Cheb Mami au Grand Rex
Après la sortie de son album de duos Du Sud au Nord, en décembre dernier, Cheb Mami est venu le présenter sur scène ce 31 mars. Dans un des cinémas historiques parisiens, le Grand Rex, il a réuni des invités aussi prestigieux que Susheela Raman, Enrico Macias, Zucchero, Mouss et Hakim de Zebda. Retour sur une soirée festive.
Le raï à toutes les sauces
Après la sortie de son album de duos Du Sud au Nord, en décembre dernier, Cheb Mami est venu le présenter sur scène ce 31 mars. Dans un des cinémas historiques parisiens, le Grand Rex, il a réuni des invités aussi prestigieux que Susheela Raman, Enrico Macias, Zucchero, Mouss et Hakim de Zebda. Retour sur une soirée festive.
Cela commence comme dans les cabarets oranais, où Mami a passé sa jeunesse à faire ses gammes. Une danseuse du ventre, toute de strass rouges vêtue, vient aguicher le public confortablement installé dans les profonds fauteuils en cuir de ce cinéma à l’ancienne des Grands Boulevards. Ses déhanchements lascifs et suggestifs font rire le public féminin venu nombreux voir le "Petit prince du raï". Quant aux hommes, ils ne perdent pas une miette d’une prestation coutumière des boîtes de nuit de la corniche oranaise, là où le raï est né.
Il faudra attendre la fin des informations d’une grande chaîne de radio nationale qui retransmet en direct le concert pour que celui-ci débute réellement. Après quelques mesures de Azwaw, une dizaine de spectateurs se lèvent déjà pour entamer une danse orientale au son des deux cornemuses qui accompagnent les musiciens de Mami, donnant la tonalité de ce concert dans lequel le chanteur veut prouver que ce raï peut être mis à toutes les sauces. "Ce que j’ai compris avec le raï, explique Michel Levy, le producteur de Mami,c’est qu’on peut le confronter à toutes les musiques, toutes les cultures. Cela donne à chaque fois quelque chose de nouveau tout en restant du raï. C’est pour cela que cet album était important pour nous, même s’il a été conçu au fil des ans, et ce concert est là pour le prouver, en live".
Après le celto-raï, c’est au tour d’un Let me raï très reggae, auquel succède un Parisien du Nord, titre qu’il chantait déjà en 1996 sur l’album Meli Meli avec K-Mel, l’ancien leader d’Alliance Ethnik. "Comme ça, vous m’avez trahi, comme ça...", refrain que Mami n’oublie jamais de déclamer pour cet hymne antiraciste qui fait brandir les drapeaux algériens dans la salle. Mais là, c’est en solo que Mami se retrouve, comme pour la plupart des titres d’ailleurs, puisque seuls quatre invités sont présents pour les dix-sept titres du spectacle. Pour fêter cet album de duos, certains attendaient Tonton David, Corneille, Idir voire Sting, mais concilier les emplois du temps de chacun n’est pas toujours chose aisée.
Susheela Raman, elle, a fait le déplacement de Londres pour interpréter leur suave ballade Magumomo où son charme hindou fait des ravages. Kenza découvre pour la première fois cette artiste tamoul chanter le raï : "Je l’avais entendue sur l’album, mais là sa présence, sa beauté me fascinent", dit-elle tout en dansant langoureusement entre les fauteuils avec Chérif. Pour Mazani, toute la salle est debout, les filles, écharpes autour de la taille, se lançant dans des danses frénétiques.
Guitare noire en bandoulière, Mami s’essaie ensuite à un hommage à Cheb Hasni, assassiné en 1994, qui demeure toujours le plus gros vendeur de disques en Algérie. Il a alors l’air d’un gamin gauche et timide en interprétant cette chanson derrière son pied de micro, lui qui fait désormais parti de la nomenklatura algérienne. Roi de la rue d’Alger à Oran depuis le succès planétaire de Desert Rose qu’il interpréta avec Sting, il ne peut désormais plus se déplacer sans provoquer d’attroupements. En l’absence de ce dernier, c’est avec son percussionniste qu’il enchaîne pour un duo à l’impeccable maîtrise vocale.
Enrico Macias, lui, est bien présent. Dix jours après le décès de son père, c’est sa première occasion de remonter sur scène. Il interprète un émouvant Koum Tara, dans le plus pur style andalou, le violon apportant une ambiance nostalgique à ce morceau dans lequel les voix de ces deux fils de l’Algérie s’harmonisent. Les spectateurs du premier rang brandissent alors leur téléphone portable muni d’un appareil photo pour immortaliser ces instants magiques.
Mouss et Hakim Amokrane, les deux frères en congé de Zebda, sont montés de Toulouse faire un tour dans la capitale. Des 2 côtés qu’ils interprètent évoque ces deux rives de la Méditerranée qui sépare les familles. "Alors pour me consoler, je me dis que ce n’est pas ma mère/ Je suis des deux côtés de la mer", scandent les deux frères dans ce rap-raï décalé où Mami répond de sa voix haut perchée.
Le public exulte, un fan monte sur scène, brandissant un drapeau algérien symbole de cette Algérie triomphante et du métissage réussi par cet artiste prêt à se mettre, culturellement, en danger.