue de rêver de prospérité ? Le reste de la galette est constitué de compositions originales, souvent agréables, parfois funky, mais hélas inexorablement moins tubesque. Lover en story et en rupture avec le gentil funky Toi sans moi , grooveur mignon avec A cause des filles , utopique chaloupeur avec Avec des si , rouleur de mécaniques plus musclé avec Pour mes gars et même fils respectueux de sa maman avec la jolie Elle un peu dans l’esprit de « Ma number one » de Tonton David, Yannick rend soudain le rap beaucoup plus fréquentable. Seule référence à ses origines camerounaises, et seulement en filigranes, la couleur afro-groove de la chanson Y’a des jours comme ça .

À l’antithèse de la spontanéité corrosive d’un Disiz la Peste ou de la rage insurgée en cinglant cinéma-vérité de Lunatic, la vision rapologique de Yannick se limite au rythme, à l’énergie et à l’éphémère adrénaline ado.
Plutôt beau gosse, ce jeune homme cultive son image de pop star, et ses chansons partagent son éternel sourire émail diamant. Ce rap bulle de savon est sans doute plus léger que l’air du temps, mais un tel bonheur reste souvent hélas aussi éphémère.

Gérard BAR-DAVID

CD: C’est ça qu’on aime - ref SONY MUSIC / LA TRIBU 449159